C'est assurément l'une de mes photos préférées. À ce titre,
je l'ai scannée à plusieurs reprises, non sans l'avoir recadrée quelque peu, et
elle figure en permanence sur une étagère de mon bureau, dans un cadre argenté.
Collection personnelle |
Mais lui appliquer les fameuses questions QQOQCCP, supposées
en faciliter l'analyse, a le don de m'irriter à la manière d'un petit caillou
dans la chaussure. Je vous explique.
La réponse à la première question est facile. Qui ? Ma mère, sans aucun doute
possible.
Question suivante, de quoi
s'agit-il ? À première vue d'un mariage, au cours duquel Marie-Thérèse
était demoiselle d'honneur. Les indices : la longue robe claire, les
discrètes boucles d'oreilles (des "clips", car elle n'avait pas les
oreilles percées), le bouquet et manifestement, bien que hors champ, une autre
personne vêtue de même à ses côtés.
C'est à partir de là que les choses se compliquent. Où ? Mystère. Je distingue à
l'arrière-plan les fenêtres d'une maison dissimulées derrière un massif de
plantes, délimité par une bordure de carreaux en forme de palmettes. Le sol est
en partie dallé, avec une bouche d'évacuation des eaux pluviales, et en partie
constitué de gravillons.
Difficile de dire s'il s'agit d'une propriété privée ou d'un
espace public. Est-ce à Pau, à Oloron, à Toulouse ou ailleurs ? Je ne
décèle aucun indice permettant d'orienter les recherches et je ne reconnais
aucune des résidences familiales, ni Bagatelle, ni la Ronceraie, ni l'immeuble
de la rue O' Quin.
Quand ? Ma
mère étant née en avril 1913 et s'étant mariée en 1940, je pense que le cliché
a été pris dans les années trente, sans plus de précision.
Il ne s'agit pas du mariage de sa sœur aînée, en novembre
1929. J'ai vérifié sur les clichés pris lors de cet événement : Marie-Thérèse,
qui n'avait alors que seize ans, portait une robe courte et affichait une
timidité d'adolescente. Ni du premier mariage de son frère Paul : c'était en
août 1943, à une époque où ma mère était déjà mariée.
Il ne s'agit pas davantage du mariage de sa cousine Andrée,
en 1933 : si Marie-Thérèse faisait partie du cortège des demoiselles
d'honneur avec sa jeune sœur Jacqueline, leurs robes longues étaient
différentes et, pour tout dire, moins vaporeuses. Là aussi, j'ai vérifié.
Quant aux autres membres de la famille, oncles maternels,
cousins et cousines, ils se sont mariés soit juste après la Première Guerre
mondiale, quand ma mère était encore enfant, soit après la Seconde, alors
qu'elle était déjà mère de famille.
Je penche donc pour un mariage dans l'entourage de mes
grands-parents maternels. Des amis suffisamment proches pour solliciter la
participation de Marie-Thérèse (et peut-être de sa sœur Jacqueline) au cortège
d'honneur. Mais qui ?
Comment cette
photo m'est-elle parvenue ? Avec quantité d'autres, collectées lorsqu'il a
fallu vider l'appartement que mes parents occupaient à la fin de leur vie. Je
n'ai pas souvenir de l'avoir vue avant, je l'aurais à coup sûr remarquée. Ce
qui pourrait vouloir dire que ma mère l'a récupérée, comme nombre d'autres,
lors de cet ultime séjour palois.
Combien de photos
prises à l'occasion de cet événement ? Impossible de le dire, c'est le
seul exemplaire en ma possession. En outre, la photo est tronquée !
C'est le moment d'en examiner le format : 9 cm x ? cm,
tirage sur papier chamois, bords droits, sans marge. Il y a 3 mm d'écart
entre le bas et le haut de la photo, ce qui semble indiquer un coup de ciseaux
a posteriori.
Pourquoi ce coup
de ciseaux ? Là, soyons francs, mes soupçons se portent immédiatement sur
Jacqueline, la plus jeune sœur de ma mère, coutumière du fait lorsque quelque
chose lui déplaisait dans un cliché. D'ailleurs, à y regarder de plus près, il
est fort possible qu'il s'agisse d'une photo 9x12 ou 9x13 (format paysage),
représentant la mariée entourée de ses demoiselles d'honneur. La tache blanche,
en bas à droite du fragment en ma possession, serait en fait une partie de la
traîne de la robe de la mariée étalée en éventail à ses pieds, comme cela se
pratiquait parfois.
Résumons-nous. Une photo, prise dans les années trente, à
l'occasion d'un mariage dans l'entourage de mes grands-parents maternels. Sans
indication de lieu, ce qui ne facilite pas les investigations. Elle risque de
garder longtemps encore une partie de son mystère…