Je viens d'achever la lecture d'un livre intitulé La vie professionnelle des officiers
français au milieu du XIXe siècle(1).
Impossible de me rappeler ce qui m'avait mis sur la piste, mais le titre
m'avait attiré l'œil, dans la mesure où deux de mes ancêtres du côté maternel
étaient militaires de carrière. Je me suis décidée à le commander et je l'ai lu
quasiment d'une traite.
Il s'est avéré qu'il m'éclaire surtout sur Achille Maitreau.
Le livre de William
Serman
L'ouvrage correspond à la troisième partie d'une thèse
soutenue en 1976 par un spécialiste de l'histoire militaire. L'étude a été
effectuée à partir d'un échantillon de six promotions d'officiers et couvre
principalement la Deuxième République et le Second Empire. Elle comporte nombre
de tableaux et de statistiques, certes, mais pas seulement. Elle est encadrée
par une introduction et une conclusion tout à fait instructives pour des
néophytes de mon espèce.
Le livre est divisé en quatre chapitres qui traitent de la
diversité du métier militaire, de sa finalité, de l'avancement et de la
cessation du service. J'y ai clarifié mes idées, jusqu'alors un peu confuses
sur ces questions.
Au fil des pages, l'auteur évoque l'origine sociale et les
différentes filières d'accès au corps des officiers : les écoles comme
Polytechnique et l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, bien sûr, mais il
faut savoir que, dans la seconde moitié du XIXe siècle, plus de
70 % des officiers sont des hommes sortis du rang, avec un degré
d'instruction élémentaire. Il distingue également des variantes significatives,
selon qu'il s'agisse de l'état-major, de la cavalerie, des armes savantes
(artillerie, génie), de l'infanterie, du train des équipages de la gendarmerie
ou de la marine.
J'y ai découvert que le métier peut être fort différent,
selon qu'il s'exerce dans un régiment, dans des emplois sédentaires, en
détachement ou à l'état-major. Que les critères de choix pour élever un
officier à un grade supérieur ne sont pas strictement professionnels. Que la
durée des services varie selon le grade, mais également selon l'origine
sociale. Et que certains officiers des grades subalternes ont fort peu de
chances d'accéder au rang de chef de bataillon ou, a fortiori, au-delà.
Sans nier la bravoure des hommes, l'auteur déplore le
conformisme engendré par le devoir de réserve et d'obéissance. Il souligne le
caractère à la fois insuffisant et inapproprié de la préparation au combat, souvent
masqué par des victoires sur des adversaires dotés de moyens rudimentaires. Ces
défauts seront sévèrement sanctionnés par la défaite de 1870 contre l'armée
prussienne, pourvue d'un armement plus moderne.
Regard sur la
carrière d'Achille Maitreau
Lecture instructive, donc, qui m'a amenée à examiner la
carrière d'Achille Maitreau d'un œil neuf. Né en 1821, il effectue d'abord six
ans de service militaire à compter de 1842, conformément à la loi
Gouvion-Saint-Cyr : tirage au sort d'un "mauvais numéro" ou
remplacement d'un appelé, moyennant compensation financière ? Comment
savoir ?
Toujours est-il qu'il renouvelle son engagement à deux
reprises pour une durée de deux ans, en 1848 et en 1850. Il est proposé au
grade de sous-lieutenant, qu'il obtient finalement le 30 décembre 1851, à
presque trente ans. Avant d'être nommé lieutenant à trente-six ans et capitaine
à quarante-quatre ans. Et d'être admis à la retraite à l'âge de 52 ans.
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Reconstitution de carrière Achille Maitreau Source Service historique de la Défense |
William Serman indique dans la conclusion de son ouvrage que
l'admission dans le corps des officiers est une forme d'ascension sociale pour
nombre d'hommes issus d'un milieu modeste ou dépourvus de fortune personnelle.
Je n'ai pas encore eu l'opportunité d'examiner les documents
qui me permettraient de me faire une idée sur le patrimoine de mes ancêtres
Maitreau dans la première moitié du XIXe siècle. Je constate
néanmoins que le père d'Achille Maitreau, qualifié tour à tour de fermier et de
propriétaire, s'est marié à deux reprises ; Achille est l'aîné des deux
enfants issus du second mariage, mais il est précédé de deux demi-frères et
deux demi-sœurs. De quoi fractionner irrémédiablement l'éventuelle fortune
familiale par le biais des dots et des héritages.
Le choix d'une carrière militaire est donc cohérent. De même
la décision prise par Achille Maitreau, une fois à la retraite, de passer la
fin de sa vie à Pau, ville de garnison du 58e régiment d'infanterie
au sein duquel il fut capitaine. Loin du Maine-et-Loire dont il était
originaire et où les autres membres de sa famille étaient installés.
(1) William Serman, La vie professionnelle
des officiers français au milieu du XIXe siècle, Editions
Christian, 1994, 221 pages, ISBN 2-86496-057-5