Je passais en revue les actes concernant l'un de mes
ancêtres à la cinquième génération, Jean Baptiste Troussier, quand j'ai
découvert un document qui m'avait échappé jusque là : le consentement au
mariage formulé par sa mère devant notaire.
Nous sommes en août 1853, la République a cédé le pas au
Second Empire et Jean Baptiste s'apprête à épouser Jeanne Pinier à la mairie du
2e arrondissement d'Angers.
Il est originaire de Saint-Fraimbault-de-Prières, un bourg
d'un millier d'habitants tout au nord du département de la Mayenne, à
130 kilomètres d'Angers au bas mot. La mère de Jean Baptiste, Louise
Tonnelier, a soixante-sept ans ; elle est veuve depuis une quinzaine
d'années et elle n'a sans doute ni la santé, ni les moyens de se rendre au
mariage de son fils.
D'où le document suivant :
AD Maine-et-Loire, Angers, 2e arrondissement, Mariages 1853 Vue 158/272 |
"1er Août
1853
Consentement à mariage
Devant
Me Philippe Henri Benoiste
et son collègue, Notaires à Mayenne
soussignés,
Me Philippe Henri Benoiste
et son collègue, Notaires à Mayenne
soussignés,
A comparu
Made Louise
Tonnelier, sans profession
demeurant au bourg de la commune de St. Fraimbault
de Prières, veuve de M. Mathurin Troussier
Laquelle, par ces présentes, déclare donner son
consentement au mariage que M. Jean Baptiste
Troussier, son fils, sans profession, demeurant
à Angers, se propose de contracter avec madelle
Jenny Pinier, domestique, demeurant même ville.
Voulant la comparante que Monsieur Troussier
son fils réitère le présent consentement devant
qui de droit.
demeurant au bourg de la commune de St. Fraimbault
de Prières, veuve de M. Mathurin Troussier
Laquelle, par ces présentes, déclare donner son
consentement au mariage que M. Jean Baptiste
Troussier, son fils, sans profession, demeurant
à Angers, se propose de contracter avec madelle
Jenny Pinier, domestique, demeurant même ville.
Voulant la comparante que Monsieur Troussier
son fils réitère le présent consentement devant
qui de droit.
Mention est consentie
où besoin sera,
Dont acte.
Dont acte.
Fait et passé à Mayenne
en l'étude
l'an mil huit cent cinquante trois
le premier août,
et après lecture les notaires ont seuls
signé la comparante ayant déclaré ne le savoir
de ce requise."
l'an mil huit cent cinquante trois
le premier août,
et après lecture les notaires ont seuls
signé la comparante ayant déclaré ne le savoir
de ce requise."
Suivent les signatures et la mention de l'enregistrement (moyennant deux
francs et vingt centimes). Au dos, la légalisation des signatures par le
Président du Tribunal civil de Mayenne, datée du 1er août, et le
paraphe de l'adjoint au maire de la ville d'Angers, le jour du mariage.
Ce dernier a manifestement pour habitude de coller les consentements dans
la marge des actes, intercalés entre les pages du registre… heureuse
initiative ! Cela nous permet de nous familiariser avec le langage
juridique de l'époque.
Mais Jean Baptiste Troussier avait trente-et-un ans révolus en 1853, alors
pourquoi solliciter le consentement de sa mère ?
Un petit tour sur Internet m'en apprend davantage. Et, tout d'abord, qu'il
ne faut pas confondre majorité civile et majorité matrimoniale, tout au
moins pour les hommes. La majorité civile a été fixée à vingt-et-un ans par la loi
du 20 septembre 1792, pour être n'abaissée à dix-huit ans qu'en juillet
1974. Mais le Code Napoléon fixe à vingt-cinq ans la majorité matrimoniale pour
les hommes, règle qui ne disparaîtra qu'en juin 1907.
Les sommations respectueuses, ensuite. Autre règle du Code
Napoléon : même majeurs, les futurs époux sont tenus de demander l'avis de
leurs parents ou grands-parents, et ce n'est qu'après trois refus successifs
qu'ils peuvent passer outre. Cette mesure était vraisemblablement destinée à
éviter les mariages précipités, sur un coup de foudre ou un coup de tête.
Aménagée à plusieurs reprises, cette disposition ne disparaîtra totalement
qu'en février 1933.
Un dernier mot : je voulais vous parler aujourd'hui de mes ancêtres
qui, à un moment ou à un autre de leur vie, ont exercé un métier du textile. Le
premier sur ma liste m'a entraînée dans des considérations juridiques !
Encore un effet de la sérendipité ? Ce n'est que partie remise…