lundi 31 décembre 2012

La procrastination, ça suffit !


Il fut un temps où je travaillais dans un cabinet d'audit anglo-saxon. J'y ai acquis une culture de la preuve et une véritable obsession de la pièce justificative. C'est pourquoi je recherche systématiquement les documents relatifs aux événements qui ont rythmé la vie de mes ancêtres.

À cet égard, Heredis me convient parfaitement. À chaque événement correspond au moins une source. La fiche d'un individu permet d'avoir une vision globale de tous les documents qui jalonnent son parcours. Inversement, chaque source et chaque lieu permettent d'avoir une vision globale des individus qui s'y rattachent. Bel exemple de "cross referenciation".

J'ai peut-être oublié de vous dire que les collaborateurs des cabinets anglo-saxons pratiquent les anglicismes à haute dose. Par exemple, ils rédigent régulièrement des "to do lists", dans lesquelles chaque item commence par un verbe qui incite à l'action. Cette époque de l'année étant propice aux bonnes résolutions, pourquoi pas une "to do list" généalogique ?

Source Photo Pin Creative Commons

Voici la mienne pour l'année 2013.

D'abord, m'inscrire enfin au Service historique de la Défense pour y consulter les dossiers de deux de mes ancêtres : Achille Maitreau, qui fut lieutenant de la garde impériale de Napoléon III, et François Morel, qui fut chirurgien en chef à l'hôpital de Djidjelli en Algérie en 1846. Oserai-je préciser que le Service historique de la Défense a élu domicile dans le pavillon du Roi du château de Vincennes, à quelques centaines de mètres de mon domicile ?

Ensuite, consulter la collection des Bottins aux Archives de Paris, pour tenter de collecter des informations sur les activités de peintres en bâtiment de François Marin Chancé et de Frédéric François Chancé à Paris dans les années 1850 et 1860. Si les Archives de Paris sont plus éloignées que le SHD, elles n'en demeurent pas moins à portée de métro !

En profiter pour consulter les registres de catholicité et tenter de trouver trace de plusieurs mariages de mes ancêtres Chancé, contractés dans les années 1840 à 1860, époque pour laquelle les registres de l'état civil parisien manquent cruellement, pour avoir brûlé dans les incendies qui ont ravagé l'Hôtel de Ville et le Palais de Justice durant la Commune.

Ne pas oublier de consulter les registres matricules militaires archivés au même endroit, toujours pour des ancêtres Chancé.

Vérifier si un certain F. Maitreau, mentionné dans le Dictionnaire historique du Maine-et-Loire de Célestin Port, et mon ancêtre François Maitreau ne font qu'un. Auquel cas, ce dernier se serait porté acquéreur de biens nationaux à Concourson en février 1791, ce qui pourrait expliquer sa mort violente moins de trois ans plus tard sur la route de Coron à Vezins, durant les temps troublés de la Révolution. Là, j'ai peur qu'il me faille m'éloigner quelque peu des abords du périphérique et pousser jusqu'aux Archives départementales du Maine-et-Loire.

Faire un tour au Centre d'accueil et de recherche des Archives nationales, le fameux CARAN, pour y consulter la lettre de provision d'office qui fit de Jacques Germon le successeur de son beau-père Jean Gaillard comme notaire royal en Vendée, en 1735. L'hôtel de Rohan et l'hôtel de Soubise sont eux aussi à portée de métro de mon camp de base.

Rendre enfin visite à la Librairie de la Voûte, la librairie du généalogiste, même si je sais qu'il m'est pratiquement impossible de pénétrer dans un espace voué à la chose écrite sans en ressortir avec trois ou quatre volumes sous le bras. La rue de la Voûte est située à l'est du 12e arrondissement parisien, autant dire à deux stations de métro de chez moi ! Si cela me chante, je peux même m'y rendre en bus, histoire de varier les plaisirs…

Vous avez compris le principe ? Je couche tout cela sur le papier (façon de parler) et je le publie sur le net. Comme cela, la contrainte est plus forte : je me suis engagée publiquement. Et puis, quelle fierté lorsque je vous en rendrai compte dans ce blog, dans quelques semaines ou dans quelques mois ! Plus gratifiant qu'un simple trait de plume pour biffer une rubrique de ma liste, une fois la tâche accomplie.

Et vous, quelles sont vos résolutions "généalogiques" pour la nouvelle année ?

lundi 24 décembre 2012

Les causes du décès


Les actes de sépulture figurant dans les registres paroissiaux ne fournissent guère d'informations au généalogiste amateur tant il sont succincts : ils indiquent l'identité du défunt, son âge approximatif, sa situation de famille (époux, veuf…), rarement davantage.

De nos jours, cela ne choque guère, dans la mesure où il est normal que soit respecté le secret médical. Pourtant que ne donnerait-on pas pour avoir des détails sur les circonstances de la mort de nos ancêtres.

Bien sûr, il est possible de formuler des hypothèses. J'ai pris l'habitude de rechercher le baptême d'un enfant dans les jours qui précèdent l'inhumation d'une épouse en âge de procréer. Les accouchements étaient si périlleux ! Je consulte souvent le guide de Thierry Sabot (1) pour savoir si une épidémie s'est propagée au cours d'une année, lorsque les inhumations se multiplient soudain dans les registres d'une paroisse. Mais cela reste du domaine des suppositions.

Toutefois, les accidents sont parfois mentionnés. En voici un exemple, relevé dans les registres de Notre-Dame du Touchet en juillet 1693. Nous sommes aux confins de la Normandie et du Maine.

"Jeanne Chancé veufve de Jean Nepveu est
decedée le vingt cinquieme jour de juillet iceluy
décez arrivé par la chute d'un cerisier et a esté
inhumée par moy soubsigné curé du lieu
dans le cimetiere dud. lieu le vingt sixieme
dud. mois et an que dessus. Prce. de Jean Chancé
Mazure et de Michel Javault fils François tsmgs."

Suivent trois signatures : celle du curé (pour moi illisible) et celles des deux témoins.

Registre paroissial de Notre Dame du Touchet, source AD Manche

À noter que l'acte a vraisemblablement été rédigé par le vicaire, Guillaume Hervieu, doté d'une belle écriture et enclin aux fioritures sur les pages du registre. Je note avec plaisir qu'il n'omet pas l'accent sur le "e" final de Chancé.

Un doute subsiste néanmoins : est-ce l'arbre qui est tombé sur Jeanne ou Jeanne qui a chu malencontreusement au cours de la cueillette ? L'histoire ne le dit pas.



(1) Thierry Sabot, Contexte, un guide chrono-thématique, Editions Thisa, 3e édition 2012

lundi 17 décembre 2012

Un parrain prestigieux


Au cours de mes recherches généalogiques, j'essaie, dans la mesure du possible, d'identifier tous les enfants issus d'un même couple, car cela permet d'avoir une connaissance plus approfondie de chaque famille d'ancêtres. J'ai donc été amenée à lire un nombre considérable d'actes de baptême. Cette lecture attentive m'a permis de découvrir les usages de mes ancêtres dans le choix des parrains et des marraines pour leur progéniture.

Dans l'ancien temps, le plus souvent, l'aîné était porté sur les fonts baptismaux par son grand-père paternel et sa grand-mère maternelle, le deuxième par son grand-père maternel et sa grand-mère paternelle. Puis venaient les oncles et tantes pour les suivants et parfois les frères et sœurs aînés pour les plus jeunes. L'enfant était généralement "nommé" par le parrain ou la marraine, d'où de nombreux homonymes, de génération en génération.

Comme toute règle, celle-ci souffre de nombreuses exceptions. Il arrive notamment que les parents placent leur enfant sous la protection d'un notable, ecclésiastique ou seigneur du lieu. Cette notoriété dépasse rarement les environs du village, mais il arrive que la petite histoire rencontre soudain la grande. C'est l'objet de cet article.

Nous sommes dans une famille de notables du Poitou, à l'aube du XVIIIe siècle ; les Germon sont originaires de Moncoutant, un bourg situé à quelques lieues au sud-ouest de Bressuire, entre gâtine (1) et bocage (2), non loin de la Sèvre nantaise. À l'époque qui nous intéresse, la région était spécialisée dans la confection d'un épais drap de laine, appelé "droguet" ou "tiretaine".

L'histoire commence par un double mariage. Le mercredi 12 novembre 1698, le curé de Moncoutant donne la bénédiction nuptiale à messire Jacques Germon et à dame Marguerite Moreau, ainsi qu'à messire Louis Moreau et à dame Jeanne Germon. L'acte unique, rédigé de façon succincte, n'indique pas la filiation des époux, mais il y a fort à parier que les Germon sont frère et sœur, ainsi que les Moreau : il s'agit sans doute de consolider une alliance entre deux familles de marchands.

Le mariage de Jacques Germon et de Marguerite Moreau est de courte durée : l'époux décède à peine quatre ans plus tard, en septembre 1702, à l'âge de trente-six ans. Il est inhumé dans l'église de Moncoutant, en présence de ses frères et beaux-frères, tous marchands, qui apposent leur signature sur l'acte de sépulture.

Son épouse a donné le jour à quatre enfants en quatre ans : le premier ne survit que quelques jours, les autres sont "baptisés à la maison en danger de mort", selon l'expression consacrée. Accouchements difficiles ou faiblesse de constitution ? l'histoire ne le dit pas.

Le troisième, Jacques Louis, atteint néanmoins l'âge adulte. Nous le retrouvons quelques lieues plus à l'ouest, à Réaumur, bourg du bocage vendéen, où il épouse en 1726 Marguerite Magdeleine Gaillard. Cette dernière est la fille de maître Jean Gaillard, notaire royal résidant à Montournais. Le gendre succédera à son beau-père quelques années plus tard.

Onze enfants au moins vont naître de cette union, cinq garçons et six filles. L'aînée (mon ancêtre directe), Marguerite Magdeleine, est baptisée le 2 avril 1727. Elle a pour parrain Jean Gaillard et pour marraine Marguerite Renaudin, ses grands-parents maternels, les aïeux paternels n'étant plus de ce monde. Elle mènera une vie fertile en rebondissements, avec trois mariages successifs, mais ce n'est pas le sujet qui nous intéresse aujourd'hui.

Le second, René Antoine, est baptisé l'année suivante, le 3 novembre 1728. Et c'est ici que la petite histoire croise soudain la grande. Les grands-parents maternels signent à nouveau l'acte de baptême, mais cette fois-ci par procuration : en effet, le parrain du garçon n'est autre que René Antoine Ferchault (1683-1757), seigneur de Réaumur et directeur de l'Académie royale des Sciences. Physicien et naturaliste, auteur de nombreuses publications scientifiques, il est notamment l'inventeur du thermomètre à alcool. Il a également mis au point un procédé pour étamer le fer-blanc à moindre coût et un autre pour fabriquer une sorte de porcelaine blanche à partir du verre.

René-Antoine Ferchault de Réaumur, source Wikimedia Commons

Selon le Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables, c'est le grand-père de René Antoine Ferchault, Jean Ferchault, qui acquit le domaine de la seigneurie de Réaumur au siècle précédent. Le savant devait y résider à l'occasion, car on retrouve sa signature sur le registre paroissial le 13 octobre 1728, trois semaines avant le baptême de René Antoine Germon.

Sa signature, source AD Vendée

L'histoire a retenu le nom de Réaumur, plutôt que celui de Ferchault. En 1851, à Paris, la rue Réaumur fut formée par la réunion des rues du Marché Saint-Martin et Royale Saint-Martin. C'était un peu avant le début des grands travaux entrepris par le baron Haussmann. Le Dictionnaire historique et topographique de l'ancien Paris nous explique que la rue fut ainsi nommée en hommage au savant, en raison de la proximité du Conservatoire national des Arts et Métiers.

Et vous, avez-vous parmi vos ancêtres des exemples de parrainage prestigieux comme celui-ci ?



(1) Pays formé de terrains pauvres et peu fertiles, landes, prairies pauvres convenant à l'élevage des moutons et des chèvres, selon Wikipédia.
(2) Région où les champs et les prés sont enclos par des levées de terre portant des haies ou des rangées d'arbres et où l'habitat est dispersé, toujours selon Wikipédia.

lundi 10 décembre 2012

Combien de jumeaux parmi vos ancêtres ?


Lorsque j'entamai des recherches généalogiques sur mes ancêtres, je tentais d'abord naïvement de remonter le plus loin possible dans le temps. À partir d'une naissance ou d'un baptême, je recherchais le mariage des parents, qui me donnait l'identité des grands-parents, et ainsi de suite d'acte en acte et de génération en génération. Je pense que nombre de généalogistes amateurs ont commencé ainsi.

Pour ma part, j'arrivai assez rapidement au XVIIe siècle. Selon la disponibilité des archives numérisées, l'état des registres paroissiaux et mes modestes capacités à déchiffrer les écritures anciennes, je butais tantôt sur les années 1660, tantôt sur les années 1620, avec néanmoins quelques incursions à la toute fin du XVIe siècle : l'acte de baptême le plus ancien relatif à mes ancêtres directs concerne une certaine Perrine, fille de Guille. Berard et de Louise Besnard, baptisée le 19 mars 1599 à Chantrigné, dans l'actuel département de la Mayenne. À l'époque où Henri IV régnait sur le royaume de France, donc !

Cette première période fut riche en surprises. Du Maine-et-Loire à la Drôme et des Pyrénées aux Vosges, en passant par la Manche, la Haute-Garonne ou le Loir-et-Cher, je découvrais des paroisses aux noms poétiques, des métiers insoupçonnés et des religieux plus ou moins doués pour la calligraphie.

Lorsque je feuilletais (virtuellement) les pages d'un registre, en remontant de la dernière page à la première à la recherche d'un mariage, je tombais souvent sur le baptême ou la sépulture d'un autre enfant du couple. J'eus l'heureuse idée de noter ces événements sur des feuilles volantes, paroisse par paroisse, en indiquant le numéro du folio, et de ranger le tout dans un classeur.

J'eus assez vite envie de reconstituer les fratries à partir de ces notes. Combien de frères et de sœurs mon ancêtre direct avait-il eus, quel rang occupait-il, était-il l'aîné, le puîné ou le benjamin ? J'étais mûre pour la deuxième phase de mes recherches. Je commençais à reconstituer le parcours de ces collatéraux : s'étaient-ils mariés, avaient-ils eu des enfants, quand étaient-ils passés de vie à trépas ? Ma base de données augmentait à vue d'œil. J'identifiai plus facilement les liens de parenté avec les parrains et marraines, tuteurs et curateurs, cousins germains et remués de germains, toute cette parentèle présente lors des événements dont les actes de baptême, de mariage et de sépulture sont le reflet.

Je fis de nouvelles découvertes. Je constatai que, dans les couples, les naissances se succédaient parfois sur une vingtaine d'années au rythme d'une tous les dix-huit mois à deux ans, un peu moins au fil du temps, que nombre d'enfants mouraient en bas âge et que nombre de mères mouraient dans les jours qui suivaient l'accouchement, que les veufs se remariaient dans les mois qui suivaient le décès de leur épouse, que les veuves n'étaient pas en reste… Bref, l'histoire enseignée dans les manuels devenait soudain beaucoup moins abstraite.

Marie-Thérèse et Geneviève Maitreau, Archives personnelles

Un fait attira mon attention, le nombre d'enfants jumeaux : pas moins de douze cas de naissances multiples parmi mes aïeux, en l'état actuel de mes recherches. J'y étais particulièrement attentive, car ma mère avait eu une sœur jumelle. Je n'ai malheureusement pas connu cette dernière, car elle a été emportée par la grippe espagnole à l'âge de cinq ans, mais je détiens quelques photos des deux enfants, l'une blonde et fragile (ma mère) et l'autre plus potelée, aux cheveux plus sombres. C'était, à ma connaissance, un cas unique dans la famille, avant que j'entame des recherches généalogiques.

Douze cas de naissances gémellaires, donc, dans ma parenté : deux cas dans la branche maternelle et dix dans la branche paternelle. Cela me parut considérable. Un petit détour par Wikipédia m'apprit qu'il y a aujourd'hui en moyenne une paire de jumeaux pour 85 naissances et historiquement une paire de jumeaux pour 80 naissances. Les facteurs déterminants seraient le recours à des techniques de reproduction assistée (çà, c'est valable pour l'époque actuelle), l'âge élevé de la mère, ainsi que des prédispositions individuelles ou familiales du côté de la mère.

Je voulus en avoir le cœur net. Comment faire ? À partir de la liste de mes ancêtres directs, j'ai d'abord recensé le nombre de couples qu'ils ont formés (parfois plusieurs pour un même ancêtre, s'il y a eu des mariages successifs). J'ai inscrit en regard le nombre d'enfants issus de ces couples. J'ai prévu une colonne supplémentaire pour recenser les naissances attestées par un acte de naissance ou de baptême. Il arrive en effet que la filiation soit simplement déduite à partir d'un acte de mariage (dans ce cas, le degré de certitude est fort) ou simplement parce qu'un participant à une cérémonie est désigné comme frère ou sœur d'une autre personne (dans ce cas le risque d'erreur est plus élevé, notamment lorsque le prénom usuel diffère du prénom de baptême).

En l'état actuel de mes recherches, j'ai donc dénombré 329 couples sur treize générations. Ces couples ont eu 993 enfants identifiés, dont 797 attestés par des actes de naissance ou de baptême. Ce dernier chiffre est vraisemblablement très en dessous de la vérité pour deux raisons : je n'ai pas tenu compte des filiations prouvées uniquement par un acte de mariage et je n'ai pas encore reconstitué complètement les fratries pour les générations les plus éloignées. C'est donc une approche empirique, qui ne satisferait sans doute pas un statisticien, mais qui me permet quand même de me faire une idée.

Eh bien, j'arrive à une paire de jumeaux pour 66 naissances si je ne tiens compte que des enfants pour lesquels j'ai trouvé un acte de baptême. Mais j'arrive à une paire de jumeaux pour 82 naissances si je tiens compte de tous les enfants identifiés. J'en conclus que la proportion de naissances multiples chez mes ancêtres serait plutôt conforme à la moyenne, contrairement à ce que je pensais tout d'abord.

Et vous, combien de jumeaux avez-vous repérés parmi vos ancêtres ?

lundi 3 décembre 2012

Rechercher ses ancêtres : de l'utilité des listes de recensement


Les recherches sur un ancêtre commencent par la collecte des actes qui jalonnent sa vie civile : naissance, mariage(s), décès. Le plus intéressant d'un point de vue généalogique est sans conteste l'acte de mariage, notamment lorsqu'il a été rédigé au XIXe siècle, car il fournit à lui seul un lot considérable d'informations : identité, âge et domicile des mariés, de leurs parents respectifs, des quatre témoins…

Comment faire si cet acte est introuvable ?

Quand j'ai entamé la généalogie de mes ancêtres, la question s'est un jour posée. L'un de mes arrière-grands-pères, Frédéric Chancé, a épousé à Paris en novembre 1861 une certaine Madeleine Augustine Laubret. Il était peintre en bâtiment, elle était crémière et tous deux habitaient sur la butte Montmartre, au n°18 de la rue Feutrier.

L'acte de mariage indiquait que Madeleine Augustine Laubret, fille de Madeleine Laubret, était née à Salbris le 14 décembre 1835. J'allais donc jeter un coup d'œil du côté de la Sologne.

À l'époque de ces recherches, les archives départementales du Loir-et-Cher n'étaient pas accessibles en ligne. Je décidai donc de passer par l'entraide de FranceGenWeb, service remarquablement efficace qui s'appuie sur un réseau de bénévoles. J'avais déjà eu affaire à eux et j'avais pu constater que ces derniers vous fournissent dans un délai raisonnable les documents recherchés, pourvu que la demande soit suffisamment précise.

Un mois plus tard, je recevais l'image de l'acte de naissance. J'ouvris le fichier avec une certaine excitation. J'allais enfin pouvoir prolonger cette branche de mon arbre, y rattacher quelques nouveaux ancêtres, remonter le temps d'une génération ou deux… Patatras ! Madeleine Augustine était bien la fille de Madeleine Laubret, çà je le savais déjà, mais elle était née de père inconnu !(1) Le déclarant était un certain Etienne Laubret, 50 ans, peut-être le grand-père de l'enfant, mais rien ne permettait de l'affirmer.

Les informations sur la mère étaient succinctes : "fille non mariée domestique, demeurant aux Houx dite commune de Salbris". Sans acte de mariage, comment savoir son âge, l'identité de ses parents ? où chercher son acte de naissance ? comment être sûre de ne pas faire fausse route, à partir d'une homonymie trompeuse ?

Je passai à une autre branche, en attendant des jours meilleurs.

Bonne nouvelle, les archives du Loir-et-Cher sont accessibles depuis fin 2011. J'ai néanmoins attendu encore quelques semaines. J'ai en effet appris à éviter de consulter les archives numérisées dès l'annonce de leur mise en ligne. Vous avez déjà vu les magasins le premier jour des soldes ? la foule qui piétine devant les portes en attendant l'ouverture et les petits malins qui se précipitent avant même que les grilles soient complètement levées pour être les premiers sur l'article tant convoité ? Eh bien, les archives numérisées, c'est pareil. Les serveurs sont submergés et toutes les demandes ne peuvent être satisfaites. Vous restez devant votre écran à regarder la petite roue qui tourne, qui tourne… et rien ne s'affiche. Frustrant !

Par une après-midi pluvieuse, je me décidai enfin à remonter la piste de cette Madeleine Laubret. La fille était née en 1835, la mère habitait peut-être encore Salbris en 1841, date du premier recensement disponible en ligne.

Quoi ? 453 pages pour 1676 habitants ? "Ils" en mettent combien par page ?(2) J'attaquais bravement la lecture, sans être sûre de tenir bien longtemps, mais la chance m'a souri. Page 6, le cinquantième ménage répertorié dans la Grande Rue (les maisons ne semblent pas numérotées) attira mon attention : il était composé de Pierre Joulin, journalier, de Madeleine Laubret, femme Joulin, sa femme, et de Madeleine Augustine Laubret, sa fille naturelle. Notez au passage l'ambiguïté de l'adjectif possessif.

Source : Archives départementales du Loir-et-Cher

 Je n'avais plus qu'à me reporter aux tables décennales, en espérant que le couple avait convolé à Salbris. Bingo ! L'acte de mariage avait été rédigé le 10 septembre 1839 et comportait la filiation des deux époux. Il m'a permis de confirmer qu'Etienne Laubret était le grand-père de Madeleine Augustine. Mais pas de légitimation de l'enfant dans l'acte de mariage, Pierre Joulin n'est donc vraisemblablement pas le père.

J'avais néanmoins renoué le fil, grâce aux listes de recensement. J'ai maintenant identifié les ancêtres de Madeleine Augustine sur trois générations à partir de son grand-père Etienne Laubret et sur quatre générations à partir de sa grand-mère Marguerite Bernard. Mes racines s'enfoncent de plus en plus profondément dans le terroir…



(1) J'aurais dû m'en douter, car il n'était pas mentionné dans l'acte de mariage.
(2) Le registre contient en réalité les douze recensements effectués de 1841 à 1896.

lundi 26 novembre 2012

Un mariage en 1900 : des photos originales


Les généalogistes comme les amateurs de photographies anciennes connaissent tous ces tirages moyen format où les invités de la noce, debout sur plusieurs rangs, entourent les jeunes mariés au centre de l'image et leurs parents figés dans une pose avantageuse. C'est un classique du genre.

Logiquement, le mariage de ma grand-mère maternelle n'aurait pas dû échapper à la règle. Elle s'est mariée à Pau en 1900 : le mariage civil a eu lieu le 22 novembre à cinq heures du soir, à l'Hôtel de ville, et le mariage religieux deux jours plus tard, en l'église Saint-Martin, à quelques pas du boulevard des Pyrénées.

Julia entre à l'église au bras de son père

Les deux seules photos qui relatent l'événement sont pour le moins originales. La première a été prise avant la cérémonie. Le photographe, placé dans l'allée centrale, a saisi l'instant décisif où Julia pénètre dans l'église au bras de son père. Le visage du cocher à l'arrière-plan complète le triangle formé par les trois personnages. Il est juché sur le siège de la voiture qui vient de les déposer devant le porche et il tient dans ses mains les rênes et le fouet qui lui permettent de guider les chevaux.

Théodore Fourcade, quarante-cinq ans, habit noir et cravate blanche, fleur à la boutonnière, les mains gantées tenant le haut-de-forme, a l'air grave. Il conduit sa fille à l'autel. Julia avance les yeux baissés, sans doute intimidée par la foule qui se presse de part et d'autre du tapis déroulé à ses pieds. Elle n'a que dix-huit ans. Sa taille incroyablement fine est mise en valeur par le contre-jour qui illumine le voile derrière elle.

La sortie de l'église

La seconde photo a été prise à l'issue de la cérémonie. Cette fois, le photographe opère depuis un endroit surélevé, de façon à obtenir une vue d'ensemble. Il a déclenché au moment où le couple franchit le porche. Le bicorne du Suisse et le reflet de sa hallebarde se détachent sur le fond sombre. Le cortège n'est pas visible, mais une foule se presse à l'extérieur pour apercevoir les jeunes mariés. Une voiture les attend. Les chevaux arborent des rubans et une silhouette sous un parapluie indique l'humidité du temps automnal.

Ces photos constituent la trame d'un véritable reportage. Sont-elles destinées à alimenter la rubrique mondaine du journal local ? Je l'ignore. Certes, les deux familles appartiennent à un milieu social relativement aisé.

Le père de la mariée est négociant chemisier. Son magasin, situé en centre ville à l'angle de la rue des Arts (1) et de la rue Nouvelle-Halle (2), a entre autres clients le prince de Galles. Le marié, Maurice Maitreau, est pour sa part greffier au Tribunal civil d'Oloron-Sainte-Marie. Son père, capitaine d'infanterie à la retraite, chevalier de la Légion d'honneur, a quelques biens, dont il fait régulièrement l'inventaire dans un carnet destiné à sa fille Marie. Son principal souci, alors qu'il a près de quatre-vingts ans : respecter une stricte égalité entre ses deux enfants.

Quoi qu'il en soit, ces deux photos nous invitent au cœur de l'événement, avec infiniment plus de force que le traditionnel cliché de groupe. Qu'en pensez-vous ?



(1) Actuelle rue Valéry-Meunier
(2) Actuelle rue du Maréchal-Foch

Sur les traces de mes ancêtres




Le 29 mai 2009, je créai la première fiche de mon arbre généalogique, point de départ de recherches que j'entamai allègrement, sans me douter un seul instant du caractère hautement addictif de ce hobby.

Cet acte fondateur fut néanmoins précédé d'une phase préparatoire durant laquelle je fis l'inventaire des papiers de famille, stockés dans des cartons depuis des lustres. Je passai ainsi en revue des centaines de photos anciennes, des dizaines de lettres dont certaines avaient été rédigées au XIXe siècle, des documents administratifs en tout genre et deux carnets rédigés par des ancêtres militaires.

À l'époque, j'exerçais une activité professionnelle à temps partiel et ce passe-temps venait agréablement combler les moments d'oisiveté. J'avais parfois le sentiment de mener une véritable enquête policière, traquant le moindre indice qui me permettrait de progresser : la date d'un mariage gravée sur une alliance, un prénom sur une carte postale, une mention au dos d'une image pieuse…

Je commençai par demander des copies d'actes aux différents services d'état civil, puis par solliciter l'entraide de bénévoles pour remonter davantage dans le temps. Lorsque je découvris l'accès en ligne aux archives du Maine-et-Loire et de la Mayenne, l'affaire était entendue : la "généalomania" venait de faire une victime de plus !

Ma base de données comporte aujourd'hui plus de sept mille individus, un millier de mariages recensés, des centaines de lieux et de métiers différents, mais arrêtons là les chiffres. J'ai dû trouver, en tâtonnant souvent, en me trompant parfois, une méthode pour progresser dans mes recherches et pour organiser la somme des informations ainsi collectées. J'y reviendrai.

Insidieusement, l'envie de partager mes découvertes a commencé à poindre.  "Écrire l'histoire de sa famille"(1), pourquoi pas ? Au mois de septembre dernier, j'ai participé à un atelier(2) en ce sens. Cela m'a confortée dans mon idée, même si l'ampleur du projet et la somme des travaux qui restent à accomplir ne m'échappent pas.

Au cours de ce même atelier, d'autres supports que le livre furent évoqués (expositions, rallyes, cousinades…). Et pourquoi pas un blog ? Sophie Boudarel(3), elle-même blogueuse chevronnée, a su nous convaincre. C'est donc décidé, je me jette à mon tour dans le grand bain et vous propose de venir y nager en ma compagnie !



(1) Titre de l'excellent livre d'Hélène Soula, paru aux éditions Eyrolles
(2) Écrire et raconter sa généalogie, atelier de formation organisé par la Revue française de généalogie
(3) http://lagazettedesancetres.blogspot.fr/