mardi 14 juin 2016

L comme légendes familiales

Léguées par les générations précédentes, enjolivées par celui ou celle qui les transmet à la génération suivante, chaque famille a les siennes : récits mythiques auxquels prêter l'oreille avec précaution, contes destinés à enjoliver les rêves et enflammer les imaginations, épisodes légendaires dont un ancêtre est le héros entré comme par effraction dans la grande histoire…

Les légendes familiales s'appuient souvent sur des faits réels et des individus ayant existé, mais les liens se sont emmêlés, la chronologie a été bousculée et l'association des uns avec les autres est devenue plus qu'hasardeuse. À se demander si un lutin farceur n'aurait pas cherché à brouiller les pistes.

On racontait, dans la branche maternelle de ma famille, qu'un aïeul, rescapé de la retraite de Russie (en 1812, je le rappelle au passage pour ceux qui auraient du mal avec les dates historiques), avait prêté son manteau au maréchal Ney et qu'il avait laissé des instructions pour être enterré dans le précieux vêtement. J'ai entendu l'histoire à plusieurs reprises. Je me demande même si je ne m'en suis pas vantée, quand j'avais une dizaine d'années, auprès du professeur qui évoquait les guerres napoléoniennes. La généalogie m'offre aujourd'hui l'occasion de démêler le vrai du faux.

Deux de mes ancêtres directs ont effectivement choisi le métier des armes. Le premier, né en novembre 1800, a accompli l'essentiel de sa carrière sous la Restauration et la Deuxième République. À son actif, deux campagnes en Afrique, du temps où le maréchal Bugeaud était gouverneur général de l'Algérie. Le second, né en janvier 1821, fut un temps voltigeur de la garde impériale de Napoléon III. À son actif, une campagne en Italie en 1859 et la campagne contre la Prusse en 1870. Ils furent l'un et l'autre chevaliers de la Légion d'honneur.

À l'évidence, aucun des deux ne peut endosser le manteau légendaire ! Mais j'imagine assez bien comment la confusion a pu s'installer entre leurs faits d'armes et la lecture de l'épopée napoléonienne, sous le portrait du premier, en uniforme militaire, accroché au mur d'un salon palois.


Ainsi se tissent les légendes familiales…

Portrait de François Morel
Collection personnelle

4 commentaires:

  1. La légende est belle et comme disait Anatole France, les histoires n'ont d'intérets qu'avec une part de mensonge.

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  2. Peut-être s'agit-il d'un autre ancêtre dont la carrière a été moins glorieuse pendant les guerres napoléoniennes ?
    Cette histoire est trop belle pour être inventée, non ?

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    1. Jusqu'à présent, je n'ai pas trouvé qui aurait pu endosser ce fameux manteau… Autre possibilité : le manteau a été prêté par l'un de mes deux ancêtres identifiés, mais à un personnage moins célèbre que le maréchal Ney, au cours d'une campagne moins connue que la retraite de Russie. Et ensuite, il y a eu amalgame.

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  3. Ces légendes familiales sont passionnantes. A partir du moment où elles nous poussent à les vérifier, c'est parti pour un approfondissement et des confrontations avec la généalogie. Cela amène d'autres découvertes. C'est l'objet d'un billet intéressant !

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