lundi 25 août 2014

Implexe, vous avez dit implexe ?

Les alertes Geneanet réservent parfois quelques surprises. Cette semaine, par exemple, le mariage du couple formé par René Roulleau et Marie Veau (vous avez le droit de sourire) le 13 février 1685 en l'église de Saint-Just-des-Verchers(1).

Ainsi munie d'une date et d'un lieu, je commençai par vérifier la présence de l'acte dans les registres paroissiaux. L'information était fiable.

AD Maine-et-Loire, Saint-Just-des-Verchers, vue 44/394
AD Maine-et-Loire, Saint-Just-des-Verchers, vue 45/394

J'en profitai pour ajouter quelques feuilles à cette branche de mon arbre généalogique : les prénoms et noms des parents, les mariages des enfants dans la même paroisse ou dans celles des environs, la sépulture de la mère, les baptêmes des petits-enfants et, une fois cette mise à jour faite dans ma base de données Heredis, je cliquai sur l'onglet "Lignée descendante" pour juger de l'effet.

La liste remplissait tout l'espace (et même au-delà), normal, René Roulleau est un de mes ancêtres à la neuvième génération. Qui plus est, dans la branche de mon grand-père maternel, une de celles que j'ai le plus étudiées, compte tenu de la facilité d'accès des archives du Maine-et-Loire. Avec des fratries fort nombreuses, qui résistaient apparemment plutôt bien aux périls divers qui menaçaient la petite enfance en ces temps lointains et dont les individus, arrivés à l'âge adulte, engendrèrent à leur tour une nombreuse progéniture. Laquelle, au fil du temps, a développé quelques ramures dans les Deux-Sèvres toutes proches.

Descendance de René Roulleau

Un point, toutefois, attira mon attention : certaines lignes du tableau apparaissaient en rouge. De quoi s'agissait-il ? À y regarder de plus près, des implexes !

Si vous n'êtes pas totalement néophyte en généalogie, vous avez sûrement déjà rencontré ce mot. Du latin "implexus" (mêlé, entrelacé), il fait référence au fait que certains de nos ancêtres figurent à plusieurs reprises dans nos arbres généalogiques, par exemple lors d'un mariage entre cousins germains ou issus de germains. Le nombre réel de nos ancêtres est de ce fait inférieur à leur nombre théorique.

L'implexe généalogique,
quelque chose comme ça ?

Je vous renvoie pour plus amples explications à l'article très clair et très bien documenté d'Entre nous et nos ancêtres : "Qu'est-ce qu'un implexe en généalogie ?"

Le couple qui nous intéresse aujourd'hui, celui formé par René Roulleau et Marie Veau, a donné le jour à huit enfants. L'une de leurs filles, Marie, épousa François Prisset en novembre 1706, en l'église Saint-Just-des-Verchers, en présence de nombreux parents et amis dont beaucoup apposèrent leur signature au bas du registre.

Leur petite-fille Anne épousa sur le tard (elle allait avoir trente-sept ans) André Bernier en février 1750 et leur arrière-petite-fille Marie Bernier épousa François Maitreau en juillet 1767, une semaine avant son seizième anniversaire. Les familles s'étaient établies à Concourson.

Nous voici arrivés à la fin du XVIIIe siècle, juste avant la Révolution. François Maitreau et Marie Bernier eurent au moins dix enfants entre 1769 et 1790. C'est à leur génération que certaines branches allaient s'entremêler avec celles de leurs cousins ! Leurs filles Jeanne et Louise épousèrent respectivement l'une François en 1797 et l'autre Pierre Roulleau en 1806. Deux frères dont l'arrière-grand-père, François Roulleau, était issu du même couple que l'arrière-grand-mère de leurs épouses, Marie Roulleau.

Ils étaient donc parents au quatrième degré selon le droit canon ou au huitième degré selon le droit civil. Pas de dispense à solliciter auprès des autorités, religieuses ou civiles. Mais pour moi la nécessité de coucher tout cela sur le papier, sous forme d'un schéma, si je veux m'y retrouver. Voici celui qui permet de visualiser les liens de parenté entre François Roulleau quatrième du nom et son épouse Jeanne Maitreau (il faudrait naturellement compléter les fratries de part et d'autre, mais cela devient rapidement illisible, c'est pourquoi j'ai simplifié au maximum).

Schéma faisant apparaître les liens de parenté
entre François Roulleau et Jeanne Maitreau

Pour compliquer encore un peu l'arbre généalogique, une troisième sœur, Jacquine Maitreau, épousa en 1813 un neveu des frères Roulleau, mais j'arrête là si je ne veux pas vous perdre en route…

Les lignes qui apparaissent en rouge sous l'onglet "Lignée descendante" d'Heredis sont donc celles des frères Roulleau et des sœurs Maitreau, ainsi que de leurs enfants, pour cause d'ancêtres communs.

Je ne suis pas directement concernée par ces implexes, car je descends d'un autre enfant du couple formé par François Maitreau et Marie Bernier : André, né en 1785, dont le fils Achille quittera les coteaux du Layon pour la vie militaire et prendra sa retraite à Pau. J'ignore donc comment Heredis résout l'épineuse question de la numérotation Sosa pour ces ancêtres qui apparaissent deux fois ou davantage dans les arbres d'ascendance.

Quelqu'un a la réponse ?




(1) Pour ceux que la géographie intéresse, nous sommes dans l'actuel département du Maine-et-Loire, au sud du fleuve, dans la région des coteaux du Layon.

lundi 18 août 2014

Énigme dans le bocage

Laissez-moi vous emmener aujourd'hui faire un tour dans les Mauges, cette partie de l'Anjou située au sud de la Loire, délimitée par la Vendée au sud-ouest et les coteaux du Layon à l'est. Plus précisément à Saint-Lézin, à la fin du XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV. Nous sommes à deux lieues environ de Chemillé, quelques lieues supplémentaires de Beaupréau et de Cholet, dans un paysage de bocage.

Carte trouvée sur le site de le ferme pédagogique
du GAEC La Passerelle

C'est dans la paroisse de Saint-Lézin que vivait le couple formé par Mathurin Tareau, fileur de laine, et son épouse Françoise Uzureau, mes lointains ancêtres à la onzième génération. Parmi leur progéniture, il y eut au moins deux filles : l'une, Jacquine, épousa Michel Douezy en 1692 et l'autre, Louise, épousa François Caillaud en 1696.

La lignée de la première conduit à travers le temps jusqu'à Jenny Letourneau, ma grand-mère paternelle, née en 1875 et décédée en 1940. La lignée de la seconde conduit à François Constant Uzureau, chanoine et historien, né en 1866 et décédé en 1948.


Un cousinage inattendu

Geneastar m'avait signalé au printemps dernier ce lointain cousinage avec un ecclésiastique dont la célébrité m'avait totalement échappée jusque là ! J'imprimai la liste des ascendants de François Constant Uzureau jusqu'à Mathurin Tareau et je rangeai le document, en attendant d'y revenir en temps utile.

Je l'ai repris depuis quelques jours, afin de compléter dans la mesure du possible cette liste, en y indiquant les dates et les lieux des baptêmes, des mariages et des sépultures, ainsi que les prénoms et noms des conjoints, avant de les saisir dans ma base de données. Je tiquais néanmoins sur un détail : Jacquine Caillaud, fille de François Caillaud et Louise Tareau, baptisée le 22 mars 1698 à Saint-Lézin, aurait donné naissance à un fils le 9 janvier 1748… à l'âge fort avancé (pour l'époque, bien sûr, ne vous méprenez pas) de cinquante ans, donc ! Cela me paraissait peu vraisemblable.

Première démarche

Tout d'abord, je vérifiai les informations à ma disposition. Oui, il existe bien dans les registres paroissiaux de Saint-Lézin un acte de baptême au nom de Jacquine Caillaud (ou Caillaut), à la date du 22 mars 1698, et la filiation ne laisse la place à aucune ambiguïté. Même si le patronyme est orthographié avec des variantes au fil du temps, selon les vicaires ou les curés.

Acte de baptême de Jacquine Caillaud
AD Maine-et-Loire, Saint-Lézin vue 153/278

De même, il existe bien un acte de mariage entre une certaine Jacquine Cailleau, avec la même filiation, et René Bompas le 26 novembre 1732 et un autre mariage entre Jacquine Caillaud, veuve de ce même René Bompas, et Jean Boutin le 5 août 1738 (c'est de cette union qu'est issu le jeune Jean Boutin, né le 9 janvier 1748, sur lequel j'ai achoppé).

Toutefois, ce dernier document attribue à la dite Jacquine vingt-trois ans, et non quarante. Je sais que l'imprécision sur l'âge des parties est monnaie courante dans les actes de l'époque, mais un écart qui la rajeunit de dix-sept ans, voilà qui n'est certes pas banal.

J'en profitai pour jeter un œil sur l'acte de sépulture daté du 15 avril 1780. Là encore, la femme de Jean Boutin est créditée (si je puis dire) de soixante-six ans, et non pas de quatre-vingt-deux ans, soit un écart de seize ans en sa faveur !

L'inspecteur mène l'enquête

Et s'il existait deux Jacquine Caillaud ? Je voulus en avoir le cœur net.

C'était parti pour quelques heures de recherches, des allers et retours fébriles entre les arbres en ligne sur Geneanet et les archives numérisées du Maine-et-Loire, des listes rapidement couchées sur des feuilles volantes, des notes inscrites mon journal de recherches…

Dans un premier temps, je décidai de reconstituer, dans la mesure du possible, l'ensemble de la fratrie issue du couple formé par François Caillaud et Louise Tareau, dont les noces avaient été célébrées à Saint-Lézin le 28 février 1696. Je descendis donc page après page les registres paroissiaux, heureusement fort lisibles sans l'aide d'un paléographe confirmé. Même si quelques pièges, çà et là…

Je ne dénombrai pas moins de neuf enfants, au rythme plus ou moins régulier d'un tous les deux ans, moins espacés au début, plus espacés à la fin de façon tout à fait classique :
  • Louise, baptisée en janvier 1697,
  • Jacquine en mars 1698,
  • Catherine en décembre 1700,
  • François en janvier 1703,
  • Jacques en avril 1705,
  • Jean en janvier 1707,
  • Renée en septembre 1709,
  • Pierre en août 1712,
  • et enfin Perrine en février 1716.

Tiens, tiens, cette petite dernière a eu pour marraine… devinez qui ? sa sœur Jacquine ! Et si, par la suite, on l'avait appelée Jacquine elle aussi ?

Acte de baptême de Perrine Caillaud
AD Maine-et-Loire, Saint-Lézin vue 274/278

Je cherchai ensuite à savoir si Jacquine "l'aînée" s'était mariée avant sa plus jeune sœur et je trouvai l'acte suivant : le 2 décembre 1719, "Jacquine Caillaux fille de François Caillaux et de Loüise Tareau âgée de vingt deux ans" a épousé un certain Pierre Courtois ou Courtais, en présence des pères et mères des deux conjoints, ainsi que d'autres parents. L'âge indiqué, vingt-deux ans, est cohérent avec l'âge réel, vingt-et-un ans.

C'est sans aucun doute ce même Pierre Courtois qui est présent au mariage de "l'autre Jacquine" avec René Bompas en novembre 1732. Il est d'ailleurs cité dans l'acte en tant que beau-frère de la jeune épouse du jour (elle a alors seize ans si elle ne fait qu'un avec Perrine).

Elle sera ainsi appelée Jacquine avec une belle constance dans les registres paroissiaux, lors de tous les événements qui jalonneront son existence jusqu'à son inhumation en avril 1780. Je note au passage que sa sœur Jacquine "l'aînée", femme de Pierre Courtois, sera la marraine de son premier né, René Bompas, baptisé en avril 1734.

Je n'ai donc pas la preuve formelle que la Perrine née en février 1716 et la Jacquine mariée en 1732, remariée en 1738 et décédée en 1780, ne sont qu'une seule et même personne ; mais j'estime avoir réuni un faisceau d'indices suffisamment concordants.

Soyons tout à fait honnête. Il y a un petit hic, un seul : l'acte de baptême du jeune Charles Boutin le 29 janvier 1746. Le curé de l'époque, René Ogereau, indique : "Charles né de ce jour fils de Jean Boutin métayer… et de Jacquine Courtais Caillault son épouse" ! Allons bon ! La plume du prêtre aurait-elle dérapé ou sa vue lui aurait-elle joué un tour ? Le parrain s'appelle Charles Courtais, la marraine est l'épouse de François Courtais, me voilà avec trois Courtais pour le prix de deux !

Le diable se niche dans les détails, dit-on. La preuve, en tous cas, qu'il y avait bien plusieurs Jacquine Caillaud dans la paroisse et que la confusion était possible.

Quelle leçon en tirer

Si j'ai éprouvé le besoin de vous conter par le menu mes élucubrations et mes recherches, c'est pour en tirer quelques solides principes :

1. D'abord, examiner les informations à notre disposition d'un œil suffisamment critique pour y déceler les incohérences éventuelles (de dates, de lieux, d'âge…).

2. Ensuite, ne jamais se satisfaire des informations de seconde main (pas de simple copier-coller, donc), mais toujours remonter à leur véritable source : les registres et les actes rédigés à l'époque des événements. Et les comparer, lorsque l'on a la chance d'avoir plusieurs versions (la collection communale et la collection départementale des registres d'état civil, par exemple).

3. Ne pas oublier que l'erreur est toujours possible et ce à tous les niveaux : personne n'est infaillible, ni l'officiant religieux qui rédige l'acte, ni le curé ou le vicaire qui le recopie sur le second registre, ni le transcripteur qui déchiffre mal un prénom, un nom, un métier, une date, ni le généalogiste qui saisit les informations dans sa base de données…

4. Ne pas perdre de vue les coutumes des régions où ont vécu nos ancêtres, elles peuvent nous fournir des pistes. Pour ma part, j'ai constaté que les aînés recevaient souvent le prénom de leurs parents ou de leurs grands-parents, que les garçons recevaient le même prénom que leur parrain et les filles le même que leur marraine, et que le prénom usuel différait parfois de celui du baptême.

5. Toujours noter les témoins, les intervenants, les personnes présentes citées dans les actes ainsi que leur lien de parenté avec les parties, s'il est indiqué. Là encore, ces éléments constituent des indices à exploiter.

Bon, j'arrête là ce ton un peu trop "pédago" peut-être pour des vacances estivales.

Et François Constant Uzureau, dans tout ça ?

Eh bien, permettez-moi de vous orienter vers Feuilles d'ardoise. La blogueuse qui se cache derrière ce joli titre a rédigé un billet sur ce personnage, à l'occasion du challenge AZ de juin 2014 : il s'intitule très logiquement "U comme Uzureau".

Ce fut l'élément déclencheur de mes investigations du moment, qu'elle en soit ici remerciée.