lundi 28 mai 2018

Questions autour d'une photo

C'est assurément l'une de mes photos préférées. À ce titre, je l'ai scannée à plusieurs reprises, non sans l'avoir recadrée quelque peu, et elle figure en permanence sur une étagère de mon bureau, dans un cadre argenté.

Collection personnelle

Mais lui appliquer les fameuses questions QQOQCCP, supposées en faciliter l'analyse, a le don de m'irriter à la manière d'un petit caillou dans la chaussure. Je vous explique.

La réponse à la première question est facile. Qui ? Ma mère, sans aucun doute possible.

Question suivante, de quoi s'agit-il ? À première vue d'un mariage, au cours duquel Marie-Thérèse était demoiselle d'honneur. Les indices : la longue robe claire, les discrètes boucles d'oreilles (des "clips", car elle n'avait pas les oreilles percées), le bouquet et manifestement, bien que hors champ, une autre personne vêtue de même à ses côtés.

C'est à partir de là que les choses se compliquent.  ? Mystère. Je distingue à l'arrière-plan les fenêtres d'une maison dissimulées derrière un massif de plantes, délimité par une bordure de carreaux en forme de palmettes. Le sol est en partie dallé, avec une bouche d'évacuation des eaux pluviales, et en partie constitué de gravillons.

Difficile de dire s'il s'agit d'une propriété privée ou d'un espace public. Est-ce à Pau, à Oloron, à Toulouse ou ailleurs ? Je ne décèle aucun indice permettant d'orienter les recherches et je ne reconnais aucune des résidences familiales, ni Bagatelle, ni la Ronceraie, ni l'immeuble de la rue O' Quin.

Quand ? Ma mère étant née en avril 1913 et s'étant mariée en 1940, je pense que le cliché a été pris dans les années trente, sans plus de précision.

Il ne s'agit pas du mariage de sa sœur aînée, en novembre 1929. J'ai vérifié sur les clichés pris lors de cet événement : Marie-Thérèse, qui n'avait alors que seize ans, portait une robe courte et affichait une timidité d'adolescente. Ni du premier mariage de son frère Paul : c'était en août 1943, à une époque où ma mère était déjà mariée.

Il ne s'agit pas davantage du mariage de sa cousine Andrée, en 1933 : si Marie-Thérèse faisait partie du cortège des demoiselles d'honneur avec sa jeune sœur Jacqueline, leurs robes longues étaient différentes et, pour tout dire, moins vaporeuses. Là aussi, j'ai vérifié.

Quant aux autres membres de la famille, oncles maternels, cousins et cousines, ils se sont mariés soit juste après la Première Guerre mondiale, quand ma mère était encore enfant, soit après la Seconde, alors qu'elle était déjà mère de famille.

Je penche donc pour un mariage dans l'entourage de mes grands-parents maternels. Des amis suffisamment proches pour solliciter la participation de Marie-Thérèse (et peut-être de sa sœur Jacqueline) au cortège d'honneur. Mais qui ?

Comment cette photo m'est-elle parvenue ? Avec quantité d'autres, collectées lorsqu'il a fallu vider l'appartement que mes parents occupaient à la fin de leur vie. Je n'ai pas souvenir de l'avoir vue avant, je l'aurais à coup sûr remarquée. Ce qui pourrait vouloir dire que ma mère l'a récupérée, comme nombre d'autres, lors de cet ultime séjour palois.

Combien de photos prises à l'occasion de cet événement ? Impossible de le dire, c'est le seul exemplaire en ma possession. En outre, la photo est tronquée ! C'est le moment d'en examiner le format : 9 cm x ? cm, tirage sur papier chamois, bords droits, sans marge. Il y a 3 mm d'écart entre le bas et le haut de la photo, ce qui semble indiquer un coup de ciseaux a posteriori.

Pourquoi ce coup de ciseaux ? Là, soyons francs, mes soupçons se portent immédiatement sur Jacqueline, la plus jeune sœur de ma mère, coutumière du fait lorsque quelque chose lui déplaisait dans un cliché. D'ailleurs, à y regarder de plus près, il est fort possible qu'il s'agisse d'une photo 9x12 ou 9x13 (format paysage), représentant la mariée entourée de ses demoiselles d'honneur. La tache blanche, en bas à droite du fragment en ma possession, serait en fait une partie de la traîne de la robe de la mariée étalée en éventail à ses pieds, comme cela se pratiquait parfois.


Résumons-nous. Une photo, prise dans les années trente, à l'occasion d'un mariage dans l'entourage de mes grands-parents maternels. Sans indication de lieu, ce qui ne facilite pas les investigations. Elle risque de garder longtemps encore une partie de son mystère…

lundi 21 mai 2018

Batteur d'or

Le fils aîné de Stéphanie Anne Chancé, Théodore Chalot, était batteur d'or à Paris durant le Second Empire. Intriguée par ce métier peu courant (c'est la première fois que je le rencontre dans mes recherches généalogiques), j'ai voulu en apprendre davantage.

Le batteur d'or fabrique des feuilles d'une épaisseur quasiment impalpable, destinées à… la dorure. Bon, jusque là, j'ai le niveau ! Mais quels sont ses clients potentiels ? Des images me viennent à l'esprit : outre le dôme des Invalides ou les somptueuses boiseries de l'hôtel de Soubise, je visualise sans trop de peine le doreur sur bois, qui applique les feuilles sur les bras d'un fauteuil, à l'aide d'une palette dont il a préalablement frotté les poils contre sa joue ; ou le doreur sur cuir qui ravive les motifs d'une reliure avec ses roulettes et ses fers à dorer ; mais qui d'autre ?

Un petit tour sur le site de l'Institut national des métiers d'art vient à propos enrichir mes connaissances : j'avais oublié les enlumineurs, les marbriers et les graveurs, les peintres d'icônes, les laqueurs, les porcelainiers, les verriers d'art… tous ces artistes utilisent de l'or, qu'il soit en feuilles, en poudre ou en paillettes. Et font donc appel à la production du batteur d'or.

Atelier de batteur d'or au XVIIIe siècle, in l'Encyclopédie de Diderot

C'est un métier plutôt physique, proche de l'artisanat, qui remonte à la nuit des temps et qui a perduré jusqu'à aujourd'hui, même s'il est devenu rare dans nos contrées.

Mais comment procéder pour obtenir ces fragiles feuilles d'or ?

Première étape, la fonte du métal dans un creuset, en y ajoutant éventuellement une petite quantité d'argent, de palladium ou de cuivre, pour obtenir des nuances différentes, plus pâles ou plus soutenues, tirant sur le vert ou sur le rouge. Le métal en fusion est coulé dans une lingotière, dans laquelle il va refroidir.

Étape suivante, le laminage à l'aide d'une machine pour transformer le lingot en un long ruban, qui sera ensuite découpé en carrés, placés entre des feuilles de vélin. C'est alors qu'intervient le battage proprement dit, mécanique, puis manuel. Sous les coups de marteau, les carrés s'arrondissent en s'étalant et deviennent de plus en plus fins. Après plusieurs manipulations, on finit par obtenir des carnets de feuilles d'or d'une extrême finesse (de l'ordre d'un millième de millimètre d'épaisseur).

Tout un vocabulaire spécifique est associé à ce métier : le caucher (carnet de feuilles de vélin dans lequel est placé l'or à battre), le chaudret (même assemblage à une autre étape du processus), la baudruche, la moule…

Théodore Chalot, l'un des neveux de mon arrière-grand-père paternel, exerçait donc à Paris ce métier peu commun. C'est du moins ce qui est indiqué dans l'acte qui constate son décès à Buais (département de la Manche), chez sa mère, en août 1867. Il avait vingt-cinq ans.


Sources

Institut national des métiers d'art

Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, par Pierre Larousse, sur le site BnF Gallica

Site de la maison Dauvet http://www.dauvet.com/fr/

lundi 14 mai 2018

Explorer les branches collatérales

Mon arrière-grand-père paternel, Frédéric Chancé, né en mars 1834 dans le bocage normand, est le dernier d'une fratrie de sept enfants.

J'ai une vision assez claire du sort de ses frères et sœurs. Tous sont nés à la Rousselaie, un hameau sur la commune de Notre-Dame-du-Touchet, à l'extrême sud du département de la Manche, aux confins de l'Orne et de la Mayenne. À l'exception de la petite Marie Jeanne, décédée à seize mois, ils ont tous atteint l'âge adulte, mais leurs existences ont été passablement différentes.

Collection personnelle

Des quatre garçons qui composent la fratrie, un seul, Louis Victor, est resté au pays. Encore faut-il préciser qu'il est décédé à vingt-deux ans, avant d'avoir le temps de fonder une famille et, peut-être, d'aller voir ailleurs si l'herbe était plus verte.

Les trois autres garçons, Louis Marin, François et mon arrière-grand-père Frédéric, ont quitté le bocage pour venir tenter leur chance à Paris. Ils y ont exercé le métier de peintres en bâtiments, à une époque où la ville connaissait de multiples réaménagements. Louis Marin, peut-être intoxiqué(1) par les substances contenues dans les pigments (il était broyeur de couleurs), succomba en 1857, à l'âge de trente-sept ans, laissant une veuve et une petite fille. Les deux autres déménagèrent plusieurs fois, de la rue de la Coutellerie à la rue Saint-Jacques, de Montmartre au quartier de la Bourse, mais ils restèrent fidèles à la capitale, où ils firent souche.

Restaient les deux filles aînées. La seconde, Anne Louise Jacqueline, m'a causé quelques soucis. Je ne parvenais pas à dénicher son acte de mariage : en réalité, il ne figurait pas sur les tables décennales de Buais, où avait pourtant eu lieu la cérémonie ! Grâce aux arbres mis en ligne sur Geneanet, j'ai fini par retrouver sa trace et découvert qu'elle avait migré avec son mari vers les cités ouvrières de la banlieue rouennaise. Elle est décédée au Grand-Quevilly, à l'âge de quarante-six ans.

Et Stéphanie Anne ? Les actes de naissance et de baptême de 1816 ne sont pas très clairs : le maire la nomme Faine Anne, semble-t-il, et le curé Fannie Anne ! Prénoms qu'elle conserve sur l'acte de mariage civil, célébré à Villechien  en octobre 1840. Il faut attendre le mariage religieux, en janvier 1841, pour voir enfin apparaître le prénom plus classique de Stéphanie… Cinq enfants voient le jour à Notre-Dame-du-Touchet, où décède son époux, Michel Chalot, en 1853. Lui était maçon, elle sera qualifiée de cultivatrice lors du mariage de son fils Victor vingt-deux ans plus tard, en 1875. Elle ne semble pas s'être remariée.

Mais impossible de mettre la main sur son acte de décès ! Dans ces cas-là, que faire ? Traquer les événements concernant les enfants (mariages, naissances des petits-enfants, etc.) pour tenter  de définir deux dates entre lesquelles le décès serait survenu : Stéphanie Anne est présente au mariage de son fils Victor, en janvier 1875 à Notre-Dame-du-Touchet, mais ensuite ? J'ai épluché les tables décennales des environs, qui ne sont disponibles en ligne que jusqu'en 1892, et lancé des recherches sur Filae sans succès. Pourtant, lorsque son fils Victor décède à Buais en octobre 1891, il semble bien qu'elle ne soit plus de ce monde. Affaire à suivre…

Ces recherches sur l'environnement familial de mes ancêtres m'ont par ailleurs réservé une surprise : son fils aîné, Théodore Chalot, "décédé chez sa mère au village de la Mercerie", dans la commune de Buais, en août 1867, avait lui aussi migré vers Paris, où il exerçait le métier insolite de… batteur d'or ! J'y reviendrai plus en détail la semaine prochaine.


D'ici là, je ne peux que vous inciter à vous intéresser à l'environnement proche de vos ancêtres directs, explorer les branches collatérales, rechercher les mariages successifs  des parents, collecter tous les actes concernant leurs frères et sœurs : vous enrichirez à coup sûr vos connaissances.

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(1) Voir à ce sujet l'article intitulé B comme broyeur de couleurs, publié le 2 avril 2013
http://degresdeparente.blogspot.fr/2013/04/b-comme-broyeur-de-couleurs.html

lundi 7 mai 2018

Joli mois de mai

Après la trêve pascale, voici venu le temps de la pause printanière ! Certes, je continue à compulser les registres, afin d'en apprendre davantage sur mes ancêtres, mais l'inspiration me fait momentanément défaut pour vous conter une nouvelle anecdote.

Patience, donc, et permettez-moi de vous offrir ce bouquet de saison en attendant mieux.


À lundi prochain, j'espère…