lundi 2 juin 2014

B comme Belle Époque

Maurice Maitreau, trente-et-un ans, et Julia Fourcade, dix-huit ans, se marièrent à la fin de l'année 1900, le 22 novembre en l'hôtel de la Mairie de Pau et le 24 à l'église Saint-Martin. Les photos originales prises à cette occasion me fournirent le thème d'un de mes tout premiers articles sur ce blog.

Le couple s'installa dans une propriété à Goès, à proximité de la ville d'Oloron, où Maurice occupait la charge de greffier auprès du Tribunal civil de première instance. Si j'en crois la tradition familiale, ainsi qu'un court billet laissé par ma mère et retrouvé après son décès, Maurice et Julia y connurent le train de vie de la bourgeoisie aisée de la Belle Époque.

Ah, la Belle Époque ! Qui ne connaît cette expression empreinte de nostalgie ? Elle fut d'abord employée, dès 1919 semble-t-il, par ceux qui avaient connu les horreurs du premier conflit mondial et qui ne tarderaient pas à voir poindre les prémices d'un second conflit plus meurtrier encore.

Les historiens nous disent qu'elle dura une vingtaine d'années à peine, de 1896 à 1914 : de la fin de la dépression économique qui suivit la guerre franco-prussienne de 1870 (mais déborda largement le cadre européen), jusqu'au début de la Grande Guerre, qui allait entraîner tous les continents dans le tourbillon de l'histoire. Ces mêmes historiens soulignent également que l'expression est trompeuse et que si l'époque fut belle pour les rentiers, qui bénéficiaient de la remarquable stabilité du franc germinal, elle fut beaucoup plus dure pour les classes laborieuses, qui n'avaient guère de protection sociale.

Mais rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de vous faire un cours sur la Belle Époque. Il existe une abondante littérature sur le sujet(1), même si elle privilégie un peu trop souvent à mon goût la capitale au détriment de la province.

Je voudrais juste souligner trois aspects du mode de vie bourgeois de l'époque.

L'emploi d'une nombreuse domesticité, tout d'abord : nourrices, cuisinières, femmes de chambre, bonnes à tout faire… Ma grand-mère mit au monde cinq enfants, elle recevait les trois premiers mardis de chaque mois et rendait fréquemment visite à son entourage, sans trop de peine parce que l'intendance était assurée. Et, ne nous leurrons pas, elle pesta certainement à propos de ces domestiques "qui réclamaient leur dimanche tous les dimanches" !

Les moyens de transport, ensuite. Les chemins de fer et les tramways circulaient déjà, l'automobile et la bicyclette commençaient à se développer, les premiers aéroplanes étaient testés sur les "champs d'aviation", mais la traction animale demeurait prépondérante. Pour se déplacer d'un point à un autre, la calèche, le cabriolet et le fiacre étaient d'un usage courant. Il n'est que de jeter un œil sur les cartes postales anciennes pour s'en convaincre ; les rues et les avenues nous paraissent étonnamment vides, et les trottoirs bien dégagés, sans leurs voitures pare-choc contre pare-choc !

La tenue vestimentaire des femmes, enfin. Si les hommes ont déjà adopté un costume qui n'évoluera plus que par petites touches tout au long du siècle à venir, les femmes de la Belle Époque sont encore soumises à toutes sortes de contraintes : le corset qui comprime la taille, le jupon et la jupe qui dissimulent entièrement les jambes, les bottines qui couvrent la cheville, sans oublier divers accessoires jugés indispensables… Ma grand-mère ne serait jamais sortie sans son chapeau, ses gants, son sac à main et son ombrelle ou son parapluie, suivant la saison. Accessoire qu'elle remplacera plus tard par une canne, fort élégante au demeurant.

Julia Fourcade, Archives personnelles

Ce mode de vie m'incite à penser que la Belle Époque est une période charnière, entre un XIXe siècle dont elle ne s'est pas encore tout à fait affranchie et un XXe siècle dans lequel elle n'est pas encore tout à fait entrée. C'est sans doute pour cette raison qu'elle me captive tant.




(1) Pour ceux que le sujet intéresse, je vous conseille le livre de Michel Winock, La Belle Époque, Éditions Perrin, collection Tempus n°44, paru en 2003, 429 pages

6 commentaires:

  1. une synthèse de cette époque, à garder de coté ;)

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  2. Oh que oui, on en a entendu parler de la belle époque d'une manière ou d'une autre. Et avec nostalgie, cela donnerait presque envie d'avoir une machine à remonter le temps...

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  3. bien jolie cette jeune julia, les "ailes" blanches de son chapeau me plaisent bien, jolie toilette aussi, de quelle couleur pouvait-elle bien être ?? j'aime beaucoup ces anciennes photos empreintes de douceur et de mélancolie !
    selma cayol

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    1. Je n'ai malheureusement aucune idée de la couleur de la robe !

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  4. Merci de me faire découvrir ce monde totalement inconnu.

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  5. B comme bourgeoisie, ou comme Beau monde...
    C'est très bien raconté !

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