La parution reprendra début janvier, dès que les dernières bulles de champagne se seront évaporées…
lundi 29 décembre 2014
Trêve des confiseurs
Chers lecteurs, merci de m'avoir suivie tout au long de cette année. Permettez-moi de vous souhaiter de joyeuses fêtes en famille et entre amis. Que l'année à venir vous permette de réaliser tous vos voeux généalogiques !
La parution reprendra début janvier, dès que les dernières bulles de champagne se seront évaporées…
La parution reprendra début janvier, dès que les dernières bulles de champagne se seront évaporées…
lundi 22 décembre 2014
Faisons le point sur l'année écoulée
… et commençons par quelques chiffres, la version 2014
d'Heredis permettant d'obtenir facilement des statistiques sans se lancer dans
l'élaboration de tableaux compliqués.
À ce jour, j'ai identifié 746 ascendants directs, dont
deux à la seizième génération : Jehan Aunillon et Françoise Le
Portier, qui vivaient au Louroux-Béconnais, à quelques lieues à l'ouest
d'Angers, et qui firent baptiser leur fils Pierre le 22 janvier 1539 du
calendrier julien(1). Cela
représente une centaine d'ascendants supplémentaires, par rapport à l'an
dernier, à pareille époque. Ma foi, je n'ai pas chômé.
Bon, d'accord, les alertes hebdomadaires Geneanet ne sont
pas étrangères à cette progression, mais je tiens à préciser que je vérifie systématiquement
la validité de l'information dans les registres paroissiaux mis en ligne par
les archives départementales, et que je m'abstiens si j'ai un doute.
Répartition géographique de mes ancêtres directs Source Geneanet |
Ma base de données comporte aujourd'hui 10 419
individus, dont vraisemblablement, ne nous leurrons pas, un certain nombre de
doublons pour cause d'imprécision dans les actes. Cela peut vous paraître
disproportionné par rapport au nombre de mes ancêtres directs, mais c'est tout
à fait compréhensible pour au moins trois raisons :
- En premier lieu, j'ai pris l'habitude de saisir les parrains et marraines, témoins, officiants religieux, officiers d'état civil et autres personnes citées dans les actes, si je parviens à déchiffrer leur nom sans trop de difficulté.
- Ensuite, je me suis attachée, particulièrement cette année, à compléter les fratries, et vous savez bien que chez nos ancêtres il n'était pas rare d'avoir huit à dix enfants par couple, le record étant détenu à ce jour par Gilles Poirier, mon Sosa 134, laboureur à Romagny (Manche) au XVIIIe siècle, père de dix-huit enfants, dont dix-sept avec la même épouse !
- Enfin, il m'arrive de m'égarer sur des chemins de traverse et de pousser un peu plus loin les recherches sur un personnage croisé au détour d'un événement : certains rentrent ainsi dans ma base de données, même si le lien avec mes ancêtres est ténu.
Je me suis également intéressée à la lignée d'un de mes oncles
par alliance, qui était l'un des petits-fils du sculpteur Alexandre Falguière.
Cela me distrait de mes ancêtres laboureurs…
Mais continuons à énumérer quelques chiffres :
- 506 lieux, d'Abu Dhabi (où j'ai vécu à l'époque où les immeubles sortaient à peine du sable) à Vix (Vendée) où résidait une certaine Marie Thérèse Gerbault lors du mariage d'un de ses neveux Lefranc en avril 1795, pardon, le "huit floréal l'an troisième de la République française une et indivisible",
- 3 878 sources, dont une écrasante majorité de BMS et de NMD, systématiquement transcrits, ce qui constitue un excellent entraînement à la paléographie,
- 4 017 patronymes, y compris leurs variantes orthographiques, d'Abaffours en Mayenne à Yvon dans le Maine-et-Loire, chiffre à rapprocher des 1 599 unions, toujours d'après les statistiques gracieusement fournies par Heredis,
- 596 prénoms, également y compris leurs variantes, du frustrant "?" (non précisé dans l'acte ou non déchiffré) à Zoé, en passant par Amynthe, Bénigne, Cayetan, Damassine, Diasiente, Ennemonde, Galatoire, Lézine, Nivard, Roag, Roulette, Telesphore et Urice (et pourtant là, je ne sors pas de l'hexagone !),
- 364 professions, d'administrateur civil à voyageur de commerce, en passant par affranchisseur, arquebusier, campanier, filassier, laneficier, maître grellier, peigneur de chanvre, poupelier, porteur de contraintes, receveur de la foraine, tireur d'étain (aucun rapport avec le métal) et voiturier.
Bref, la généalogie est pleine de surprises et de poésie et
je n'ai qu'une envie, continuer à en explorer le vaste champ des possibilités…
Je songe néanmoins à y mettre plus de méthode, mais cela fera peut-être l'objet
d'un prochain billet, au seuil de l'année nouvelle.
(1) Le passage du calendrier julien, instauré par Jules César en 46 avant J.C. au
calendrier grégorien, instauré par le pape Grégoire XIII pour rattraper le
décalage par rapport à l'année solaire, se fit en France sous Henri III,
en décembre 1582.
lundi 15 décembre 2014
Énigme photographique résolue ?
Il y a presque deux ans déjà, je m'interrogeai sur la
photographie d'une jeune femme aux yeux clairs et aux cheveux châtains, vêtue à
la mode des années 1870 ou 1880.
Il s'agissait d'une photo au format carte de visite, émanant
du studio Disdéri, mais deux détails me titillaient : les initiales sur le
support cartonné (je croyais lire HD, alors que le célèbre photographe du XIXe
siècle se prénommait André Adolphe Eugène) et l'adresse du 6, boulevard des
Italiens, alors qu'à ma connaissance le studio se trouvait au
numéro 8 !
Eugénie Caperet Collection personnelle |
L'interrogation resta en suspens. Et puis, comme je suis
dépositaire d'un bon nombre de photos de famille, en mai de cette année je me
décidai à acquérir un fascicule intitulé Reconnaître
les photos et cartes postales anciennes(1).
J'y ai découvert l'existence de plusieurs ouvrages fort utiles pour dater avec
précision les clichés. L'un d'eux attira tout de suite mon attention : le Répertoire des photographes parisiens du
XIXe siècle, de François Boisjoly, aux Éditions de l'Amateur, paru en 2009.
Un petit tour sur Internet et me voici en possession
quelques informations supplémentaires : il s'agit d'un ouvrage broché de
près de trois cent pages, au format imposant et d'un prix relativement élevé,
même d'occasion. Beaucoup trop récent pour être accessible en ligne sur
Gallica. Et s'il était consultable en bibliothèque ?
Couverture du Répertoire des photographes parisiens |
Je poussai plus loin les recherches… et c'est ainsi que j'ai
accédé à deux sites intéressants. Je vous détaille l'affaire, car elle peut
vous être utile.
Le Catalogue
collectif de France
Je tape d'abord "rechercher un livre dans une
bibliothèque" dans mon moteur de recherche préféré et j'arrive sur le
guide de recherche en bibliothèque de la BnF.
1) Je lis le paragraphe intitulé "Localiser des livres
hors BnF".
2) Je clique sur "Catalogue collectif de France"
et je me retrouve sur une page de bienvenue, où je tape le titre du livre dans
la case prévue à cet effet.
3) J'obtiens quatre résultats, dont le premier correspond à
l'ouvrage recherché.
4) Je clique sur le titre en question et j'obtiens les
diverses cotes du livre à la BnF sur les sites Tolbiac et Richelieu, des
localisations à Grenoble, Roanne et Montpellier et une liste de 25 lieux
répertoriés par le SUDOC (Système Universitaire de DOCumentation). En cliquant
sur chaque ligne, on accède à quantités d'informations pratiques sur l'accueil
réservé ou en libre accès, les catalogues, la localisation, les horaires
d'ouverture… bref, une mine pour les chercheurs.
Les Archives de Paris
Deuxième piste à ma disposition. Tout en bas de la page
d'accueil de leur site, figure une rubrique Bibliothèque.
1) Je clique sur "Consulter la rubrique".
2) Je choisis "Livres et revues", puis "Lire
la suite".
3) Je sélectionne "Catalogue informatisé commun aux
bibliothèques municipales spécialisées".
4) Tout en bas de la page de la bibliothèque des Archives,
je choisis "Catalogue" et je clique sur "Recherche simple".
5) Je tape le titre du livre et j'obtiens deux résultats,
qui correspondent à ce que je recherche, ainsi que la localisation des ouvrages :
ils sont consultables non seulement aux Archives de Paris, mais dans plusieurs
autres bibliothèques de la capitale. Je n'ai que l'embarras du choix !
Les informations
contenues dans le Répertoire
J'ai donc profité d'une récente expédition boulevard
Sérurier pour consulter (enfin !) le fameux livre en question. Il figure
en accès libre, sur les rayonnages de la bibliothèque qui sépare la salle de
lecture de l'espace dédié à la consultation des microfilms. Et là, bingo !
Trois articles sont consacrés à la famille Disdéri.
Le premier concerne évidemment André Adolphe Eugène Disdéri
et narre l'ensemble de sa carrière professionnelle. J'y apprends qu'en 1874, il
déménage du 8 au 6bis boulevard des Italiens. Tiens, tiens ! Et
c'est en 1877 qu'il vendra sa firme à un certain Délié (qui se proclamera
successeur de Disdéri).
Le second article est consacré à son épouse Geneviève
Francardt, que Disdéri a quelque peu délaissée, semble-t-il, et qui exerça
l'activité de photographe à Brest puis à Paris, après le départ de son mari
pour Nîmes.
Le troisième article, enfin, est dédié à un certain Léonard
Disdéri(2).
J'y relève les informations suivantes : "Début d'activité 1875. Plaque sèche. Photographe de studio. Peut-être
un fils que Eugène Disdéri a eu avec une Parisienne. Ils travaillent ensemble
au 6, boulevard des Italiens."
Retour à la photographie, maintenant : à y regarder de
plus près, les initiales ressemblent fort à un L, un H et un D entrelacés… elle
a donc vraisemblablement été réalisée entre 1875, début d'activité de Léonard
Disdéri, et 1877, date de la vente de l'entreprise familiale à un successeur.
Agrandissement de l'inscription |
Subsiste une ultime question : la jeune femme de la
photo, identifiée comme étant Eugénie Caperet, l'une de mes arrière-grand-mères
maternelles, est née à Pau, s'y est mariée et y a donné le jour à sept
enfants ; alors, à quelle occasion cette photo a-t-elle été prise dans un
studio parisien ?
(1) Sandrine Sénéchal, Thierry Dehan, Savoir
reconnaître les photos et cartes postales anciennes, Archives &
Culture, guides de généalogie, 2012, 80 pages.
(2) Par
curiosité, j'ai essayé de trouver l'acte de naissance de Léonard Disdéri à
Paris dans l'état civil reconstitué. Sans succès : il n'y a pas de fiche à
ce prénom.
lundi 8 décembre 2014
Le patrimoine du grand-père
Sollicitée par une amie pour aller récupérer un document aux
Archives de Paris, j'en ai profité pour tenter de répondre à cette intéressante
question : quel était le patrimoine de mon grand-père paternel au moment
de son décès ?
Pour cela, je disposais simplement de trois
informations :
- Ses nom et prénoms,
- Sa date de décès,
- L'adresse de son domicile à cette date.
Comment
procéder ?
Un tour sur le site des Archives de Paris m'a permis de
préparer efficacement mes recherches sur place. Le site est fort bien fait et,
si vous ne le connaissez déjà, je vous conseille d'y jeter un œil.
La rubrique "Sources généalogiques" vous propose
neuf sous-rubriques, dont une intitulée "Successions : déclarations
et tables de décès". En cliquant sur "Lire la suite", vous
accédez aux modalités de recherche et vous pouvez même télécharger une fiche au
format PDF(1).
J'en ai retenu qu'il faut d'abord consulter les tables de
décès, autrement dit les tables de successions et absences classées sous la
cote DQ 8, pour repérer si une déclaration de succession a été déposée
dans les mois qui suivent (et si oui, à quelle date ? sous quel
numéro ?). En cas de réponse positive, il faut ensuite consulter les
déclarations de successions proprement dites, classées sous la cote DQ 7.
J'ai également repéré dans le tableau de concordance le
bureau de l'Enregistrement qui m'intéressait, compte tenu de l'arrondissement
où résidait mon grand-père : en l'occurrence le 13e Bureau,
pour le 17e arrondissement.
Sur place, la démarche pour accéder au document recherché se
déroule en six étapes. Pas moins !
1) Chercher la cote de la table des successions et
absences qui vous intéresse dans l'instrument de recherche I.7.1 (les
classeurs noirs sur les rayonnages près des baies vitrées). Facile si vous avez,
en plus du nom du défunt, le numéro du bureau d'Enregistrement et la date du
décès. Cela donne quelque chose comme DQ 8 xxxx.
2) Commander la cote sur l'un des ordinateurs placés
près du bureau de la Présidence de salle, en commençant par scanner le code
barre de votre carte de lecteur. Compter une vingtaine de minutes pour obtenir
le registre qui vous intéresse.
3) Chercher la déclaration de décès dans le registre.
Elles sont classées par mois et, pour chaque mois, par ordre chronologique. La
page de gauche reprend les informations qui permettent d'identifier la
personne : nom, prénom, profession, âge au décès, adresse du domicile,
jour du décès, situation matrimoniale, patronyme du conjoint.
Table des successions et absences, page de gauche Archives de Paris |
Repérer sur la page de droite ce qui est mentionné dans la
deuxième colonne : une date et un numéro (parfois plusieurs), si une
déclaration de succession a été établie. Si cette colonne est vide, inutile de
poursuivre plus loin les recherches, il n'y avait pas de patrimoine, donc pas
de déclaration à faire ni de droits à payer.
Table des successions et absences, page de droite Archives de Paris |
Ne pas s'inquiéter si la colonne "Observations"
comporte la mention "Pas de fiche", j'ignore sa signification, mais
c'est en tout cas indépendant de l'existence ou non d'une déclaration.
4) Chercher la cote de la déclaration de succession
dans l'instrument de recherche I.7.4 (à nouveau, les classeurs noirs sur les
rayonnages près des baies vitrées). Facile avec le (ou les) numéro(s) de
déclaration. Cela donne quelque chose comme DQ 7 xxxxx.
5) Commander la cote sur l'un des ordinateurs, comme
précédemment. Nouvelle attente de vingt minutes environ.
6) Chercher la déclaration de succession dans le registre.
Elle est établie par le notaire sur un formulaire intitulé "Formule de
déclaration de mutation par décès" et comprend un nombre de pages variable
en fonction l'importance et de la variété du patrimoine.
Quelles informations
en tirer ?
La première page de la déclaration reprend la liste des
héritiers et légataires et indique leur lien de parenté avec le défunt. Les
pages suivantes détaillent l'actif, sa répartition entre les héritiers et
finalement les droits à payer.
Déclaration de mutation par décès, première page Archives de Paris |
Si les opérations de succession se déroulent sur plusieurs
mois (en cas de vente d'un bien immobilier, par exemple), le notaire établit
une déclaration intermédiaire et verse au Trésor public un acompte sur les
droits de succession, ce qui explique qu'il puisse y avoir plusieurs numéros de
déclaration à des dates successives.
Le contenu de la déclaration est éminemment variable d'une
personne à l'autre, mais, outre le détail du patrimoine, il est possible d'y
glaner des informations qui permettent de poursuivre plus avant les recherches
et d'en apprendre davantage sur ses ancêtres.
Pour ma part, j'ai relevé les points suivants :
1) Mon grand-père paternel était propriétaire de deux
maisons à Salbris, qu'il avait héritées d'une de ses cousines (la déclaration
précise qu'elle était veuve, indique le nom du défunt mari et fournit la date
et le lieu de décès de cette cousine).
2) Ces maisons ont été vraisemblablement vendues après le
décès de mon grand-père (ce dont ma mère parlait avec une nuance de regret dans
la voix, car elle n'aurait pas détesté avoir une maison de campagne en Sologne).
3) Mes grands-parents possédaient également un petit terrain
à Montmorency, acquis après leur mariage puisque le montant de sa vente fait
partie de l'actif de communauté.
4) A contrario, comme il n'est fait nulle mention de leur
appartement parisien, je puis aisément en conclure qu'ils en étaient
locataires.
5) J'ai également la confirmation que mon grand-père
percevait une retraite de la Compagnie du Chemin de Fer Métropolitain de Paris.
6) Enfin, j'ai le nom et l'adresse de deux notaires, pour
poursuivre plus loin mes investigations.
Bref, ces quelques feuilles jaunies consultées aux Archives
de Paris m'ont permis d'avancer dans mes recherches généalogiques !
(1) Une
précision qui a son importance : cette marche à suivre n'est valable que
pour les décès à compter de 1791.
lundi 1 décembre 2014
Un petit bonnet d'indienne
La même scène se reproduit plusieurs fois par semaine.
Parfois, à plusieurs reprises le même jour.
Dans les rôles principaux, d'un côté Jean Baptiste Manuel,
concierge de l'hospice civil, âgé d'une soixantaine d'années, et de l'autre
Jean Baptiste Poublan Serres, maire de Pau.
Dans les rôles secondaires, tantôt Jeanton, tantôt Vaché,
parfois Lanot, Pradère ou Hitolle, tous "gardes soldés" comme on appelait à l'époque les auxiliaires du
commissaire de police. Ce dernier s'appelle Barrau ou Barran ; il est
régulièrement cité, mais n'est pas présent physiquement.
Nous sommes en 1811. Sur les trente-six naissances inscrites
dans le registre du mois de juin, dix-neuf concernent des enfants trouvés. Le
concierge de l'hospice comparaît devant le maire et débite son histoire.
Celui-ci note le lieu, les vêtements, le sexe, l'âge estimé, tous ces maigres
détails qui pourraient permettre peut-être un jour… quoi ?
L'Enfant endormi, de Bernardo Strozzi (1581-1644) Source Wikimedia Commons |
Le nouveau-né est soit enveloppé dans des chiffons, soit
enveloppé dans un "drapeau"
(comprendre un morceau de drap) et une couette. Seuls les deux plus âgés sont
vêtus d'une chemise et d'une "robette".
À une exception près, ils ont la tête couverte d'un bonnet(1) :
de taffetas, de mousseline, de basin, de satin ou même de soie, mais le plus
souvent un simple bonnet d'indienne.
L'officier de l'état civil tente de décrire ces bonnets le
plus précisément possible. Cela donne à peu près ceci : "un bonnet de taffetas rouge garni de gaze
d'Italie et bordé d'une faveur jaune", "un bonnet de satin piqué et broché", "un bonnet d'indienne fond blanc avec des
fleurs rouges, garni en mousseline", "un bonnet d'indienne à raies blanches, rouges et violettes, garni et
brodé de faveur bleue"… Il s'agit de noter un maximum d'indices pour
le cas improbable où l'enfant serait ultérieurement réclamé.
Une phrase revient comme une antienne dans chaque
procès-verbal : "Nous n'avons
aperçu aucune marque ni chiffre sur son corps", rien donc qui permette
de distinguer l'un de ces enfants de ses compagnons d'infortune.
Les patronymes tentent maladroitement de rappeler les
circonstances de la découverte : Lahalle, Larbre, Desportes, Tarbes pour
la fillette trouvée devant le bureau de l'octroi sur la route qui conduit à
cette ville, Boulangère pour celle trouvée devant la porte de celui qui cuit le
pain, mais parfois aussi le patronyme des occupants de la maison la plus
proche. Et tant pis s'ils n'y sont pour rien !
La palme de l'humour noir revient certainement à la personne
qui a abandonné les jumeaux Pierre Théodore et Anne Adèle Mistake (prononcé à
l'anglaise, je suppose), trouvés devant la porte de l'hospice avec une carte
indiquant leurs prénoms et leur nom. Pourtant, à ma connaissance, Pau ne
deviendra un lieu de villégiature fort prisé des Britanniques que trente ou
quarante ans plus tard, lorsque le docteur Alexandre Taylor aura vanté les
bienfaits du climat de la région.
Et Pierre Connu ? me direz-vous. Eh bien, il doit sans
doute son patronyme au billet épinglé à ses vêtements :
"L'enfant que
l'on met à l'hôpital de Pau se nomme Pierre, comme on désire pouvoir le
reconnaître un jour on s'est décidé à placer cet écrit sur lui dans lequel on
applique un cachet qui servira soit pour établir l'identité de l'enfant, soit
les droits de ceux qui dans ce moment sont forcés de le confier aux soins des
sœurs hospitalières à Pau. À… vingt cinq juin 1811."
C'est le seul enfant pour lequel il est en outre fait
mention d'un baptême sous condition. Le maire estime qu'il paraît âgé de six
mois. Il signe le procès-verbal, avec le concierge et deux gardes soldés. Nous
sommes le 30 juin 1811, sur les neuf heures du matin.
Vingt-deux ans plus tard, le 28 août 1833 à Nay, Pierre
Connu épouse Catherine Déodat. Personne n'est jamais venu le chercher,
manifestement, car il est indiqué dans l'acte de mariage "enfant de l'hospice n°1294" et
c'est un tuteur ad hoc qui autorise le mariage.
Il a appris le métier de… bonnetier et demeure à Nay, qui
est un important centre textile à l'époque. Sa future femme, née à Nay où son
père exerçait la profession de tondeur, est tricoteuse. Ensemble, ils donneront
le jour à huit enfants au moins. Entretemps, Pierre Connu aura abandonné le
métier de bonnetier pour celui, plus rémunérateur sans doute, de cabaretier.
Leur fils Simon terminera sa carrière comme directeur des
Postes et Télégraphes à Montauban(2).
L'ascenseur social ne fonctionnait pas trop mal à l'époque !
(1) À ce propos,
voir les articles sur la vêture des enfants trouvés sur le site LesPetites Mains, histoire de mode enfantine.
(2) Voir le
billet publié le 24 novembre 2014, intitulé "Lequatrième témoin".
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