Comme chaque année à pareille époque, mes activités généalogiques subissent un net ralentissement en cette période plus propice aux réunions familiales, aux agapes et à l'échange de cadeaux qu'aux recherches solitaires dans les archives, aussi passionnantes soient-elles.
Je vous souhaite donc un joyeux Noël, vous présente tous mes voeux pour l'année nouvelle et vous donne rendez-vous début janvier. Et d'ici là, champagne !
lundi 19 décembre 2016
lundi 12 décembre 2016
Du bruit dans Landerneau
Je m'apprêtais à paresser auprès du sapin durant les fêtes
de fin d'année, et ce d'autant plus facilement que j'avais marqué une pause
dans mes recherches généalogiques au cours des dernières semaines, davantage
consacrées aux voyages lointains et à l'avalanche de photographies qui en
découlaient. Peu de grain à moudre, donc, pour alimenter ce rendez-vous
hebdomadaire.
Le chausson du Père Noël, collection personnelle |
Mais l'inattendu m'a saisie par la manche. Je découvre
soudain qu'un des grands acteurs de la généalogie sur internet a indexé (je dis
bien indexé, et non pas numérisé) la quasi-totalité de l'état civil français du
XIXe siècle ! Rien que ça ! Accès gratuit au service
pendant quelques jours, changement de nom pour une nouvelle appellation à
consonance pseudo-latine(1),
nouveaux tarifs, formulaire où indiquer ses coordonnées bancaires… l'affaire a
fait du bruit dans le Landerneau des généablogueurs, c'est le moins que l'on
puisse dire. Sans compter une avalanche de commentaires indignés. Des opinions
tranchées, rarement modérées, parfois plus qu'agressives. Et chacun de crier
haro sur le baudet, comme aurait dit Jean de La Fontaine.
Je n'entrerai pas dans la polémique.
J'ai voulu néanmoins tester le nouveau service de Filae.com,
puisqu'il s'agit de cela, vous l'aurez compris. Je ne vous cacherai pas que
j'étais plutôt dubitative, ayant franchi depuis belle lurette l'étape de l'état
civil, pour plonger avec plus ou moins de bonheur dans les registres paroissiaux
de l'Ancien Régime et remonter allègrement les siècles, ou explorer d'autres
sources tout aussi intéressantes pour enrichir l'histoire familiale de mes
ancêtres. Avec des blocages, des épines et des trous dans le feuillage, comme
tout un chacun.
J'ai parcouru ma base de données et jeté rapidement sur le
papier quelques noms, avant de lancer les recherches. En quelques dizaines de
minutes, j'avais déjà récupéré six actes de décès et un acte de mariage :
deux documents concernent mes ancêtres directs, les cinq autres des collatéraux.
Toutes les requêtes n'ont pas abouti, certes, mais ma première impression est
plutôt positive.
Le service s'avère fort utile dans au moins deux cas de
figure : les ancêtres migrants (j'entends par là ceux qui se marient ou
qui décèdent dans une commune parfois éloignée de celle de leur naissance, cas
fréquent au XIXe siècle) et les tables décennales incomplètes ou
erronées (cas de figure que j'ai déjà rencontré à plusieurs reprises).
Alors, au petit jeu des plus et des moins, voici mes
premières impressions.
Les éléments positifs :
- L'indexation, a priori plutôt fiable si j'en juge par les patronymes que j'ai testés,
- L'accès direct à l'acte inscrit dans le registre, aussi lisible qu'en passant par les sites des archives départementales, avec possibilité de zoom et indication du numéro de la page (gain de temps précieux, quand on sait que certains départements proposent des registres de plus de 1 700 pages, sans aucun repère de date).
Les éléments négatifs, maintenant :
- L'activation de l'essai gratuit qui nécessite de fournir ses coordonnées bancaires ? c'est apparemment vrai pour accéder aux arbres en ligne sur le site, mais j'ai pu consulter les registres sans passer par cette étape.
- Les erreurs d'indexation ? c'est inévitable, je pense, et j'ai vu des interprétations de prénoms ou de patronymes autrement plus bizarres dans certains fichiers.
- L'absence de certains départements ? Ben oui, si les archives départementales ne les ont pas encore numérisés… regard appuyé en direction des Hautes-Pyrénées.
En conclusion, je suis prête à débourser quelques euros pour
un service qui me soit utile et je me prends à rêver sur la suite des
événements : après l'état civil, quelles sont les prochaines archives qui
vont passer à la moulinette de l'indexation ?
(1) Mes recherches dans le dictionnaire Gaffiot n'ont rien donné.
lundi 5 décembre 2016
L'heure du bilan annuel
Comme chaque année à pareille époque, je jette un regard en
arrière et je feuillette mon journal de recherches pour tenter de faire le
bilan des douze derniers mois.
Collection personnelle |
À mon actif cette fois-ci, de nombreuses lectures en lien
avec l'histoire, la généalogie et l'histoire familiale. Une bonne quinzaine
d'ouvrages, au bas mot (soit un tiers des livres lus cette année). J'avais
commencé 2016 en fanfare avec la lecture de La
carte des Mendelssohn, qui a beaucoup plu à certains et laissé
dubitatifs quelques autres. Je me suis informée sur le XIXe siècle, la
vie des officiers, la domesticité féminine, la conquête de l'Algérie, la
Première Guerre mondiale, la Normandie, les recensements, l'interprétation des
photos de famille et j'ai même lu cet incontournable d'Alain Corbin, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot !
Les deux ouvrages les plus marquants, à mon avis ? Sans doute, La
place des bonnes, la domesticité féminine à Paris en 1900, d'Anne
Martin-Fugier, et Ces photos qui nous
parlent, de Christine Ulivucci.
Je me suis également lancée dans l'exploration de sources
généalogiques autres que les registres d'état civil et les registres
paroissiaux : promenade au cimetière
du Père Lachaise ou dans le quartier des Épinettes, plongée dans la presse
ancienne régionale, les archives
scolaires, les recensements, les calepins
des propriétés bâties et même le dictionnaire
des élèves architectes des Beaux-Arts ! Ce qui m'a permis de rédiger
quelques billets et m'a valu des contacts inattendus avec les descendants des personnes
concernées…
J'ai tenté de mettre de l'ordre dans ma base de données.
J'ai collecté des informations complémentaires sur les familles liées à mes
ancêtres (ces témoins récurrents des baptêmes, des mariages et des
enterrements), l'occasion d'éliminer quelques doublons, en examinant plus
attentivement les signatures au bas des actes ou les liens de parenté
mentionnés. Je me suis lancée dans la révision
des premières sources collectées, afin de noter les détails qui avaient
échappé à une première lecture et de corriger quelques erreurs manifestes.
Tâche loin d'être terminée à ce jour.
J'ai assisté à deux manifestations parisiennes : le
Salon de généalogie de la mairie du 15e arrondissement en mars et le
Forum de généalogie en septembre, qui m'ont permis d'écouter des conférences
intéressantes et de visiter les grands dépôts des Archives nationales.
J'ai consacré plusieurs semaines à la rédaction de vingt-six
billets pour le challenge AZ 2016, sur le thème des menus plaisirs en
généalogie. À la fois une belle gymnastique de l'esprit et un sacré exercice de
style, mais une activité ô combien chronophage !
Quelques déceptions aussi, en cette fin d'année. Un atelier
annulé faute de participants, pas de Matins malins depuis la rentrée de
septembre : autant d'occasions manquées de rencontrer d'autres passionnés
de généalogie. Des registres qui tardent à être mis en ligne (ou qui sont très
parcellaires) sur un département qui m'intéresse, retardant d'autant la
découverte de mes ancêtres originaires des Hautes-Pyrénées. Des sites internet
en panne depuis plusieurs mois, empêchant l'accès à des sources pourtant
indispensables…
La généalogie est source de frustration, comme toute
activité humaine, mais elle apporte, à n'en pas douter, son lot de
satisfactions. Vous l'aurez compris, je continue. Et vous donne rendez-vous
très bientôt.
lundi 28 novembre 2016
La quatrième bougie
Eh oui ! Les semaines passent, les mois filent et les
années s'accumulent, à quelques jours d'un autre anniversaire, où j'aurai,
hélas, beaucoup plus que quatre bougies à souffler !
Quatre ans donc que je me suis lancée dans l'aventure d'un
blog consacré à la généalogie et à l'histoire familiale. C'est un excellent
aiguillon : des recherches à mener, des archives à consulter, des livres à
dévorer, des connaissances à approfondir, des anecdotes à raconter… je ne
m'ennuie pas une seconde et ma base de données s'enrichit sans bruit.
Quatre ans, cela représente plus de deux cent cinquante
billets, à raison d'un par semaine (un par jour durant les challenges AZ), même
si je me suis parfois accordé quelques pauses, durant les vacances estivales ou
les fêtes carillonnées.
J'ai aussi anticipé les lointains voyages qui me tenaient
éloignée de mon camp de base, en programmant quelques pages à paraître durant
mes absences.
Je rentre ainsi tout juste du Japon : quinze jours en
immersion dans une culture passablement différente de la nôtre, vingt mille
kilomètres aller et retour, huit heures de décalage horaire dont je ne suis pas
encore totalement remise… mais aussi plus d'un millier de photos à transférer
sur l'ordinateur, à retoucher et à renommer. Bref, ne m'en veuillez pas si la
généalogie est passée provisoirement au second plan.
Mon enthousiasme n'a pas faibli pour autant. C'est promis, je
ferai mon possible pour être de retour lundi prochain…
lundi 21 novembre 2016
Sur les chemins de Serendip…
L'histoire commence par un acte de décès. Celui de Marie
Joseph Valuche, veuve de François Raimbault, à Champtocé-sur-Loire en
1853 : "Le douze février, à dix
heures du matin… sont comparus Luda Laud, cultivateur au Hardas en cette
commune, âgé de quarante un ans, gendre de la décédée…"
AD Maine-et-Loire, Champtocé-sur-Loire 1850-1853 vue 138/174 |
Je bute sur le nom du déclarant et, comme je ne suis pas sûre d'avoir correctement déchiffré l'écriture de l'officier de l'état civil, je fais un petit tour sur Geneanet. Une première recherche sur le couple Raimbault-Valuche ne m'éclaire en rien. Manifestement, la fratrie n'est pas complète, aucun gendre n'a de nom approchant.
Ne nous décourageons pas et lançons une recherche sur
Champtocé, sans indiquer aucun nom. Bien sûr, j'obtiens plus de douze mille
résultats, mais en parcourant rapidement la liste… bingo ! à la
page 10, le patronyme Luda apparaît. Je suis dirigée vers la fiche d'un
certain Laud Luda, mari de Françoise Raimbault qu'il a épousée le
14 novembre 1842 à Bécon-les-Granits.
Il n'y a plus qu'à détricoter l'écheveau. L'acte de mariage
indique "Laud Luda, jardinier
demeurant à Montjean, né à l'hospice d'Angers le 3 octobre 1811 ainsi
qu'il est constaté par son acte de naissance inscrit sur les registres de la
commune et ville d'Angers…"
Voyons cela. Le prétendu acte de naissance est en réalité un
procès-verbal d'exposition. Le commissaire de police du 3e arrondissement,
le sieur Gaspard Pierre Berthault, se présente au bureau de l'état civil :
le 30 septembre précédent à 8 heures du soir, un enfant a été "exposé à l'hôpital général, maison de dépôt
des enfants de la patrie". Son âge estimé : environ un mois.
Suit une longue description de ses vêtements, dont certains
détails m'échappent. Je relève néanmoins une brassière de finette blanche, une
chemise garnie de mousseline noire, un mouchoir de coton à fond blanc et barres
violettes, un bonnet de finette blanche avec un tour en soie jaune, un béguin
garni de mousseline mouchetée… mais pas de marque, ni de billet sur lui.
"Avons inscrit le
dit enfant sous les prénom de Laud et nom de Luda". Voilà !
Le prénom de Laud renvoie à une paroisse du même nom dans la
ville d'Angers. "L'église, exposée
hors de l'enceinte à tous les pillages, était une des plus pauvres de la ville",
nous précise Célestin Port dans son Dictionnaire historique. Ma foi, cela
convient à un enfant abandonné. Mais le patronyme ? Les mêmes lettres que
le prénom, dans un ordre différent : amateur d'anagrammes, le
commissaire ?
Je continue mes recherches dans les archives d'Angers
disponibles en ligne. La collection départementale comporte les registres de
baptêmes des enfants abandonnés entre 1807 et 1840, plus de 11 000 durant
cette période. L'examen de la table alphabétique laisse apparaître une
prédilection pour des patronymes commençant par la même lettre que le prénom
(de façon à faciliter les recherches, si le besoin s'en fait sentir ?).
L'acte de baptême est succinct : "Le deux octobre 1811 a été baptisé Placide
nommé à la municipalité Laud Luda né d'hier inconnu." Suivent les noms
du parrain, de la marraine, sans doute des employés de l'hôpital, et le nom de
l'aumônier. L'enfant n'est manifestement pas né la veille, mais peu importe.
Cette imprécision le suivra toute sa vie, il faudra faire avec.
Un mot, au passage, sur l'exposition. C'est le terme employé
pour les enfants déposés dans un tour, ce cylindre qui pivote sur un axe de
façon à ce que l'ouverture soit tantôt orientée vers la rue, tantôt vers
l'hospice, et préserve ainsi l'anonymat de la personne déposante.
Officiellement institué par le décret du 19 janvier 1811, le tour existait
déjà sous l'Ancien Régime et fut finalement supprimé sous le Second Empire.
Tour d'abandon de l'hôpital de Provins Source Gallica |
Mais revenons à Laud Luda. À trente-et-un ans, il épouse
Françoise Raimbault, domestique âgée de trente-neuf ans. La profession de
l'épouse explique sans doute ce mariage tardif. J'ignore quand le couple
s'installe à Champtocé, où naît leur fils Pierre en 1845 et où décède Françoise
en 1869.
Qualifié de jardinier lors de son mariage, Laud Luda devient
cultivateur au Hardas, puis laboureur au Petit Verger, puis fermier à la
Tidoire avec son fils. Il y décède en octobre 1889, alors qu'il avait
soixante-dix-huit ans. Je n'ai pas de lien direct avec lui ; il avait
simplement épousé la nièce d'une de mes ancêtres à la septième génération, mais
son nom m'a suffisamment intriguée pour que je m'accorde ce détour dans les
registres, sur les chemins de Serendip…
lundi 14 novembre 2016
L'envers de la Belle Époque
Je voudrais vous entretenir aujourd'hui d'un livre qui donne
à réfléchir : La place des bonnes(1),
sous-titré La domesticité féminine à
Paris en 1900. De quoi réviser de façon radicale son point de vue sur les
décennies qui précédèrent la Première Guerre mondiale.
L'ouvrage s'intéresse en priorité aux jeunes provinciales
venues se placer à Paris, à la fois pour échapper aux conditions de vie très
dures du monde rural et pour se constituer un pécule, plutôt que de voir ses gages
le plus souvent accaparés par le chef de famille. Quitte à revenir finir ses
jours dans le village d'origine, avec un tout nouveau statut de citadine.
Chèrement acquis, comme on va le voir.
En préambule, l'auteur évoque la pénurie de bonnes à tout
faire à la toute fin du XIXe siècle, principalement due à l'essor
d'une petite bourgeoisie qui aspire à se faire servir pour se démarquer du
prolétariat. Ce n'est pas le nombre de domestiques qui diminue, c'est la
demande qui augmente fortement.
L'ouvrage est divisé en trois parties. La première traite
des conditions de travail : placement chez des employeurs, rémunération,
tâches dévolues aux domestiques, hébergement. La seconde évoque à la fois la
mentalité des gens de maison et la façon dont ils sont perçus dans l'imaginaire
de ceux qui les emploient. La dernière partie passe en revue leurs loisirs
(rares) et leur vie sexuelle.
Un univers dans lequel on plonge et dont on ne sort pas
indemne !
Commençons par les tâches qui incombent à la domestique,
tout au long d'une interminable journée qui commence à six heures du matin pour
s'achever au mieux après la vaisselle du dîner : l'entretien du feu,
l'élimination de la poussière, l'évacuation des eaux usées, la lessive, les
courses, la cuisine… On n'imagine guère aujourd'hui les innombrables allées et
venues dans les escaliers pour monter les seaux de charbon, vider les cendres,
les cuvettes et les pots de chambre. Les difficultés à nettoyer des pièces
encombrées de meubles et surchargées de bibelots. L'insalubrité d'une cuisine
humide, exigüe, mal aérée, donnant sur une obscure courette et encombrée d'un
dangereux fourneau…
Pour le repos quotidien, deux options. Soit la bonne est
logée dans l'appartement de ses maîtres, le plus souvent dans un réduit qui
s'apparente plus à un débarras qu'à une chambre. Soit elle dispose d'une pièce
au dernier étage de l'immeuble (les fameuses "chambres du sixième"),
accessible par l'escalier de service, mansardée, éclairée par une simple
tabatière, non chauffée(2).
Inutile de préciser qu'à l'époque les gens de maison ne
bénéficient d'aucune protection sociale : pas de repos hebdomadaire
obligatoire ("Ces domestiques qui exigent leur dimanche tous les
dimanches !"), pas de rémunération en cas de maladie, pas de
législation des accidents du travail, pas de retraite.
La quasi absence de vie privée explique que les domestiques
soient le plus souvent célibataires, ce qui n'exclut pas pour autant les
grossesses, catastrophiques dans la mesure où elles sont immanquablement cause de
renvoi. D'où les manœuvres pour les dissimuler, les avortements, les
accouchements solitaires, les infanticides et les abandons d'enfants. Il vaut
mieux avoir le cœur bien accroché à la lecture de certains paragraphes.
Vous l'aurez compris, ce livre ne laisse pas indifférent. Il
traite des domestiques, et plus particulièrement des "bonnes à tout
faire", mais il offre également une vision en creux de la bourgeoisie qui
les emploie. L'envers de la Belle Époque, en quelque sorte.
(1) Anne Martin-Fugier, La place des bonnes,
La domesticité féminine à Paris en 1900, Perrin, collection Tempus n°58,
1979, 2004, 377 pages, ISBN 978-2-262-02104-7
(2) Le
tableau est sombre, mais il illustre bien la description des appartements et
des immeubles que l'on trouve dans les calepins des propriétés bâties, évoqués
dans le billet intitulé "Sur
la piste de mes ancêtres parisiens".
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