lundi 15 octobre 2018

Curiosité, quand tu nous tiens

Nous sommes à Pau, lors du recensement de 1841. Rue de la Halle[1], une famille parmi d'autres : Jean Adema, négociant de cinquante-quatre ans, son épouse Honorine Adema sans indication d'âge, leurs deux fils, Henri dix-neuf ans et Frédéric quinze ans, enfin une domestique qui répond au doux nom de Clère Lopépé. Cela ne s'invente pas !

Le patronyme m'étant familier[2], j'effectue quelques recherches dans les registres palois pour identifier tout ce joli monde. Rapidement, je trouve plusieurs actes qui me permettent d'en apprendre davantage sur leur compte :
  • Le mariage entre Jean Adema, négociant, "fils légitime et majeur de feu M. Jean de Paul (sic) Adema, boulanger, et de Jeanne Fourcade dite Gaillet", et Anne Heff, fille d'un marchand confiseur, en février 1820,
  • La naissance de Jean Henry le 24 février 1821, qui avait donc à peu de chose près dix-neuf ans lors du recensement de 1841,
  • La naissance de Pierre Frédérik (sic) le 6 mars 1826, qui avait donc quinze ans lors de ce fameux recensement.
On notera au passage que l'épouse de notre négociant se prénomme Anne et non pas Honorine, mais les Béarnais m'ont habituée à ce genre de fantaisie. Les appellations d'usage n'ont parfois aucun lien avec les prénoms enregistrés à l'état civil.

La suite me réserve quelques surprises. Le 25 avril 1850, Jean Adema et son épouse, munis d'une procuration établie par Maître Duhalde et son collègue, notaires à Bayonne, se présentent devant Sébastien Langlès, adjoint au maire de Pau. Ils apportent des documents, notamment la traduction certifiée conforme d'un texte rédigé en espagnol, duquel il ressort que leur fils aîné, Jean Henry Adema, a épousé à Pampelune (Espagne) doña Serapia Dutel, le 25 février précédent. Le tout sera intégralement transcrit dans le registre des mariages.

Le document en question valide au passage le fait que Anne Heff et Honorine Adema ne sont bien qu'une seule et même personne.

À la date de son mariage, Jean Henry Adema est chirurgien sous-aide à l'hôpital militaire de Bayonne. La transcription évoque divers éléments : une dispense papale pour consanguinité du deuxième au troisième degré, la confession des futurs conjoints préalable à la cérémonie religieuse, le consentement des pères respectifs des futurs époux, une permission de mariage émanant du ministre secrétaire d'état à la guerre et datée du 21 novembre 1849. Il y est également fait état d'un passage des ambulances de l'Algérie à l'hôpital militaire de Bayonne.

Un détour par Geneanet m'oriente vers la base Léonore. Jean Henry, rebaptisé Jean Baptiste Henry Adema dans le dossier qui le concerne, a été nommé chevalier de la Légion d'honneur le 23 septembre 1858. J'apprends au passage qu'il fut un temps maire de Biarritz.

Le dossier ne comprend que quatre minces feuillets, dont un courrier adressé à la Chancellerie, daté du 18 juillet 1878, à en-tête du Docteur H. Adéma, inspecteur adjoint des Bains à Biarritz. La lettre est accompagnée de la liste des ordres étrangers dont il est titulaire :
  • Chevalier de l'Ordre de Léopold de Belgique, en date du 27 septembre 1859,
  • Chevalier de la Couronne royale de Prusse, en date du 2 mai 1868,
  • Chevalier de l'Ordre de Charles III d'Espagne, en date du 30 août 1869,
  • Commandeur de l'Ordre d'Isabelle la Catholique, en date du 3 mai 1875.
Il serait intéressant de savoir dans quelles circonstances ces décorations lui ont été conférées.

Une incursion dans les registres de l'état civil de Biarritz me permet de vérifier que notre homme a bien été maire de cette commune pour une période allant de 1857 à 1861. Si vous tapez son nom sur votre navigateur favori, vous constaterez d'ailleurs que Jean Henri Adema (ainsi orthographié) a aujourd'hui une rue dans la station balnéaire de la Côte basque, mise à la mode par l'impératrice Eugénie.


Tout ceci collecté en quelques heures de recherche, sans même sortir de chez moi. Quelques points restent néanmoins à éclaircir, dont celui-ci : le dossier de la Légion d'honneur indique que notre homme est décédé le 8 janvier 1889, sans autre précision, notamment de lieu. Rien sur Filae ni dans les registres de Biarritz ou de Pau qui permette de valider cette affirmation.

Les quelques arbres mis en ligne sur Geneanet indiquent, quant à eux, une information sensiblement différente : le 14 septembre 1914, à Biarritz, à l'âge canonique de 93 ans. Les registres correspondants ne sont pas encore disponibles en ligne, mais les tables décennales, en piteux état mais néanmoins lisibles, mentionnent bien un Adema Jn Bte Henri à la date du 14 septembre 1914… Le site des cimetières de France[3], qui permet de localiser les tombes d'un certain nombre de défunts, reste muet sur le sujet.

Lui et moi descendons tous deux du couple formé par Jean Adema et Bertrande Artigues, à Cassagnabère au tout début du XVIIIe siècle, évoqué dans un précédent billet.




[1] Aujourd'hui rue du Maréchal-Foch.

[2] Voir le billet publié le 8 octobre dernier à l'adresse suivante http://degresdeparente.blogspot.com/2018/10/adema-oui-mais-lequel.html

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