mercredi 25 juin 2014

V comme villégiature

Durant la belle saison, Maurice Maitreau et son épouse Julia séjournaient parfois dans une des stations balnéaires de la côte atlantique : ils étaient en villégiature. Le mot a son importance. Rien à voir avec les congés payés, qui ne furent instaurés qu'en 1936 par le gouvernement du Front populaire et qui permirent aux classes laborieuses de découvrir les joies simples du camping et du vélo. Mes grands-parents avaient des goûts plus élitistes.

Ce terme de villégiature viendrait de l'italien villeggiare, vivre dans une maison champêtre, au sens de prendre ses quartiers d'été, en délaissant pour un temps sa résidence principale.

À la Belle Époque

Le mot est utilisé par mon arrière-grand-père Achille Maitreau lorsqu'il écrit à son fils. La lettre, datée du 7 septembre 1907 et postée le même jour, est adressée à "Monsieur Maitreau Greffier du tribunal civil d'Oloron en villégiature à Anglet". N'oubliez pas de faire sonner le "t" (Anglette), nous sommes dans le sud-ouest.

Archives personnelles

Une réflexion, au passage : les estivants devaient être vraiment peu nombreux et les facteurs de l'époque particulièrement performants, ou bien mon grand-père passait régulièrement au bureau de poste relever son courrier. Toujours est-il que la missive est parvenue sans encombre à son destinataire !

Elle s'achève par ces mots : "Mes baisers les plus affectueux à ta charmante femme et à tes beaux enfants, à toi une chaleureuse poignée de main, ton vieux père qui vous aime bien tous". Achille Maitreau avait alors quatre-vingt-six ans et ne s'éteindrait que sept ans plus tard, en décembre 1914.

À ma connaissance, aucune photo n'est venue immortaliser ce séjour estival.

Dans l'entre-deux-guerres

J'ai en revanche dans mes cartons plusieurs clichés illustrant un séjour en famille à Biarritz.

L'un d'eux nous montre Julia et ses trois filles en robes claires sur les marches d'un escalier qui descend, à travers les tamaris et les hortensias, vers les avenues des bords de mer. Ma grand-mère arbore gants, chapeau, sac à main et ombrelle et, si les jupes ont raccourci, pas question de sortir sans bas. Seules les deux plus jeunes, Marie-Thérèse et Jacqueline, sont jambes nues dans de légères chaussures de plage.

Julia et ses trois filles à Biarritz
Archives personnelles

Paul, le fils de Maurice et de Julia, a pour sa part choisi de poser à l'entrée de la jetée qui conduit au Rocher de la Vierge. Avec une nonchalance qui me fait irrésistiblement penser aux photos de Jacques-Henri Lartigue. Au dos du tirage, une main anonyme a laissé cette précieuse indication à la plume : "Biarritz, le 19 septembre 1926". Paul avait donc vingt-trois ans.

Paul Maitreau à Biarritz
Archives personnelles

Pour illustrer ces temps heureux, je détiens également plusieurs séries de photos, saisies à la volée dans les rues de Royan par un photographe professionnel(1). J'en extrais celle-ci, où Maurice et Julia se promènent en compagnie de leurs quatre enfants.

La famille Maitreau en villégiature à Royan
Archives personnelles

Jusqu'à présent, je datais ce séjour de la fin des années 1920, sans autre précision… jusqu'à ce que je m'avise que ma grand-mère porte une tenue bien sombre pour la saison. Serait-elle en deuil d'un proche parent ? Son père est décédé en octobre 1928, ces photos ont donc été vraisemblablement prises durant l'été 1929.

Maurice se permet des tenues claires plus estivales. N'est-il pas fier d'accompagner ses deux plus jeunes filles, Marie-Thérèse et Jacqueline, à une partie de tennis ? Hum, les chaussures de ma mère ne sont pas vraiment adaptées, me semble-t-il !

Maurice Maitreau, Marie-Thérèse et Jacqueline à Royan
Archives personnelles

Les années cinquante

Je terminerai ce billet par une photo prise à Biarritz en 1951. Les familiers de la Grande Plage reconnaîtront sans peine l'esplanade devant le salon de thé Dodin (ahhh, ses glaces à la pistache qui ravissaient mes yeux d'enfant et mes papilles).

Julia et Geneviève à Biarritz
Archives personnelles

Julia est désormais veuve. Tous ses enfants sont mariés. Elle suit les uns ou les autres dans leurs vacances au bord de la mer ; sur ce cliché, elle est accompagnée de l'aînée de ses petites-filles.

Nous dirons que ma grand-mère fait ici preuve d'une élégance décontractée : ni gants, ni chapeau, mais elle a conservé le sac à main et l'ombrelle, et ce tailleur aux rayures tennis que j'avais déjà repéré sur une autre photo(2). Le terme de villégiature n'est plus tout à fait d'actualité, sans doute, mais le choix de la destination n'a pas changé. Les stations balnéaires de la côte atlantique étaient encore privilégiées par la famille.

Certains membres des générations suivantes seront plus aventureux…



(1) Cinésport, Bains des Sports, boulevard Botton, Royan

(2) Voir le billet posté en octobre 2013, intitulé "Rayures estivales" http://degresdeparente.blogspot.fr/2013_10_01_archive.html

1 commentaire:

  1. Bonjour
    Bel article, un brin nostalgique !
    Merci pour le partage des photos
    Nésida

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