L'une de mes arrière-grand-mères, Madeleine Augustine
Laubret, est originaire de Salbris, dans le Loir-et-Cher. Elle habitait au pied
de la butte Montmartre et était crémière de son état lorsqu'elle épousa
Frédéric Chancé le 9 novembre 1861, à la mairie du 18e
arrondissement de Paris.
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Persuadée que mon grand-père était fils unique, je ne
m'interrogeai pas une seconde sur les quarante-trois mois qui séparent ce
mariage de la naissance de Frédéric François en juin 1865.
Madeleine Augustine Laubret était une enfant naturelle. J'ai
déjà raconté comment la lecture des registres de recensement(1) m'a permis de
renouer les fils avec la branche maternelle de sa famille, lorsque j'eus accès
aux archives numérisées du Loir-et-Cher. Je parcourais les tables décennales de
Salbris lorsqu'un nom me sauta aux yeux : Chancé Alexandre Constant. Mes
ancêtres Chancé sont originaires de Notre-Dame du Touchet, dans la Manche, à
quelques centaines de kilomètres de là, et le patronyme n'est pas si fréquent. Que
diable faisait-il là? Je me précipitai sur l'acte de décès rédigé le
26 juillet 1864 et voici ce que je trouvais :
"L'an mil huit cent soixante-quatre, le vingt-sixième jour du mois
de juillet à six heures du matin pardevant
Nous Debray Jean-Baptiste, adjoint délégué
Officier de l'État civil de la commune de Salbris
canton de Salbris département de Loir-et-Cher
sont comparus Livernault Casimir,
âgé de quarante-un ans, profession de maréchal,
domicilié à Salbris et Baudry Jules,
âgé de trente ans, profession de maçon,
domicilié aussi à Salbris,
de juillet à six heures du matin pardevant
Nous Debray Jean-Baptiste, adjoint délégué
Officier de l'État civil de la commune de Salbris
canton de Salbris département de Loir-et-Cher
sont comparus Livernault Casimir,
âgé de quarante-un ans, profession de maréchal,
domicilié à Salbris et Baudry Jules,
âgé de trente ans, profession de maçon,
domicilié aussi à Salbris,
Lesquels
nous ont déclaré que le vingt-cinq du mois de juillet
à huit heures du soir, Chancé, Alexandre, Constant, fils de Frédéric François
Chancé, peintre à Paris et de Madeleine Laubré, son épouse,
âgé de deux ans, sans profession
demeurant à Salbris département de Loir et Cher,
né à Paris, département de la Seine,
est décédé en notre commune, en la maison de la veuve Alard, sa nourrice.
Le premier témoin nous a déclaré être voisin et le
second témoin être aussi voisin du décédé. Nous nous sommes
assuré de l'exactitude de la déclaration de ces témoins, qui ont signé avec nous le
présent acte, après que lecture leur en a été faite."
à huit heures du soir, Chancé, Alexandre, Constant, fils de Frédéric François
Chancé, peintre à Paris et de Madeleine Laubré, son épouse,
âgé de deux ans, sans profession
demeurant à Salbris département de Loir et Cher,
né à Paris, département de la Seine,
est décédé en notre commune, en la maison de la veuve Alard, sa nourrice.
Le premier témoin nous a déclaré être voisin et le
second témoin être aussi voisin du décédé. Nous nous sommes
assuré de l'exactitude de la déclaration de ces témoins, qui ont signé avec nous le
présent acte, après que lecture leur en a été faite."
Le couple avait donc eu un premier enfant, avant la
naissance de mon grand-père, et l'avait confié à une nourrice à la campagne.
J'épluchai aussitôt les tables décennales des différents arrondissements de
Paris et je trouvai l'acte de naissance à la date du 15 juin 1864, dans le
18e arrondissement. Alexandre Constant avait moins de deux mois, et
non pas deux ans, lorsque s'éteignit sa brève vie chez la veuve Alard. À cette
époque, la mortalité infantile était élevée et le recours à une nourrice
n'arrangeait rien, pour peu que celle-ci loue ses services à plusieurs familles
à la fois, afin de gagner plus d'argent.
Quelles sont les motivations qui ont conduit le couple à
mettre l'enfant en nourrice ? L'air vicié de Paris ? une charge de
travail trop importante ? la mère est dite sans profession dans l'acte de
naissance. Le manque de lait ? un comble pour une ancienne crémière !
Une autre raison ? Je n'ai pas encore de réponse à cette question et
peut-être n'en aurai-je jamais.
Et cette veuve Alard, comment en savoir plus à son
sujet ? Quelles pistes explorer ? Pour l'instant, je sèche.
Tout ce que je sais, c'est que l'année suivante, le
27 juin 1865 exactement, naissait mon grand-père Frédéric François au
numéro 74 de la rue de Richelieu, dans le 2e arrondissement de
Paris. Il semble qu'entre temps le couple ait quitté la butte Montmartre pour s'installer
dans un quartier transformé par les travaux du baron Haussmann. J'ignore si cet
enfant fut mis en nourrice comme son aîné, dont la trop brève existence n'a pas
laissé de trace dans l'histoire familiale, mais il vécut suffisamment longtemps
pour se marier et pour avoir un fils, mon père.
Je note au passage que si j'avais fait preuve de plus de
méthode et si j'avais épluché les tables décennales de tous les arrondissements
de Paris pour identifier tous les enfants du couple Chancé-Laubret, j'aurais
vraisemblablement fini par trouver la naissance du petit Alexandre Constant.
Mais je me serais longtemps interrogée sur la suite de son existence et je
n'aurais sans doute pas pensé à chercher un éventuel acte de décès du côté de
Salbris. La mise en nourrice ne m'aurait pas traversé l'esprit !
(1) Voir http://degresdeparente.blogspot.fr/2012/12/rechercher-ses-ancetres-de-lutilite-des.html
Il me semble Dominique qu'il était très fréquent à l'époque de mettre son enfant en nourrice, surtout pour les commerçants, les bourgeois... et qu'il y avait en effet une grande mortalité !J'ai vu énormément d'actes de décès dans l'Yonne, de très jeunes enfants mis en nourrices. Ce département était l'un des viviers de la capitale, pour ce qui concernait les nourrices ! Pas forcément judicieux.
RépondreSupprimerVous avez raison, mais je n'avais pas encore eu le cas chez mes ancêtres.
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