Dans son acte de mariage du 28 août 1792, Pierre Marin
Letourneau est qualifié de fabricant d'étamines. L'occasion d'en apprendre
davantage sur les métiers de la laine et du textile.
Dans l'Encyclopédie, rédigée durant la seconde moitié du
XVIIIe siècle sous la direction de Denis Diderot et Jean d'Alembert,
et sous-titrée Dictionnaire raisonné des
sciences, des arts et des métiers, l'étamine est ainsi définie :
"Étamine ou
étoffe de deux étaims, (Drap.) si vous fabriquez une étoffe dont la trame ne
soit point velue, ainsi qu'il y en a beaucoup, mais où cette trame soit de fil
d'étaim ou de laine peignée comme la chaîne, vous aurez une étoffe lisse, qui
eu égard à l'égalité ou presqu'égalité de ses deux fils, se nommera étamine ou étoffe
à deux étaims.
Une étoffe fine
d'étaim sur étaim à deux marches & serrée au métier, sera l'étamine du Mans."
Il s'agit donc d'une étoffe de laine fine et légère, de
grande qualité.
Vous me connaissez, j'ai voulu en savoir davantage et j'ai
poussé plus loin ma recherche sur Internet, jusqu'à découvrir sur le site de
Persée(1)
un long article(2) sur
le processus d'élaboration de cette étamine du Mans, évoquée dans
l'Encyclopédie.
Planche de l'Encyclopédie, source L'Histoire par l'image |
J'y ai appris qu'il fallait compter six grandes étapes pour
transformer la toison du mouton en une étoffe prête à être expédiée vers les
marchés et les foires :
- La préparation de la laine,
- Le peignage,
- Le filage,
- L'ourdissage,
- Le tissage,
- La teinture et les apprêts.
Tout commence chez le producteur qui effectue la tonte des
moutons à l'aide de ciseaux appelés forces et qui dégraisse la laine dans l'eau
chaude, pour la débarrasser du suint en la foulant aux pieds. La laine est
ensuite mise à sécher, puis confiée au fabricant qui procède à son battage pour
éliminer les impuretés.
Planche de l'Encyclopédie, source L'Histoire par l'image |
L'opération suivante consiste à peigner la laine, afin d'en
démêler les fibres, de ne conserver que les plus longues et de les orienter
toutes dans le même sens. C'est le fabricant qui s'en charge, à l'aide de
peignes métalliques dont les dents sont légèrement chauffées, la laine étant
huilée pour l'assouplir.
La laine peignée est ensuite filée. L'opération est réalisée
le plus souvent par des femmes, à l'aide d'un petit rouet à étamine. Il s'agit
de tordre ensemble les fibres pour les transformer en un long fil à la fois
souple et résistant.
Le fil est ensuite récupéré par le fabricant pour procéder à
l'ourdissage. Il s'agit maintenant de croiser et d'assembler ensemble un
certain nombre de fils destinés à former la chaîne, avant de monter celle-ci
sur le métier à tisser. Une réglementation définit le nombre de fils par
portées et le nombre de portées par pièce de tissu.
Le tissage proprement dit consiste alors à passer un fil de trame
entre les fils de chaîne. L'ouvrier, assis sur un banc qui fait partie
intégrante du métier à tisser, actionne des pédales pour lever alternativement
les fils pairs et les fils impairs de la chaîne et lance avec la main la
navette dans laquelle est placée la canette avec le fil. D'un geste régulier,
il tasse au fur et à mesure le fil de trame contre la partie déjà tissée. Petit
à petit, le tissu s'enroule sur l'ensouple et la pièce prend forme.
Planche de l'Encyclopédie, source L'Histoire par l'image |
Le négociant acquiert les pièces de tissu et les confie aux
hommes de l'art pour un ultime dégraissage, avant la teinture et diverses
opérations destinées à donner à l'étoffe son lustre final, débarrassé de toutes
les irrégularités qui risqueraient d'en diminuer le prix.
L'article intitulé "Du
mouton du Bas-Maine à l'étamine du Mans" indique que le tissu en
question était le plus souvent teint en noir pour satisfaire aux besoins des
ecclésiastiques et des gens de robe et qu'il était non seulement proposé sur
les marchés du royaume, mais également exporté vers l'Italie, l'Espagne, le
Portugal et jusqu'en Amérique latine.
Les fabriques d'étamine du Mans couvraient une aire
géographique délimitée par les rivières du Loir au sud et à l'est et de la
Mayenne à l'ouest. Meslay-du-Maine, où vécut mon ancêtre Pierre Marin
Letourneau, y figure en bonne place. Cette activité textile dura environ un
siècle et demi, de 1650 à 1815.
Carte figurant dans l'article précité |
(1) http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/annor_0003-4134_1954_num_4_3_4280
(2) Dornic François. Du mouton du Bas-Maine à l'étamine du Mans. In: Annales de
Normandie, 4e année n°3-4, 1954. pp. 257-264.
Merci pour ce billet bien documenté. J'ai un certain nombre d'ancêtres tisseurs dans l'Aisne. Il faut que je vérifie ce qu'ils tissaient...
RépondreSupprimerMoi qui adore les écharpes en étamine de laine, me voilà fort bien renseignée sur les modalités de fabrication dudit tissu.
RépondreSupprimerFanny-Nésida
Bonjour
RépondreSupprimerJ'ai 2 ancêtres qui étaient "etaminier -tireur d'etaim". Ils ont vécu à Nogent-le Rotrou (Eure et Loire) dans la 2eme moitié du 18eme siècle.
cordialement
JP Cael
Très intéressant ce billet. J'étudie en ce moment plus particulièrement une branche de ma famille du Pays basque du côté de Barcus (Soule) et je trouve plusieurs marchands de laine. J'imagine que ça à voir avec l'artisanat autour du fameux béret basque mais je trouve assez peu de documentation sur le sujet jusqu'à présent...
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