Dans ma hâte à dénicher les actes de mes ancêtres, j'ai
souvent négligé les pages de garde des registres paroissiaux. Elles sont
pourtant intéressantes à plus d'un titre, pour peu qu'on prenne la peine de les
déchiffrer.
AD Maine-et-Loire, Concourson-sur-Layon Registre BMS 1743-1792 (vue 340/442) |
Je vous propose celle qui ouvre l'année 1784 du registre de
Concourson, dans le futur (à l'époque) département du Maine-et-Loire.
Attention ! N'allez pas trop vite, sinon vous risquez de penser que nos
ancêtres avaient tous un cheveu sur la langue : "Meffieurs les Curés font priés…", lisez-vous ? La lettre
s imprimée au début ou dans le corps d'un mot ressemblait alors étrangement à
la lettre f, je vous l'accorde ; il faut lire "Messieurs les Curés sont priés", bien entendu.
L'en-tête ou le
chapeau
Mais commençons par la partie supérieure de la page. Le
texte fait référence à trois documents qui règlementent la tenue des registres
paroissiaux :
- L'Ordonnance de 1667,
- La Déclaration du 9 avril 1736,
- La Déclaration du 12 mai 1782.
La Déclaration du 9 avril 1736 est une lettre
circulaire de Louis XV. Elle précise dans le détail la tenue des registres
et les mentions que doivent contenir les actes qui y sont inscrits : jour
de la naissance, présence du père au baptême, ondoiement, âge et qualité des
mariés, liens de parenté des témoins, tutelle, curatelle, jour du décès, etc.
Une obligation qui ne peut que réjouir les généalogistes, quand elle est
respectée.
Enfin, la Déclaration du 12 mai 1782 a été
promulguée par Louis XVI à Versailles : elle défend aux curés et aux
vicaires d'insérer dans les actes de baptême "aucunes clauses, notes ou énonciations autres que celles contenues dans
les déclarations de ceux qui auront présenté les enfants au baptême". Cette
interdiction viserait notamment les indications relatives à l'appartenance à la
religion réformée, mais sans doute également la filiation des enfants illégitimes.
L'avertissement
L'avertissement qui figure dans la partie inférieure de la
page, et qui est donc adressé à "Messieurs
les Curés", porte plus précisément sur le rôle administratif de ces
derniers. Il tient en cinq points :
- La publication des édits, déclarations, arrêts et règlements émanant du roi et de ses représentants,
- Le rappel de dispositions d'ordre public,
- La lecture trimestrielle de l'Édit de Henri II de février 1556,
- Le dépôt annuel d'un exemplaire des registres paroissiaux au greffe du baillage ou de la sénéchaussée,
- L'invitation à récupérer les textes administratifs évoqués dans le premier point auprès de "MM. les Procureurs du Roi & Fiscaux".
Le deuxième point ne manque pas de sel non plus. Il s'agit
de rappeler chaque année aux paroissiens "les dispositions, notamment de ceux qui concernent la sûreté publique,
la conservation des fruits(1),
la clôture des héritages(2),
l'échenillage(3),
le pâcage des boucs, chèvres, moutons & autres bestiaux, la police des
foires et marchés, les assemblées et fêtes baladoires(4),
les glaneries(5)…"
De quoi, au passage, enrichir notre vocabulaire.
Le troisième point est bien connu des généalogistes : l'Édit
de Henri II avait instauré la présomption d'infanticide en cas de mort
d'un enfant illégitime non baptisé et, partant, la pendaison pour la mère veuve
ou célibataire qui n'aurait pas déclaré la grossesse ou l'accouchement. Les
curés et vicaires devaient le rappeler quatre fois par an au prône de la messe
paroissiale.
Il convient de noter que, contrairement à ce qui est parfois
énoncé de façon un peu rapide, la déclaration de grossesse n'était pas obligatoire
au sens strict du terme, si la grossesse n'était pas cachée. Elle pouvait
néanmoins protéger les femmes dans cette situation contre le zèle excessif de
la justice.
Dans les registres paroissiaux de Concourson, ce long texte
imprimé figure sur la page de garde des années 1783 à 1790. Je le retrouve
également, durant la même période, dans d'autres paroisses du ressort de la
sénéchaussée de Saumur.
Sources
Le Mée René. La
réglementation des registres paroissiaux en France. In : Annales de
démographie historique, 1975. Démographie historique et environnement. pp.
433-477 http://www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_1975_num_1975_1_1296
Déclaration du Roy du 9 avril 1736 https://fr.wikisource.org/wiki/Déclaration_du_Roy_du_9_avril_1736
(1) À comprendre au sens large de protection des récoltes, je suppose, et non pas
de préparation de confitures !
(2) Les barrières autour des propriétés, vraisemblablement.
(3) Action de débarrasser les arbres et les plantes des chenilles.
(4) Fêtes populaires où se pratiquent les danses du même nom, considérées comme
licencieuses.
(5) Ramassage des épis restés dans les champs après la moisson.