lundi 24 avril 2017

La métairie des Rochettes, premier épisode

L'histoire commence par une notice dans le Dictionnaire historique de Célestin Port(1). Je travaillais sur la branche angevine de ma famille et le toponyme des Rochettes, à Concourson-sur-Layon, revenait à diverses reprises dans les actes que je collectais ; je décidai d'en apprendre un peu plus et je tombai sur cette mention quelque peu sibylline :

"La métairie fut vendue natt sur la cure de Denée le 11 février 1791 à F. Maitreau et R. Baumont, mds (1 Q 501)".

Tiens donc ! Ce F. Maitreau, ne serait-ce pas François, mon ancêtre à la sixième génération, père de dix enfants, qualifié tantôt de fermier, tantôt de marchand, et doté d'une élégante signature ? Il était précisément né à Concourson en 1746 et décéda de mort violente en janvier 1794, sur la route qui mène de Coron à Vézins, en pleine tourmente révolutionnaire. Aurait-il été impliqué dans l'acquisition de biens nationaux ?

Je n'ai pas immédiatement vérifié l'hypothèse. J'en étais à mes débuts en généalogie, peu familiarisée avec les cotes des archives, et plus prompte à ajouter de nouvelles feuilles aux branches de mon arbre qu'à approfondir mes connaissances sur chaque individu. Et puis le Maine-et-Loire mériterait bien une escapade un jour ou l'autre…

Voilà qui est fait depuis peu. Grâce à des amis de longue date (plus de quarante ans), cousins généalogiques par la branche Maitreau (ça, c'est une découverte beaucoup plus récente), je suis allée à Angers et j'ai passé deux heures en salle de lecture des Archives départementales. Après les formalités d'usage, munie d'une carte toute neuve, j'ai pu commander cette fameuse cote qui m'intriguait et feuilleter enfin le registre en question.


Imaginez une épaisse reliure, rafistolée tant bien que mal avec des pages extraites d'un antiphonaire(2), fermée par deux liens qui ont perdu leur couleur d'origine depuis belle lurette. J'ouvre le volume, le cœur battant, et consulte la table alphabétique à la fin de l'ouvrage, en m'y reprenant à deux fois dans ma précipitation : ouf ! les noms tant espérés y figurent bien et ils renvoient au n°72.

L'acte qui m'intéresse comporte trois pages, partiellement pré-imprimées et complétées par la fine écriture à la plume du secrétaire. Relativement aisé à déchiffrer, il s'achève sur une dizaine de signatures, dont plusieurs me sont déjà familières.

Lecture, photos… et quantité d'éléments à analyser, au fil des lignes. J'y reviendrai la semaine prochaine.




(1) Célestin Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, version originale de la fin du XIXe siècle et version révisée de la deuxième moitié du XXe siècle consultables en ligne sur le site des Archives départementales du Maine-et-Loire.

(2) Selon le Petit Larousse illustré, livre liturgique comprenant l'ensemble des chants exécutés par le chœur à l'office ou à la messe. La notation musicale y est représentée par des neumes de forme carrée sur une portée de quatre lignes, sans clef.

lundi 3 avril 2017

Tous ne sont pas des anges

Je suis en train de passer en revue la branche Letourneau, celle dont est issue ma grand-mère paternelle.

Ces jours derniers, mon plus lointain ancêtre dans cette lignée était encore René Letourneau (9e génération, Sosa 336). Jusqu'à ce que je déniche l'acte de son mariage avec Marie Anne Crette, sa première épouse, et que j'y déchiffre le nom de son défunt père, Michel Letourneau.

Signature de René Letourneau en 1713
Source AD Maine-et-Loire, l'Hôtellerie-de-Flée, BMS 1700-1715, vue 224/242

La bénédiction nuptiale a été donnée en la paroisse Notre-Dame de l'Esvière, à Angers, le 13 août 1709. Sept mois plus tard, un petit Isidore voit le jour, le 26 mars 1710. Il n'est baptisé que le 2 avril suivant, le temps sans doute de convaincre de prestigieux personnages de le tenir sur les fonts baptismaux : le parrain s'appelle Charles François d'Andigné, chevalier marquis de Vezins, et la marraine est la veuve de Charles d'Assé, lui aussi porteur d'un titre de chevalier marquis.

Las, l'épouse de notre René Letourneau est inhumée quelques jours plus tard, le 20 avril 1710, décédée vraisemblablement des suites de l'accouchement. Le mariage n'aura duré que huit mois.

René se remarie à l'Hôtellerie-de-Flée, où il semble désormais installé et où il épouse Marguerite Bordier le 1er juin 1713. Il est alors âgé d'environ trente-huit ans. Le couple profite de la circonstance pour reconnaître le petit René, qui est né quatre semaines auparavant ! Le père avait assisté à son baptême le 5 mai, déjà admis que l'enfant était son fils et signé au bas de l'acte.

Premiers épisodes d'une longue série, dans cette branche où je vais de surprise en découverte…

Mais revenons à René Letourneau et à Marguerite Bordier : le couple a donné le jour à six enfants au moins. J'ai trouvé certains des actes de baptême à l'Hôtellerie-de-Flée, mais il m'en manque d'autres.

Source Gallica, Carte générale de la France N°97
établie sous la direction de César François Cassini de Thry

René Letourneau, qui signe parfois simplement "Letournau", y est qualifié d'hôte. Autrement dit, selon le Dictionnaire des Métiers, il est aubergiste ou tenancier d'une hôtellerie. Il est par ailleurs intéressant de noter que, d'après Wikipédia, l'Hôtellerie-de-Flée est située sur la route des pèlerinages, Saint-Jacques de Compostelle ou le Mont-Saint-Michel, et qu'elle dépend du couvent franciscain de Notre-Dame des Anges, fondé par Pierre de Rohan au début du XVIe siècle. Les clients ne doivent pas manquer…


Mon ancêtre décède en août 1737 et il est inhumé à Saint-Quentin-les-Anges, dans l'actuel département de la Mayenne, en présence de sa seconde épouse, de deux de ses fils et de sa fille Marguerite. En marge de l'acte de sépulture, il est sobrement indiqué "René Letourneau hôte aux Anges". Cela aurait pu inspirer son épitaphe.