lundi 28 avril 2014

L'enquête généalogique

Commençons par remercier ici Brigitte et son blog Chroniques d'antan et d'ailleurs. Grâce au travail remarquable qu'elle est en train d'effectuer dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale(1), j'ai découvert un site très bien fait : Le parcours du combattant de la guerre de 1914-1918. N'hésitez pas à aller y faire un tour, si certains de vos ancêtres ont participé à ce conflit, vous y trouverez sûrement quelques pépites.

Cela m'a permis, dans un premier temps, de décrypter les informations contenues dans la fiche matricule, récemment mise en ligne(2), de mon grand-père maternel.

Au-delà de l'aspect pratique, j'en ai retiré un enseignement plus général sur les méthodes applicables à toute recherche généalogique, que je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous.

Source Archives personnelles

L'auteur du site compare la méthode à mettre en œuvre pour retrouver le parcours d'un combattant à une enquête policière, dont il définit ainsi les différentes étapes :

  • D'abord, l'exposition des faits, appuyée sur des preuves, c'est-à-dire sur des sources clairement identifiées,

  • Ensuite, l'élaboration d'hypothèses, à partir d'indices qu'il va falloir étayer,

  • Puis des investigations pour trouver des faits supplémentaires, qui recoupent les premiers et viennent confirmer les hypothèses élaborées à l'étape précédente (j'ajouterai : ou infirmer, de même que l'on est censé instruire à charge et à décharge).

L'objectif est de parvenir ainsi à des certitudes : une sorte d'intime conviction, je suppose ?

L'auteur conclut en disant que "Seule la fin diffère : en Histoire, on ne juge pas". Il insiste donc sur la neutralité nécessaire en ce domaine, ce qu'il appelle l'absence de parti pris.

Je pense pour ma part que cette technique d'enquête en trois étapes peut être efficacement appliquée à toute recherche généalogique : partir des faits connus grâce à des documents ou des actes, formuler des hypothèses, rechercher de nouveaux faits à partir des pistes ainsi tracées. Et parvenir ainsi à un niveau de connaissance raisonnable.

Je formulerai néanmoins une mise en garde. Attention à ne pas privilégier les seuls faits qui confirment les hypothèses et à ne pas négliger ou occulter ceux qui viendraient les contredire ! C'est en effet le risque, pour ne pas dire la tentation : choisir les hypothèses les plus flatteuses et oublier que nos ancêtres, comme nous, n'étaient pas exempts de défauts ; sinon gare au risque de tordre quelque peu la réalité…

C'est sans doute pourquoi l'auteur insiste sur le fait que nous ne sommes pas juges du comportement de nos aïeux et que nous ne devons pas perdre de vue qu'eux et nous avons vécu à des époques et dans un environnement différents.

Sur cette même page, l'auteur du site poursuit en listant les principales sources d'informations pour retracer le parcours d'un combattant :
  • Souvenirs de famille transmis oralement,
  • Souvenirs de famille transmis par écrit,
  • Documents familiaux tels que photos, lettres, cartes postales,
  • Sources administratives (état civil, recensement, archives des préfectures),
  • Presse locale,
  • Archives militaires.

Il suffirait d'ajouter quelques items (listes électorales, archives notariales, archives fiscales…) pour faire de cette énumération une sorte de check-list à dérouler, lorsqu'il s'agit d'entreprendre la rédaction de l'histoire familiale.

Tout cela me conforte dans l’idée que le métier que j’ai exercé dans une autre vie m’a d’une certaine manière préparée à la généalogie : la culture de la preuve, la recherche de documentation, l’obsession de la pièce justificative, les programmes de travail et les listes de points en suspens sont aisément transposables dans cette activité, certes plus ludique mais qui nécessite néanmoins rigueur et organisation.

Et voilà comment, à partir de la lecture d'un billet sur un blog, je me suis lancée dans une réflexion sur mon travail généalogique !




(1) Une étude sur les soldats du canton de Vouillé (Vienne), morts pour la France durant la Première Guerre mondiale.
(2) Au passage, merci aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques pour l'accès aisé à ces fiches.

lundi 21 avril 2014

Clin d'œil


Je pénétrais il y a quelques semaines dans l'arrière-cour du temple de la famille Chen à Guanzhou, lorsque je tombai sur ceci :

Source Archives personnelles

Le panneau sert, semble-t-il, de légende à un groupe sculpté dans le bronze.

Source Archives personnelles

Ma connaissance des idéogrammes étant extrêmement limitée (si quelqu'un peut m'éclairer), cela laisse le champ libre. On peut tout imaginer. Ne serait-ce pas, pourquoi pas, un aïeul contant à sa bru et à ses petits-enfants l'histoire du clan Chen afin que ceux-ci la transmettent à leur tour à leurs descendants ? Un généalogiste chinois, en quelque sorte !

Source Archives personnelles

 Alors que j'étais à plusieurs milliers de kilomètres de mon camp de base, le clin d'œil au sujet qui a agité la blogosphère ces derniers temps m'a fait sourire.

lundi 14 avril 2014

Nettoyage de printemps


Je ne sais pas chez vous, mais chez moi les magazines ont une forte propension à envahir l'espace. Surtout lorsque les centres d'intérêt ne manquent pas, photographie, décoration, économie, informatique, généalogie, voyages…

Dans un premier temps, ils s'empilent de part et d'autre du bureau. Cela commence de façon insidieuse, à gauche ceux qui viennent de paraître et dont la lecture n'est pas encore achevée, à droite ceux déjà lus, qui comportent nombre d'articles intéressants et qui, à ce titre, justifient d'être précieusement conservés.

Au début, rien de grave. Quelques millimètres de plus, à chaque fois.

Prenons par exemple la Revue française de généalogie : un numéro tous les deux mois, plus un numéro spécial de temps en temps, pas de quoi s'affoler… Oui, mais cela va bientôt faire cinq ans que j'ai créé ma première fiche Heredis, et j'avais commencé à m'intéresser à la généalogie deux ans auparavant. Il y a donc (il y avait, en fait) dans la pile des numéros datant de 2007 ! En 2014 !

Vous connaissez le livre de Marcia Davenport(1), "Les frères Holt" ? Leur maison new-yorkaise est peu à peu envahie par les piles de journaux et de magazines, qui forment au fil du temps d'improbables remparts contre l'hostilité du monde extérieur, ne laissant qu'un espace de plus en plus étroit, jusqu'à l'effondrement final dans lequel les deux héros meurent étouffés… Je ne veux pas finir comme ça !

Source Icon Archive

J'ai donc décidé de reprendre les numéros un par un,  de scanner les articles qui présentent une utilité certaine dans le cadre de mes recherches, de créer dans mon navigateur favori des signets vers les sites Internet qui m'intéressent… et de mettre enfin à la corbeille ces fameux magazines (que j'avais lus de la première à la dernière ligne lors de leur parution). Ouf ! En deux jours, c'était réglé.

Cette démarche m'a par ailleurs permis d'extraire de cette somme d'informations celles qui me paraissent les plus pertinentes en l'état actuel de mes recherches : sur les ancêtres protestants, les archives scolaires, la hiérarchie des laboureurs, les registres des hôpitaux parisiens, les photographies anciennes, la justice gracieuse, la symbolique militaire…

Je dis ça parce que, lors de leur parution et en dépit de leur intérêt, certains articles ne correspondent pas nécessairement aux préoccupations du moment. Un petit retour en arrière de temps en temps permet de récupérer les informations qui auraient échappé à une première lecture. La démarche ne consiste donc pas uniquement à faire place nette, elle permet également d'actualiser ses connaissances.

Bon, ce n'est qu'un premier pas, mais qui va dans la bonne direction, même si le "zéro papier" n'est pas encore pour demain !


(1) Marcia Davenport, Les frères Holt, traduit de l'anglais par F. de Bardy, Le Promeneur, 519 pages, ©1954, 1982, by Marcia Davenport, ©1954, Éditions Les Presses de la Cité, pour la traduction française, ©1992, Éditions Gallimard, pour la présente édition

lundi 7 avril 2014

Ouragan à Thouars


Vous connaissez mon goût pour les mentions insolites dans les registres paroissiaux ? Aujourd'hui, l'histoire commence par le récit d'un ouragan, rien de moins !

Source AD Deux-Sèvres 1 MIEC 120 R 355 vue 82/218

"La Posterité ne desaprouvera pas qu'a la fin de ce Registre, je
marque un évenement aussi prodigieux qu'on en ait jamais oui parler : 
je dirai donc que la nuit du quatorze au quinze du mois de mars 
dernier, environ une heure apres minuit, commança une tempête, 
ou ouragan qui continua quelques heures avec une telle violence, 
qu'on ne sçavoit ou aller, ni ou se mettre pour estre en seureté ; les 
toits de bien des Eglises et autres edifices ont êté enlevés, des murs 
renversés ; les arbres les plus forts, et des mieux enracinés, ont êté 
arrachés, comme les noyers, les ormeaux, les chênes, mesme dans les 
forests, ce qui a fait, et causera pour longues années une tres grande 
perte : bien des gens, dignes de foy, asseurent que tout ceci ne s'est point 
passé sans des tremblements de terre.
Nous curé de St. Medard de la ville de Thouars, certifions les actes
contenus au present Registre serieux et veritables. Audit Thouars 
le 31e Xbre 1751. R. Pignon Des Côteaux curé de St. Medard"

L'événement est suffisamment exceptionnel, n'en doutons pas, pour que le curé de Saint-Médard de Thouars éprouve le besoin de le mentionner dans le registre paroissial, alors qu'il n'est pas coutumier du fait.

Je précise au passage que la ville de Thouars est située au nord de l'actuel département des Deux-Sèvres, aux confins de l'Anjou, du Poitou et de la Touraine, et qu'elle pencha tantôt pour le roi de France, tantôt pour le roi d'Angleterre, notamment durant la Guerre de Cent Ans. Le bourg est construit sur un promontoire rocheux qui domine la rivière et en fait une place forte stratégiquement située depuis la nuit des temps. Mais revenons au XVIIIe siècle.

C'est le lundi 15 mars 1751, au lendemain de cette nuit de tempête, que Pierre Joubert voit le jour. Tristes circonstances pour un début dans la vie, d'autant que sa mère est veuve depuis sept mois déjà. L'époux de cette dernière, marchand orfèvre, a été inhumé dans l'église Saint-Médard le 5 août précédent, en présence de son frère Guy Joubert, notaire du duché, et de son beau-frère Jacques Bergereau, lui aussi marchand orfèvre.

"Levez-vous vite, orages désirés…" dirait Chateaubriand, lui aussi venu au monde un matin de tempête, du côté de Saint-Malo, en septembre 1768, dix-sept ans plus tard.

On imagine aisément l'affolement dans la maison de la parturiente, à une époque où chaque accouchement était périlleux aussi bien pour la mère que pour l'enfant. Les hurlements du vent devaient ajouter une note encore plus dramatique à la scène.

Portail de l'église Saint-Médard
Source : Site de la ville de Thouars

L'enfant est porté le lendemain 16 mars sur les fonts baptismaux de l'église où repose le corps de son père. Il ignore encore qu'il s'apprête à traverser, au cours de sa longue vie, une des périodes les plus troublées de l'histoire de France. Né sous le règne de Louis XV, il connaîtra la fin de l'Ancien Régime, la Révolution, le Directoire, le Consulat, l'Empire, la Restauration et la Monarchie de Juillet !

Il reprendra le métier de son père et deviendra à son tour marchand orfèvre, se mariera deux fois et aura cinq enfants, dont un hors mariage, légitimé par la suite, avant de mourir en août 1838, à l'âge vénérable de quatre-vingt-sept ans : "de son vivant rentier et dans l'ancien temps orfèvre", précise l'acte de décès.

J'ai fait sa connaissance (si je puis dire) en cherchant à compléter les fratries de mes ancêtres. En effet, le jeune Pierre Joubert avait épousé à Concourson-sur-Layon, en juin 1781, trente ans après le fameux ouragan, Magdelaine Ambroise Richard du Chatellier ; celle-ci est la sœur de René Pierre, mon Sosa 50. Et bien m'en a pris, car je cherchais vainement l'acte de sépulture ou de décès de leur père, René Richard, sieur du Chatellier, sans en déceler la moindre trace, ni dans la région de Concourson où il s'était marié et où étaient nés ses six enfants, ni à Bressuire dont il était originaire.

Source Heredis 2014 Onglet Famille, Migrations

Jusqu'à ce que je trouve, je ne sais trop comment dans les registres de Thouars (à l'époque, je ne tenais pas de journal de recherches, je l'avoue) l'acte de décès de "Chatellier René Richard" le "23 prairial l'an sept de la République française une et indivisible". Le vieil homme, âgé de quatre-vingts ans selon les dires de l'adjoint de l'agent municipal, avait rendu son dernier soupir chez un autre de ses gendres, lui aussi installé à Thouars.

Le vent de l'histoire avait quelque peu bousculé les modes de vie et déplacé les populations.