jeudi 19 juin 2014

Q comme questions d'argent… encore !

Soigneusement occultées devant les enfants, les questions d'argent n'en étaient pas moins présentes chez nos parents, perturbant les relations entre gendres et belle-mère, beaux-frères et belles-sœurs…

Certains papiers, enfouis au fond des tiroirs depuis des décennies, ont refait surface à l'occasion d'un ultime déménagement. C'est ainsi que j'ai découvert avec surprise des doubles de courriers évoquant des conseils de famille, des copies de reçus, des listes de meubles meublants constitutifs de dot, des calculs d'usufruit et de pension alimentaire. Drôle d'époque !

Devenue veuve à cinquante-sept ans, en décembre 1939, ma grand-mère Julia fut très certainement confrontée à des difficultés financières. La guerre, les restrictions, l'inflation, les mariages de ses enfants la contraignirent à modifier sensiblement son mode de vie. J'ignore à quelle date Julia quitta Pau de façon définitive, mais en janvier 1945 elle résidait à Issy-les-Moulineaux, non loin du Parc des Expositions de la Porte de Versailles.

Julia passa ainsi les vingt dernières années de sa vie tantôt chez mes parents, tantôt chez mes oncles et mes tantes, sans toujours éviter dans l'esprit de certains des arrière-pensées et des calculs inavoués : "Combien de mois, combien d'années chez nous, n'est-ce pas un peu au tour des autres, beaux-frères et belles-sœurs, de prendre la relève ?"

L'exiguïté des appartements parisiens et le caractère vif(1) de ma grand-mère ne simplifiaient pas cette cohabitation plus ou moins bien acceptée ! Je revois cet après-midi où elle revint, après un bref séjour chez son fils ou sa fille aînée, peu importe, et où elle jeta rageusement son sac sur le divan, au summum d'une colère contenue pendant tout le trajet du retour ! Fine silhouette vêtue de sombre, raidie par la fureur, chapeau sur la tête, la main crispée sur sa canne.

Je n'entrerai pas dans la polémique, d'autant que tous les acteurs de ces scènes ont aujourd'hui disparu. Mais permettez-moi un instant de nostalgie à la lecture de la dot de ma mère. Outre une somme en espèces et un trousseau, elle comprenait des meubles qui ont fait partie du décor de mon enfance, même si certains sont difficilement identifiables : "un grand tapis", "un petit tapis", "un lustre", "trois couvertures en laine"…

Inventaire des meubles de la dot de Marie-Thérèse
Archives personnelles

Je repère néanmoins dans cet inventaire la "grande armoire béarnaise" qui a résisté à plusieurs démontages et remontages, et dans laquelle je range aujourd'hui vêtements et linge de maison. Je n'ai par contre aucun souvenir des "cinq chaises Henri II", mais je soupçonne mon père de s'en être débarrassé à la première occasion.

Armoire béarnaise, détail
Collection personnelle

Ses goûts étaient quelque peu différents de ceux de ma grand-mère. En atteste cet autre article dans la liste, "un tableau Roses, de Blanche Odin", dont Julia faisait grand cas, mais qui n'avait pas l'heur de plaire à mon père. Il resta néanmoins longtemps accroché à un mur du salon, avant de finir dans une salle de ventes, sans doute.

La curiosité m'a poussée à jeter un coup d'œil sur la biographie de Blanche Odin(2). Cette aquarelliste, née à Troyes en 1865, passa la majeure partie de sa vie dans le sud-ouest, du côté de Bagnères-de-Bigorre. Elle avait une prédilection pour les fleurs et avait mis au point une technique particulière, avec des papiers au grammage lourd, maintenus humides pour obtenir un fondu particulier des couleurs. Elle semble jouir désormais d'une certaine notoriété.

Je me demande quelle est aujourd'hui la cote de ce tableau que mon père jugeait trop mièvre ? Question d'argent, encore… mais simple curiosité de ma part.




(1) Sa phrase favorite n'était-elle pas : "Quel combat, la vie !"
 (2) Pour en savoir davantage sur cette artiste http://www.museesbagneres.fr/blanche_odin_013.htm

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