lundi 29 octobre 2018

L'objet mystérieux (suite)

Vous êtes formidables ! Grâce à la mobilisation qui s'est spontanément manifestée dès lundi dernier, je commence à y voir plus clair. La preuve, si besoin était, de l'utilité d'un blog.

Un grand merci tout d'abord à Sophie Boudarel, qui a relayé mon article sur Twitter et activé ses réseaux. Un grand merci également à Chantal et à Marie-Dominique qui n'ont pas hésité à faire appel à leurs relations pour éclairer ma lanterne.

Je profite de l'occasion pour vous signaler le Musée en ligne de l'officier français de 1918 à 1940(1), un site extrêmement riche en informations et abondamment illustré. Un incontournable pour qui s'intéresse à l'histoire militaire de l'entre-deux guerres. Certes, il concerne exclusivement l'armée de terre, mais Laurent, son auteur, n'en a pas moins répondu avec une grande célérité à mes questions. Il m'a également transmis des documents sur le sujet.

A priori, il s'agit donc d'un poignard de sous-officier de l'armée de l'air, modèle 1934. Ce poignard, d'une quarantaine de centimètres de long, se porte avec la tenue d'apparat. Il est normalement orné d'une dragonne et le fourreau est fixé au ceinturon grâce à deux bélières de longueur différente. Il figure également sur l'insigne de l'École de l'Air de Salon-de-Provence.

L'objet qui m'intrigue n'est vraisemblablement qu'une reproduction à échelle réduite, puisqu'il mesure 14,5 centimètres. Et comme souvent en matière de généalogie, les réponses obtenues soulèvent d'autres questions… Je vous explique.

Après avoir été élève pilote au Centre d'aviation militaire d'Angers, d'avril à septembre 1928, et avoir obtenu son brevet de pilote le 15 septembre de la même année, mon père a aussitôt devancé l'appel (il relevait en principe de la classe 1929).

Collection personnelle

Il a tout d'abord été envoyé à l'école pratique d'aviation d'Istres jusqu'en janvier 1929, puis affecté au 32e régiment d'aviation à Dijon. Renvoyé dans ses foyers, selon l'expression consacrée, le 19 septembre 1929, après douze mois de service militaire, il effectue des périodes d'entraînement d'une quinzaine de jours au cours des quatre années suivantes : à Orly en juillet 1930, mai 1931 et juillet 1932, à Pau en septembre 1933. Informations tirées de son carnet de pilote et de son livret militaire, précieusement conservés dans une pochette en cuir.

À l'époque, pas de poignard d'apparat, ce n'est que par une circulaire de juillet 1934 que les officiers et sous-officiers de l'armée de l'air en sont dotés.

Le 2 septembre 1939, mon père, sergent de réserve, est rappelé sous les drapeaux par la mobilisation générale. Il est affecté au Centre d'instruction de bombardement (C.I.B.) de Pau. Il y passe toute la période de la "drôle de guerre", épousant au passage la jeune infirmière de la Croix rouge qui a soigné son angine… mais ceci est une autre histoire, que je vous ai déjà contée(2). Pas de poignard visible, sur la photo de mariage.

Démobilisé le 29 juillet 1940, il réintègrera brièvement l'armée de l'air en mai 1945, sur la base de Châteauroux, pour rejoindre définitivement la vie civile en janvier 1946. Difficile de former des pilotes, dès lors que l'armée manque cruellement d'appareils ! Est-ce à ce moment-là qu'il fit l'acquisition du poignard modèle réduit ? Mystère…

Mais je compte sur le prochain atelier de formation aux archives militaires, auquel je suis inscrite, pour savoir où chercher.




(1) Voir le site à l'adresse suivante https://tenue31.fr

(2) Voir le billet intitulé "Un mariage sous l'uniforme", publié le 17 juin 2013.

lundi 22 octobre 2018

L'objet mystérieux

Figurait-il sur le bureau de mon père, parmi les accessoires d'écriture ?

Était-il exposé dans la niche du salon, encastrée dans le mur du fond ? La partie basse de cet espace formait un placard dans lequel ma mère rangeait les verres en cristal destinés à l'apéritif et aux digestifs. Les tablettes en verre de la partie haute permettaient d'exposer ces menus objets qui font la joie des collectionneurs et des antiquaires, sous le terme d'objets de vitrine… et le cauchemar des personnes chargées de traquer la poussière !

À moins qu'il ne fût rangé sur l'une des étagères de la bibliothèque, derrière ses portes vitrées, dans l'espace laissé libre devant les volumes du Dictionnaire encyclopédique d'Aristide Quillet[1], espace peu à peu envahi par des poupées en costume folklorique des provinces françaises, fort à la mode durant mon enfance. Je me souviens par exemple d'un petit berger landais monté sur échasses, coiffé d'un béret et enveloppé d'une veste en mouton, mais je m'égare.

C'était un objet si familier que je n'ai jamais pensé à questionner mes parents sur son véritable usage. J'étais persuadée qu'il s'agissait d'un coupe-papier. Je pense même avoir vu mon père l'utiliser pour ouvrir son courrier, glisser la pointe dans l'interstice laissé libre par la colle de l'enveloppe et fendre d'un geste précis le rabat de celle-ci.

L'objet en question, d'une quinzaine de centimètres de long, a la forme d'un petit poignard. La lame en est glissée dans un fourreau gainé de cuir noir, orné de deux anneaux dorés.

Collection personnelle

Je l'ai retrouvé dans la "malle aux trésors", ces quelques caisses où j'ai rangé les objets que je souhaitais garder, lorsque j'ai vidé l'appartement palois où mes parents avaient passé les dernières années de leur vie.

J'y ai également retrouvé l'insigne de pilote de l'armée de l'air de mon père[2] et c'est en cherchant à en apprendre davantage sur le sujet que je suis tombée sur une photo[3] qui m'a mis la puce à l'oreille. Elle présente les décorations et souvenirs d'un certain Pierre Larzillière qui fut pilote durant la Première Guerre mondiale : épaulettes, médailles et décorations, dont la Légion d'honneur, insignes… et ce fameux petit objet qui m'intrigue tant.

J'ai effectué des recherches sur internet, posé quelques questions autour de moi, j'ai même poussé la porte d'une boutique de la galerie Montpensier, spécialisée dans les médailles et décorations, tout cela sans succès jusqu'à présent. Voyons si les personnes qui me font l'honneur de me lire seront plus perspicaces…



[1] Je découvre avec surprise que ce dictionnaire, dans son édition originale de 1934, ne comprenait que six volumes : dans ma mémoire, il me paraissait beaucoup important.

[2] Brevet de pilote n°21977 du 15 septembre 1928.

[3] La photo est visible à l'adresse suivante : http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/escadrille087.htm

lundi 15 octobre 2018

Curiosité, quand tu nous tiens

Nous sommes à Pau, lors du recensement de 1841. Rue de la Halle[1], une famille parmi d'autres : Jean Adema, négociant de cinquante-quatre ans, son épouse Honorine Adema sans indication d'âge, leurs deux fils, Henri dix-neuf ans et Frédéric quinze ans, enfin une domestique qui répond au doux nom de Clère Lopépé. Cela ne s'invente pas !

Le patronyme m'étant familier[2], j'effectue quelques recherches dans les registres palois pour identifier tout ce joli monde. Rapidement, je trouve plusieurs actes qui me permettent d'en apprendre davantage sur leur compte :
  • Le mariage entre Jean Adema, négociant, "fils légitime et majeur de feu M. Jean de Paul (sic) Adema, boulanger, et de Jeanne Fourcade dite Gaillet", et Anne Heff, fille d'un marchand confiseur, en février 1820,
  • La naissance de Jean Henry le 24 février 1821, qui avait donc à peu de chose près dix-neuf ans lors du recensement de 1841,
  • La naissance de Pierre Frédérik (sic) le 6 mars 1826, qui avait donc quinze ans lors de ce fameux recensement.
On notera au passage que l'épouse de notre négociant se prénomme Anne et non pas Honorine, mais les Béarnais m'ont habituée à ce genre de fantaisie. Les appellations d'usage n'ont parfois aucun lien avec les prénoms enregistrés à l'état civil.

La suite me réserve quelques surprises. Le 25 avril 1850, Jean Adema et son épouse, munis d'une procuration établie par Maître Duhalde et son collègue, notaires à Bayonne, se présentent devant Sébastien Langlès, adjoint au maire de Pau. Ils apportent des documents, notamment la traduction certifiée conforme d'un texte rédigé en espagnol, duquel il ressort que leur fils aîné, Jean Henry Adema, a épousé à Pampelune (Espagne) doña Serapia Dutel, le 25 février précédent. Le tout sera intégralement transcrit dans le registre des mariages.

Le document en question valide au passage le fait que Anne Heff et Honorine Adema ne sont bien qu'une seule et même personne.

À la date de son mariage, Jean Henry Adema est chirurgien sous-aide à l'hôpital militaire de Bayonne. La transcription évoque divers éléments : une dispense papale pour consanguinité du deuxième au troisième degré, la confession des futurs conjoints préalable à la cérémonie religieuse, le consentement des pères respectifs des futurs époux, une permission de mariage émanant du ministre secrétaire d'état à la guerre et datée du 21 novembre 1849. Il y est également fait état d'un passage des ambulances de l'Algérie à l'hôpital militaire de Bayonne.

Un détour par Geneanet m'oriente vers la base Léonore. Jean Henry, rebaptisé Jean Baptiste Henry Adema dans le dossier qui le concerne, a été nommé chevalier de la Légion d'honneur le 23 septembre 1858. J'apprends au passage qu'il fut un temps maire de Biarritz.

Le dossier ne comprend que quatre minces feuillets, dont un courrier adressé à la Chancellerie, daté du 18 juillet 1878, à en-tête du Docteur H. Adéma, inspecteur adjoint des Bains à Biarritz. La lettre est accompagnée de la liste des ordres étrangers dont il est titulaire :
  • Chevalier de l'Ordre de Léopold de Belgique, en date du 27 septembre 1859,
  • Chevalier de la Couronne royale de Prusse, en date du 2 mai 1868,
  • Chevalier de l'Ordre de Charles III d'Espagne, en date du 30 août 1869,
  • Commandeur de l'Ordre d'Isabelle la Catholique, en date du 3 mai 1875.
Il serait intéressant de savoir dans quelles circonstances ces décorations lui ont été conférées.

Une incursion dans les registres de l'état civil de Biarritz me permet de vérifier que notre homme a bien été maire de cette commune pour une période allant de 1857 à 1861. Si vous tapez son nom sur votre navigateur favori, vous constaterez d'ailleurs que Jean Henri Adema (ainsi orthographié) a aujourd'hui une rue dans la station balnéaire de la Côte basque, mise à la mode par l'impératrice Eugénie.


Tout ceci collecté en quelques heures de recherche, sans même sortir de chez moi. Quelques points restent néanmoins à éclaircir, dont celui-ci : le dossier de la Légion d'honneur indique que notre homme est décédé le 8 janvier 1889, sans autre précision, notamment de lieu. Rien sur Filae ni dans les registres de Biarritz ou de Pau qui permette de valider cette affirmation.

Les quelques arbres mis en ligne sur Geneanet indiquent, quant à eux, une information sensiblement différente : le 14 septembre 1914, à Biarritz, à l'âge canonique de 93 ans. Les registres correspondants ne sont pas encore disponibles en ligne, mais les tables décennales, en piteux état mais néanmoins lisibles, mentionnent bien un Adema Jn Bte Henri à la date du 14 septembre 1914… Le site des cimetières de France[3], qui permet de localiser les tombes d'un certain nombre de défunts, reste muet sur le sujet.

Lui et moi descendons tous deux du couple formé par Jean Adema et Bertrande Artigues, à Cassagnabère au tout début du XVIIIe siècle, évoqué dans un précédent billet.




[1] Aujourd'hui rue du Maréchal-Foch.

[2] Voir le billet publié le 8 octobre dernier à l'adresse suivante http://degresdeparente.blogspot.com/2018/10/adema-oui-mais-lequel.html

lundi 8 octobre 2018

Adema, oui, mais lequel ?

Adema : l'un des premiers patronymes sur la liste par ordre alphabétique de mes ancêtres. À ce jour, une petite centaine d'individus dans ma base de données, dont plusieurs doublons, sans aucun doute.

J'ai récemment voulu mettre à jour cette branche, après avoir repéré quelques-uns de ses représentants à la lecture du recensement de 1817 à Pau… et depuis lors je galère !

Mon plus lointain ancêtre identifié dans cette branche s'appelle Guilhem Adema ; il était né entre 1620 et 1630 et exerçait le métier de bladier, c'est-à-dire de marchand de blé, à Cassagnabère[1]. Marié au moins deux fois, neuf enfants identifiés, tous issus du premier mariage, de 1656 à 1678. Guilhem Adema est porté en terre le 5 septembre 1704, "âgé d'environ quatre-vingts ans décédé le jour précédent après avoir reçu les sacrements pendant sa maladie", nous dit l'acte de sépulture. C'est mon Sosa 1000.

L'un de ses fils, Jean Adema, né en octobre 1673, est qualifié de maître chirurgien (je n'ose imaginer ce qu'était son quotidien, à cette époque). Il épouse en février 1703 à Cassagnabère la fille d'un meunier, originaire de Mengué, Bertrande Artigues. Le couple est prolifique : pas moins de douze enfants identifiés, huit garçons et quatre filles, tous nés dans ce petit bourg de Comminges, de 1704 à 1728. Trois d'entre eux rejoignent les anges dans les heures ou les jours qui suivent leur naissance, mais nombre d'entre eux atteignent l'âge adulte et fondent à leur tour une famille. Et, partant, quantité de petits porteurs du nom Adema…

Collection personnelle

L'aîné, Guilhaume Adema, est maître chirurgien comme son père et ne semble pas quitter son village natal. Ce n'est pas le cas de deux de ses frères, qui migrent vers Pau. Nous sommes toujours au pied des Pyrénées, mais une bonne centaine de kilomètres plus à l'ouest. J'aimerais connaître les motivations de ce voyage sans retour…

Paul Adema, né en 1716, exerce donc à Pau la profession de boulanger. Un grand-père marchand de blé et l'autre meunier, ceci explique peut-être cela. En février 1749, il épouse à Pau, paroisse Saint-Martin, une certaine Jeanne Dufau. Aucun doute sur son identité : l'acte de mariage indique clairement sa paroisse d'origine et l'identité de ses parents. Une dizaine d'enfants vont naître de 1750 à 1778 (je ne suis pas sûre de les avoir tous repérés dans les registres, en dépit de tables de baptêmes disponibles pour cette période). Un seul hic : ils sont tous prénommés Marguerite, Marie ou Jean !

Le frère de Paul, Jean Guilhaume Adema, né en 1728, lui aussi boulanger à Pau, épouse (quand et où ?) une certaine Marie Anne Lasserre. Son frère Paul Adema et l'épouse de ce dernier, Jeanne Dufau, sont parrain et marraine du premier né. Douze enfants voient le jour, d'octobre 1757 à août 1780. Les prénoms ne sont guère plus variés : les Marie prédominent, avec quelques variantes, Marie Thérèse, Marie Anne ou Jeanne Marie. Les garçons sont baptisés Paul, Guilhaume ou Jean.

À la génération suivante, nous voilà donc avec trois boulangers supplémentaires :
  • Guillaume Adema, fils d'Arnaud (ce dernier était resté dans sa paroisse d'origine, Cassagnabère), né vers 1744, époux d'une Jeanne Marie Dufau (à ne pas confondre avec sa tante par alliance, Jeanne Dufau, épouse de Paul Adema !),
  • Jean Adema, fils de Paul, né en 1761, époux de Jeanne Fourcade dite Gaillet,
  • Jean Adema, fils de Jean Guilhaume, né en 1775, époux de Françoise Lalanne.

 Même le curé et ses vicaires semblent y perdre leur latin, mélangeant allègrement les Jean, les Jeanne et les Marie ! Vous imaginez ma perplexité. Je ne vous cacherai pas que j'ai du mal à attribuer la paternité de certains enfants à leurs parents de façon certaine…



[1] Aujourd'hui Cassagnabère-Tournas, dans le département de Haute-Garonne.