lundi 29 février 2016

Le charme inattendu de la presse locale ancienne

Tout est parti d'un article de Guillaume de Morant sur le site de la Revue française de Généalogie : "Sur Gallica, la presse locale ancienne a désormais son site". Bien sûr, j'ai suivi le lien proposé et j'ai testé la presse des Pyrénées-Atlantiques.

En quelques clics, je me suis retrouvée sur le site de Pireneas qui propose cinq titres de journaux numérisés pour la ville de Pau : le Mémorial des Pyrénées, L'Indépendant des Basses-Pyrénées, le Journal des Etrangers, Le Patriote des Pyrénées et La Constitution. Les périodes couvertes sont variables, mais à l'heure actuelle aucune ne dépasse l'année 1910.

Je commence par Le Patriote des Pyrénées, pour la simple raison que ma grand-mère Julia avait choisi ce titre pour annoncer les obsèques de son époux, et je lance prudemment une recherche sur le patronyme Maitreau (une recherche sur Fourcade aurait toutes les chances de me proposer plusieurs centaines d'occurrences, sinon plus).

Source Pireneas, bibliothèque numérique

J'obtiens vingt-huit résultats, tous pertinents : sur ce titre au moins, pas de confusion entre "Maitreau" et "maître au…". J'ai renouvelé l'expérience sur les autres titres et récolté ainsi un florilège d'anecdotes sur mes ancêtres.

Ces journaux, qui comptaient le plus souvent quatre pages, faisaient la part belle aux nouvelles locales et publiaient des extraits des registres de l'état civil, bans, mariages, naissances, décès. Informations généalogiques en principe déjà connues, mais la consultation de la presse apporte parfois une tonalité différente, comme ce commentaire du 24 novembre 1900 en page 2 de L'Indépendant des Pyrénées :

"Ce matin à 11 heures a été célébré à
l'église St-Martin, au milieu d'une très
nombreuse affluence, le mariage de
M. Maurice-André Maitreau, greffier du tri-
bunal d'Oloron, avec Mlle Julia Fourcade,
fille d'un honorable négociant de notre
ville.
Nous joignons nos félicitations et nos
vœux à ceux qui ont été présentés aux
deux jeunes époux et à leurs familles
."

Les avis d'obsèques sont tout aussi intéressants ; ils en disent long sur les coutumes de la Belle Époque, comme cette annonce intitulée "Convoi funèbre", lors du décès de mon arrière-grand-mère Eugénie Morel, en 1907 :

"On se réunira à la maison mortuaire,
53, rue Carnot, à 8 heures ½.
Les dames sont priées de se rendre di-
rectement à l'Eglise
."

Je reste perplexe. Que craignait-on ? Qu'elles ralentissent le convoi, qu'elles fassent un malaise devant le cercueil, qu'elles troublent le recueillement de l'instant par leur irrépressible bavardage ? L'habitude a longtemps perduré, car je retrouve la même formule en décembre 1939, lors du décès de mon grand-père. Je dénombre également des messes de huitaine (huit jours après le décès) et des messes pour le repos de l'âme d'un être cher, parfois plusieurs années après.

Mais continuons notre inventaire. Je ne reviendrai pas sur les annonces légales et judiciaires, déjà évoquées dans de précédents billets, comme les ventes aux enchères publiques, qui fournissent des informations en matière de patrimoine. Je préfère évoquer aujourd'hui quelques événements, parfois importants, parfois minuscules, qui ont jalonné la vie de mes ancêtres et qui leur ont valu une insertion dans le journal.

Je découvre ainsi que Maurice Maitreau décrocha un deuxième prix de gymnastique au lycée de Pau en 1883 (il avait alors treize ans et l'air plutôt chétif sur les photos en ma possession), un deuxième prix de mathématiques et un premier prix de gymnastique deux ans plus tard(1), et que sa sœur Marie fut reçue à l'examen du certificat d'études en 1885, alors qu'elle allait au cours Bénévent.

J'apprends également qu'en 1896 Maurice Maitreau, toujours lui, versa 1 franc à la Trésorerie générale dans le cadre de la souscription Pasteur, sans doute destinée à financer les recherches de l'Institut du même nom. Il habitait à l'époque au n°69 de la rue Carnot, d'après la publication des listes électorales, quartier par quartier, dans un autre numéro du Patriote des Pyrénées.

Sa nomination au greffe du tribunal de première instance d'Oloron, qui figure dans Le Patriote et dans L'Indépendant du 8 mars 1900, m'était déjà connue par une parution au Journal officiel de la République française. Sa passion pour les chevaux m'est confirmée par des prix et des médailles lors de divers comices et par les résultats de plusieurs courses hippiques.

Bref, j'ai ouvert une boîte que je ne suis pas près de refermer, tant elle recèle d'anecdotes qui donnent des couleurs à l'histoire familiale. Je me demande même si une lecture attentive des articles de fond de ces journaux ne fournirait pas des indices sur les idées politiques de mes ancêtres ?


(1)  A contrario, nulle information sur un éventuel succès au baccalauréat dans les années suivantes.

lundi 22 février 2016

Un architecte dans la famille

J'ai déjà brièvement évoqué les quatre frères de ma grand-mère Julia, à l'occasion du challenge AZ 2014. L'éloignement géographique, des décès survenus alors que j'étais encore enfant ou adolescente, enfin des différends familiaux liés à de sombres histoires de dot et d'héritages, ont fait que je les ai fort peu connus, voire pas du tout pour deux d'entre eux.

Je cherchais donc à en apprendre davantage sur leur compte, en toute sérénité et sans acrimonie. Permettez-moi de vous parler aujourd'hui de Jean Baptiste Raphaël Théodore Fourcade (1894-1963), par ailleurs toujours évoqué dans la famille sous le diminutif de Théo, sans doute pour le distinguer de son père.

Photos de famille

Jusqu'à ces dernières semaines, je ne disposais guère que de quelques informations généalogiques faciles à obtenir et de deux photographies. Sur la première, il figure en compagnie de ses trois frères. Théodore Fourcade père est assis dans un fauteuil, en costume trois pièces, nœud papillon et col dur à coins cassés, les bottines soigneusement cirées et la barbiche avantageuse. Les deux aînés, Joseph et Jean, sont en uniforme ; les deux autres, Théo (le plus grand, raie au milieu, petite moustache) et Henri (le plus jeune), en tenue civile impeccable.

Théodore Fourcade entouré de ses quatre fils
Collection personnelle

La photo ne peut être antérieure à 1916, si j'en crois deux indices liés à la Première Guerre mondiale : le numéro régimentaire sur le col de Joseph (celui-ci n'est passé au 118e régiment d'artillerie lourde qu'en décembre 1915) et les brisques sur la manche gauche de Jean, qui indiquent deux années complètes de présence sur le front.

Théo et Henri Fourcade
Collection personnelle

Sur le second cliché, manifestement pris le même jour, ne figurent plus que Théo et Henri, le plus âgé posant une main protectrice sur son jeune frère. Tous deux sont sans doute sur le point de partir poursuivre leurs études à Paris, architecture à l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts pour Théo et ingénierie à l'Ecole centrale des Arts et Manufactures pour Henri.

Élève architecte

La récente mise en ligne du Dictionnaire des élèves architectes de l'Ecole des Beaux-Arts m'a permis d'en apprendre davantage. Disponible sur le site de l'AGORHA(1), ce dictionnaire permet d'obtenir en quelques clics une notice biographique et même, dans certains cas, le dossier de l'élève conservé aux Archives nationales. Voyons cela.

J'y apprends que le jeune Théodore Fourcade a tenté l'admission à l'Ecole les 16 février et 15 juin 1914 (à vingt ans à peine), qu'il fut admis en 2e classe le 7 juillet 1917 et en 1ère classe le 28 décembre 1920, enfin qu'il fut diplômé le 27 février 1923 (à vingt-neuf ans, donc). Pardon pour cette avalanche de dates !

Neuf ans d'études ? Cela me paraît bien long, mais n'oublions pas que Théo fit un bref passage au 144e régiment d'infanterie avant d'être réformé en 1915.

Il est également question dans la notice biographique de "valeurs", de "récompenses" et d'ateliers. Bref, des concepts qui échappent un peu à une ancienne élève d'école de commerce comme moi, plus habituée à un cursus balisé en années scolaires, avec concours d'entrée, examen de sortie et barème de notes sur 20. J'ai donc tenté d'y voir plus clair.

L'enseignement de l'architecture aux Beaux-Arts

L'Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648, et celle d'architecture, fondée en 1671, disparurent dans la tourmente révolutionnaire, pour réapparaître quelques années plus tard sous la forme d'une Académie des Beaux-Arts.

Une école fut mise en place, avec des administrateurs et des professeurs choisis par les Académiciens. Cette école passa progressivement sous la tutelle d'un ministère (impérial sous Napoléon III, de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, puis de la Culture ensuite). Elle comprenait trois disciplines, peinture, sculpture et architecture, enseignées simultanément, et fonctionnait selon un mode qui combinait cours magistraux en amphithéâtre et travaux en atelier.

La durée des études s'expliquait en partie par le mode d'admission : un concours fort sélectif, auxquels les aspirants se préparaient longuement dans des ateliers, sous la direction d'un chef d'atelier plus ou moins renommé, dans l'enceinte de l'Ecole ou à l'extérieur.

Lorsqu'ils étaient admis en seconde classe, les élèves architectes étaient tenus d'obtenir un certain nombre de "valeurs" dans des disciplines techniques (statique, géométrie, stéréotomie, perspective, construction, physique, chimie, etc.), ainsi que des "mentions" sur des projets architecturaux. Le tout conditionnait leur admission en première classe, qui fonctionnait selon le même principe de "valeurs" et de "récompenses".

En fin de parcours, l'élève architecte présentait un projet (plans, croquis, vues perspectives, éventuellement maquettes) à un jury et, en cas de succès, devenait architecte DPLG, c'est-à-dire diplômé par le gouvernement !

Je parle au passé, car l'enseignement de l'architecture a été profondément réformé par André Malraux après 1968 et il ne relève plus à l'heure actuelle de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts(2).

Après le diplôme

Mais revenons à Théo Fourcade. Au concours d'admission en 1917, il plancha sur un oratoire, semble-t-il, et il eut à répondre à cette question bien dans l'air du temps : "Quelle est parmi les villes françaises détruites par l'ennemi, celle que vous admiriez le plus. Indiquer les raisons artistiques et historiques de votre préférence."

Pour sujet de diplôme, il présenta un projet d'usine hydroélectrique en montagne. Réminiscence de ses origines pyrénéennes ? Peut-être.

Et ensuite ? Eh bien, le 11 avril 1923, un mois et demi après avoir décroché son diplôme, il épousa la fille de l'architecte Constant Lemaire et prit bientôt la succession de ce dernier. Il deviendra architecte expert près la Cour d'appel de Paris et près le Tribunal de grande instance de la Seine et sera agréé par le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme pour les départements de la Seine, de la Seine-et-Oise et du Calvados, après la Deuxième Guerre mondiale.

Une dernière précision… Au XIXe siècle, les architectes prirent l'habitude d'inscrire fièrement leur nom, suivi d'une date, sur la façade des immeubles qu'ils avaient conçus. La mode perdura pendant une bonne partie du XXe siècle et il existe au moins un immeuble parisien sur lequel est inscrit le nom de Théo Fourcade, à côté de celui de son beau-père.

Faites un tour dans le 5e arrondissement, entre la rue Monge et la place de la Contrescarpe. Le n°38 de la rue Lacépède est un immeuble de six étages, en brique claire, avec huit fenêtres en façade. À la hauteur du premier étage, entre les deux fenêtres centrales, vous découvrirez cette inscription.


Sous les balcons du 5e étage court une frise florale, qui nous rappelle que mon grand-oncle décrocha une médaille en dessin ornemental. Je sais qu'il résida dans cet immeuble jusqu'à la fin de sa vie, mais j'ignore à quel étage était son appartement.





(1) Accès Global et Organisé aux Ressources en Histoire de l'Art, à l'adresse suivante http://agorha.inha.fr/inhaprod/jsp/reference.jsp?reference=INHA__METADONNEES__7
Pour le consulter, suivre les explications très claires fournies sur le blog Généa-logiques https://genealogiques.wordpress.com/2016/02/17/un-ancetre-architecte/ - more-2487

(2) Ceux qui veulent en apprendre davantage sur l'enseignement des Beaux-Arts liront l'article de C. Samoyault-Muller à l'adresse suivante

lundi 15 février 2016

Rencontre avec la chiourme

Je travaillais récemment sur le couple formé par François Le Manceau et Claude Richard, deux de mes ancêtres à la dixième génération du côté de ma grand-mère paternelle. Tous deux sont originaires de la paroisse de Bazouges, aujourd'hui rattachée à Château-Gontier, au sud de l'actuel département de la Mayenne.

Nouvelle immersion dans les archives numérisées de ce département, qui figurent parmi les plus anciennes en ligne, les plus riches et les plus aisées à consulter. Un pur plaisir… et parfois quelques surprises, mais n'allons pas trop vite.

François Le Manceau fut porté sur les fonts baptismaux le 28 décembre 1652, alors que Louis XIV n'avait que quatorze ans. L'acte de baptême, à demi effacé, est un joli défi pour les paléographes amateurs : bref, je suis incapable de vous dire qui furent parrain et marraine !

Source AD Mayenne Bazouges Baptêmes 1641-1661 vue 100/182

Marié une première fois à vingt-deux ans et devenu veuf, François se remarie à trente-et-un ans, en août 1684, avec Claude Richard, une jeunette de vingt ans si j'en crois les allégations du prêtre (ce dernier beaucoup plus lisible que l'officiant précédent).

Mariage prolifique, selon la coutume de l'époque : au moins neuf enfants voient le jour entre avril 1686 et mars 1707, sept garçons et deux filles. Le père est qualifié de bourgeois dans l'un des actes de baptême ; autrement exprimé, il réside dans le bourg proprement dit, et non pas dans l'une des fermes disséminées dans la campagne alentour. Il semble qu'il ait exercé la profession d'huilier (huile de lin à l'époque, je suppose) et peut-être aussi celle de voiturier. Lorsqu'il meurt en mars 1708, sa veuve se remarie quatre mois plus tard. Tiens, le délai de viduité n'existait pas sous l'Ancien Régime ? À ce détail près, jusqu'ici rien que de très banal, en somme.

Penchons-nous maintenant sur les enfants du couple. Le fils aîné, prénommé François lui aussi, se marie à la toute fin du règne du Roi-Soleil, en février 1713. Il a vingt-six ans et il épouse une certaine Jeanne Lanier, déjà veuve de François Ardouin ou Hardouin, selon les scripteurs.

Source AD Mayenne Bazouges BMS 1703-1719 vue 178/265

Et c'est là que je découvre ce paragraphe dans l'acte de mariage : "Jeanne Lanier veuve de François Ardouin ainsi qu'il nous est aparu (sic) par le certificat de l'extrait du registre général des chiourmes des galères de la ? signé François Rozel coner du roy commissaire ordonnateur de la marine et des galères à Marseille le 13e octobre 1712". Un mot m'échappe, mais le reste de la phrase ne fait aucun doute.

Peste ! Pour ceux qui l'ignoreraient (moi, jusqu'à présent), le mot chiourme vient de l'italien ciurma et désigne l'équipe de rameurs d'une galère, dixit le Petit Larousse illustré. Mon premier galérien !

Un détour par le Dictionnaire de l'Ancien Régime nous apprend qu'il en existait trois catégories : les volontaires (en voie de disparition, on se demande pourquoi), les esclaves originaires de l'Empire ottoman et les forçats. Ces derniers provenaient des geôles du royaume et étaient convoyés enchaînés jusqu'à Marseille. Marqués au fer rouge des lettres GAL sur l'épaule droite.

Pour la période qui nous intéresse, entre 1680 et 1715, ces forçats étaient constitués pour une petite moitié de soldats déserteurs, pour un tiers de prisonniers de droit commun, pour plus de 15 % de faux-sauniers et pour 4 % de protestants (après la Révocation de l'Edit de Nantes). Plus de 38 000 furent envoyés à Marseille, plus de la moitié mourut à la peine…

Galères par Pierre Puget vers 1665
Source Wikimedia Commons


J'ignore à quelle catégorie rattacher François Ardouin. Et une autre question subsiste : quelqu'un sait où ces registres des chiourmes peuvent être consultés ?

lundi 8 février 2016

Le carnet Maitreau

Il ne paie pas de mine avec sa couverture toilée beige salie par le temps, son dos renforcé de mauvais papier brun et son étiquette rongée par l'usure. C'est pourtant grâce à lui que j'ai pu entamer mes recherches du côté Maitreau.

Collection personnelle

Une trentaine de pages, guère plus, principalement de la main de mon arrière-grand-père Achille Maitreau, et je n'en ai pas encore épuisé toutes les ressources.

Les premiers feuillets sont consacrés à des données généalogiques : mariage d'Achille Maitreau et d'Eugénie Morel à Pau en 1868, option pour la France d'Eugénie Morel, née à Strasbourg, et de sa mère, née à Metz, naissance des deux enfants du couple,  Maurice André (mon grand-père maternel) en 1869 et Jeanne Marie Clarisse en 1871, mariage des enfants… le tout avec quelques informations complémentaires, comme la mention d'un contrat de mariage, le montant de la dot ou la date des vaccinations !

J'ai ainsi pu demander copie des actes correspondants ou y accéder directement lorsque les archives numérisées ont été disponibles en ligne.

Mais Achille Maitreau, quoique militaire de carrière, n'en était pas moins homme d'argent. Avec une obsession une fois à la retraite : ne pas favoriser Maurice au détriment de sa sœur Marie. D'où l'inventaire plusieurs fois répété de ses biens et de ceux, plus modestes, de son épouse.

C'est ainsi que sont mentionnées par exemple des actions dans les chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée ou dans le chemin de fer de Bône à Guelma, des obligations du Crédit foncier de France, du Crédit foncier égyptien ou du Canal de Panama ! Détaillés également l'avoir d'Eugénie Morel au jour du mariage,  l'héritage recueilli après le décès de la belle-mère ou celui d'une tante restée dans le Maine-et-Loire…

Ici ou là une mention qui fait sourire :
"Jardin situé chemin Labourdette à 2 minutes du tramway de la route de Bordeaux.
Demander si on veut vendre 10 francs du mètre.
Abaisser successivement jusqu'à 8 francs, ce dernier m'ayant été offert (sachez attendre)."

J'imagine que ce précieux document a été remis à Marie Maitreau, après la mort de son père en décembre 1914. Le titre en est suffisamment explicite : "Carnet de la famille Maitreau-Morel destiné à notre fille Marie". Cette dernière a d'ailleurs inscrit à plusieurs reprises des annotations sous certaines rubriques. Les dernières d'une écriture tremblée de vieille dame. Peut-être à l'époque où je l'ai rencontrée lorsque, deux fois veuve et déjà fort âgée, elle vivait auprès de sa fille et de son gendre, dans une villa paloise entourée d'un grand jardin.

Mais revenons aux annotations. Celle-ci notamment me fait rêver : "Darac (sic) rouge voiture automobile achetée à Henri Lacabanne par moi Marie Bergerot en 1905."

Le frère aîné de Marie, mon grand-père Maurice Maitreau, était un grand ami d'Henri Lacabanne et je pense qu'il n'a pas été complètement étranger à la transaction. Il n'empêche, j'aurais bien aimé avoir une photo de la Darracq en question !

Comment ce carnet est-il parvenu jusqu'à moi ? Marie s'est mariée deux fois, la première avec un certain Bergerot, capitaine d'infanterie (encore un militaire), décédé en 1901 à l'âge de quarante ans, la seconde avec Joseph Bordenave, qui l'emmena un temps en Algérie.


L'enfant né du premier mariage est décédé à huit ans. Andrée, fille née du second mariage et cousine germaine de ma mère, s'est certes mariée, mais n'a jamais eu d'enfant : j'ai tendance à penser qu'elle a remis à ma mère un grand nombre de documents et de photographies de la famille Maitreau, lorsque mes parents sont retournés dans les Pyrénées passer les dernières années de leur existence. Je lui en suis encore reconnaissante aujourd'hui !