lundi 24 septembre 2018

Où habitaient mes ancêtres palois ?

L'idée m'est venue d'utiliser l'un des outils d'Hérédis pour en apprendre davantage sur mes ancêtres palois. En ouvrant le Dictionnaire des lieux (Menu Outils) et en sélectionnant la ville de Pau, j'obtiens une longue liste de 835 occurrences.

Cette liste peut être classée selon quatre critères :
  • Par événement (baptême, mariage, décès, domicile, etc.),
  • Par individu (dans l'ordre alphabétique des patronymes),
  • Par date (du plus ancien événement au plus récent ou inversement),
  • Enfin par subdivision (dans le cas où j'ai indiqué une adresse plus précise que la seule commune actuelle).

 Quelles informations en ai-je tirées ?

Le Palois le plus ancien de mon arbre

Il s'appelle Antoine Subervielle et il est maître cordonnier. Baptisé le 10 février 1689, il épouse Jeanne Maisonneuve le 10 janvier 1723 et décède le 20 septembre 1771, à l'âge vénérable pour l'époque de 82 ans. Le couple a donné naissance à huit enfants durant la décennie qui a suivi leur mariage.

Les cérémonies religieuses se déroulaient alors dans l'ancienne église Saint-Martin, dont il ne subsiste aujourd'hui que le clocher, jouxtant le Parlement de Navarre, sur une ravissante petite place qui offre la vue sur la chaîne des Pyrénées, à proximité du château.

Les inhumations avaient lieu au cimetière Notre-Dame, derrière la chapelle Notre-Dame des Morts, à l'emplacement de l'actuelle place Clemenceau.

La ville avait des dimensions très modestes et les registres paroissiaux n'apportent aucune précision sur les lieux d'habitation des paroissiens.

La période révolutionnaire

C'est dans les premiers registres de l'état civil que je vois apparaître les noms des rues. Lorsque Pierre Jacques Dabadie vient déclarer la naissance de son fils Pierre, le 8 thermidor an V (soit le 26 juillet 1797), cela donne à peu près ceci :

"Est comparu en la salle commune de la maison publique Pierre Jacques Dabadie marchand domicilié en la dite commune de Pau section du pont de la Révolution rue des Pyrénées…"

Ou bien, lorsqu'un certain François Filhon vient déclarer la naissance de sa fille Magdeleine Angélique le 2 germinal an VII (22 mars 1799) :

"François Filhon perruquier domicilié en la dite commune de Pau section de la Fontaine rue du Département…"

L'information est certes plus précise qu'auparavant, mais les noms des rues ont été modifiés à plusieurs reprises depuis lors, comme vous pouvez vous en douter. L'occasion d'utiliser un livre acquis récemment sur les rues de Pau[1]. Mais il me faut toutefois ruser, car l'index est établi à partir des noms actuels.


Le pont de la Révolution n'est autre que l'ancien pont Royal, aujourd'hui pont du 14-Juillet, qui enjambe le gave en contrebas à l'ouest du château, et la rue des Pyrénées s'appelle maintenant la rue Marca. La section de la Fontaine m'a donné plus de fil à retordre, mais la rue du Département est devenue la rue des Cordeliers, qui passe par dessus l'ancien ruisseau du Hédas. Selon Wikipédia, la fontaine de ce quartier fut longtemps le seul point d'eau de la ville.

À l'époque, Pau comptait moins de 10 000 habitants. Les maisons occupaient principalement une sorte de triangle à l'est du  château, entre la route de Nay au sud et le ravin du Hédas au nord.

Les adresses au XIXe siècle

Les actes d'état civil deviennent plus précis au fil des ans. Les immeubles sont d'abord identifiés grâce au nom de leur propriétaire, avant qu'une numérotation soit mise en place :

"Le nommé Jean Germain Caperet né et domicilié à Pau âgé de douze ans cinq mois fils légitime de Jean Caperet huissier et de dame Thérèse Filhon ménagère, domiciliés à Pau, est décédé aujourd'hui à six heures du matin, dans la demeure de son père, maison Anglade rue Henri IV en cette ville…"

L'occasion de découvrir un site développé par le département des Pyrénées-Atlantiques, intitulé Dédale[2], qui a mis en ligne un jeu de plans de la ville de Pau, vraisemblablement établis sous le Second Empire. Précieux documents où figurent non seulement les anciens noms des rues, mais également les immeubles numérotés et le nom des propriétaires de l'époque !

J'ai ainsi pu identifier avec précision le lieu où est décédé en 1871 mon ancêtre François Morel, maison Milhé, rue de la Vieille Halle : c'est aujourd'hui le n°13 de la rue de Foix, à l'angle de la place de la Reine-Marguerite.

Source AD 64, Dédale, Atlas de Pau, Extrait du plan n°27

Ces plans ne couvrent pas la totalité de la commune de Pau, dont la population a quadruplé entre 1800 et 1901, mais ils permettent de jolies découvertes. Quelques promenades en perspective, lors d'une prochaine escapade dans la capitale béarnaise…




[1] Michel Fabre, Les rues de Pau des origines à nos jours, dictionnaire historique et biographique, Éditions des régionalismes, 2015, ISBN 978-2-8240-0236-1

[2] Accessible à l'adresse suivante http://plans.le64.fr

lundi 17 septembre 2018

Républicain de gauche ?

Je poursuis l'étude des documents collectés cet été à Pau, histoire de découvrir quelles étaient les opinions politiques de mon grand-père maternel :

"M. Maitreau qui n'avait jamais fait de politique entre pour la première fois au conseil municipal, c'est un républicain très sûr dont l'action sera heureuse au sein de la municipalité." (mai 1925)

Collection personnelle

"M. Maitreau occupe à Oloron une place beaucoup plus effacée. Républicain de gauche comme MM. Gabe et Vignau." (mai 1929)

"M. Maitreau républicain de gauche qui occupe aujourd'hui la place de premier adjoint apportera à M. Vignau toute la collaboration désirable." (novembre 1932)

Tels sont les commentaires inscrits dans la colonne Renseignements généraux, sur les feuillets relatifs aux élections municipales d'Oloron-Sainte-Marie, que j'ai pu consulter aux Archives départementales.

L'Alliance démocratique

Mais à quoi correspond ce qualificatif de républicain de gauche ?

Mes connaissances sur les partis politiques de la Troisième République sont plutôt limitées, même si la période 1919-1939 était inscrite au programme d'histoire de terminale, à l'époque où je passais le baccalauréat, période à nouveau étudiée en classe préparatoire les deux années suivantes !

Les recherches sur internet me conduisent à un article sur l'Alliance démocratique. Cette appellation ne m'évoque rien, tentons d'en apprendre davantage.

Il s'agit en fait d'une formation fondée en 1901 par des hommes politiques français qui ont laissé peu de traces dans la mémoire collective.

D'après Wikipédia, l'Alliance démocratique, qui connut plusieurs appellations[1] au fil du temps et dont les membres sont régulièrement qualifiés de républicains de gauche, est une "formation de centre gauche glissant au centre droit" ! À la fois laïque et libérale, semble-t-il. Toujours d'après l'article, un des piliers, avec le parti radical, des multiples gouvernements qui se succédèrent jusqu'à la fin des années 1930.

Des figures marquantes

En lisant attentivement l'article, je  relève deux noms qui ne me sont pas inconnus : Raymond Poincaré et Louis Barthou.

Raymond Poincaré (1860-1934), député de la Meuse, fut plusieurs fois ministre, Président du Conseil en 1912, Président de la République de 1913 à 1920, sénateur après la Première Guerre mondiale, puis à nouveau Président du Conseil de 1926 à 1929. On lui doit notamment le passage, le 25 juin 1928, du franc germinal créé par Bonaparte en 1803 au franc Poincaré : la contrepartie en or du franc avait alors été divisée par cinq (dévaluation de 80 %, une paille !).

Quant à Louis Barthou (1862-1934), tous les Palois connaissent son nom.

Béarnais, né à Oloron-Sainte-Marie, élève au lycée de Pau de 1875 à 1880, il a donné son nom à ce même lycée ainsi qu'à l'une des rues du centre ville, à proximité de la place Royale.

Député des Basses-Pyrénées jusqu'en 1922, puis sénateur, il fut plusieurs fois ministre et brièvement Président du Conseil en 1913. Ce même Louis Barthou, alors ministre des Affaires étrangères, fut mortellement blessé à Marseille le 9 octobre 1934, lors de l'attentat qui coûta également la vie à Alexandre 1er de Yougoslavie.

Affaire à suivre ?

Mais revenons plus modestement à Maurice Maitreau. Il me faudrait maintenant feuilleter les procès-verbaux des réunions du conseil municipal aux Archives communales d'Oloron (ouvertes un seul après-midi par semaine, sur rendez-vous : une visite à anticiper soigneusement, donc).

 La présidente de la salle de lecture aux Archives départementales à Pau m'a aussi fort aimablement indiqué la cote d'une étude sur la vie politique à Oloron sous la Troisième République.

Bref, je peux d'ores et déjà ouvrir la liste des points à examiner lors d'un prochain voyage dans les Pyrénées…




[1] Alliance républicaine démocratique de 1901 à 1911 et de 1917 à 1920, Parti républicain démocratique de 1911 à 1917, Parti républicain démocratique et social de 1920 à 1926, enfin Alliance démocratique à partir de 1926, selon Wikipédia.

lundi 10 septembre 2018

Sur la piste de l'adjoint au maire

Comme je l'évoquais dans un article précédent, mon grand-père maternel Maurice Maitreau fut un temps conseiller municipal d'Oloron-Sainte-Marie(1) durant l'entre-deux-guerres. Cela, je le savais plus ou moins : son écharpe tricolore avait été pieusement conservée par ma grand-mère et elle était exposée sur une étagère de la bibliothèque chez mes parents.

J'avais même acquis le livre de Marie-Odile Mergnac, Retrouver un ancêtre maire ou conseiller municipal(2), afin de creuser la question. J'ai donc lu avec intérêt le chapitre consacré à la Troisième République, qui traite des modalités électorales, des partis politiques, des listes et des résultats d'élection, et j'en ai retenu qu'il fallait consulter la série 3 M des Archives départementales pour en apprendre davantage.

Projet mis enfin à exécution au mois d'août dernier, lors d'un passage à Pau. Avec l'aide de la présidente de la salle de lecture, j'ai repéré les deux cotes qui pouvaient m'intéresser : 3 M 128 et 3 M 161.


La première contient divers courriers émanant du préfet et du sous-préfet sur la constitution des listes et la composition politique des conseils municipaux, mais le nom de Maurice Maitreau n'apparaît nulle part. Passons à la suivante.


Cette dernière m'intéresse davantage. Elle comprend notamment des feuillets sur l'élection du maire et de ses deux adjoints. En première page, le nombre de conseillers municipaux relevant des différents partis politiques, information assortie d'une notice plus ou moins explicite.

Les deux pages centrales comportent une dizaine de rubriques :
  • Désignation des fonctions,
  • Nom, prénoms et couleur politique de l'élu,
  • Était-il titulaire des fonctions ou est-il nouveau ?
  • Indiquer depuis quelle époque il fait partie sans interruption du conseil municipal,
  • Sa profession et résidence habituelle,
  • Rang qu'il occupe au conseil municipal,
  • Nombre de voix obtenues par l'élu,
  • Indiquer dans quelles conditions a eu lieu l'élection, si c'est au premier tour, au scrutin de ballotage ou par bénéfice de l'âge,
  • Indiquer si l'élection a été attaquée, si elle a été validée ou cassée par le Conseil de Préfecture,
  • Renseignements généraux confidentiels sur le caractère du choix fait par le Conseil municipal.
Cette dernière rubrique est sans doute la plus révélatrice des opinions de l'époque. Elle permet d'apprécier comment le maire et ses adjoints étaient perçus par l'autorité préfectorale.

Aux élections de novembre 1919 donc, Amédée Gabe, avoué à Oloron, républicain de gauche(3), est élu maire au 3e tour, par 12 voix sur 23. Le premier adjoint, radical socialiste, se nomme Henri Cadier et le second adjoint, républicain de gauche, Albert Lombard. Les commentaires inscrits dans la colonne "Renseignements généraux confidentiels" sont peu flatteurs. Mais pas de trace de mon grand-père.

Aux élections de mai 1925, le mandat d'Amédée Gabe est reconduit par 19 voix sur 23 dès le premier tour. Joseph Vignau est élu premier adjoint et Maurice Maitreau deuxième adjoint, tous deux par 21 voix sur 23 dès le premier tour, sous l'étiquette de républicains de gauche. Aux élections de mai 1929, tous trois sont reconduits par 20 voix sur 21.

Enfin, aux élections de novembre 1932, consécutives au décès du maire Amédée Gabe, Joseph Vignau lui succède et mon grand-père Maurice Maitreau devient premier adjoint.

Source AD 64 cote 3 M 161

Le dossier consulté ne contenait aucun document relatif aux élections municipales de mai 1935, date à laquelle Jean Mendiondou l'emporta sur le maire sortant. Il me faudra pousser plus loin les investigations pour vérifier si mon grand-père faisait encore partie du conseil municipal, ce dont je doute : cela aurait vraisemblablement été mentionné dans l'avis de son décès, paru dans le Patriote des Pyrénées le 22 décembre 1939.





(1) Cette sous-préfecture des Basses-Pyrénées (comme on disait à l'époque) comptait alors un peu moins de 10 000 habitants.

(2) Marie-Odile Mergnac, Retrouver un ancêtre maire ou conseiller municipal, Les surprises de la politique locale, Archives & Culture, 2013, ISBN 978-2-35077-193-9

(3) Je reviendrai sur cette étiquette politique dans un prochain article.

lundi 3 septembre 2018

Deux photos

Sur la première, un cortège composé de civils et de militaires marche au milieu de la chaussée, entre deux haies de spectateurs, laissant derrière lui un pont et s'apprêtant à passer devant un bâtiment sur lequel je distingue le mot "Postes". C'est sans doute la belle saison : les spectatrices arborent des tenues claires et j'aperçois au moins un canotier. Vu la longueur des jupes et les chapeaux-cloches qui enserrent la tête des femmes, je dirais que nous sommes dans cette période de la Troisième République qui fut surnommée les Années folles.

Collection personnelle

Sur la deuxième photo, un petit groupe d'hommes se tient debout dans un jardin public, au pied d'un monument aux morts où une gerbe de fleurs a été déposée. Dans la foule qui fait cercle autour d'eux, je distingue une fanfare, des militaires au garde-à-vous, des drapeaux, des hommes en redingote tête nue, quelques costumes clairs et quelques canotiers…

Collection personnelle

Le verso m'en apprend davantage. Toutes deux portent un tampon : "L'Actualité", Jové, photographe, 46, rue du Maréchal Joffre, Pau(1). Et cette précieuse indication manuscrite : Doumergue Président de la République française, Gabe maire, papa adjoint, ainsi qu'une signature, celle d'une de mes tantes, Jacqueline Maitreau, dont je reconnais l'écriture.

Collection personnelle

Précieux indices qui me permettent d'abord de situer la scène. Amédée Gabe a été maire d'Oloron-Sainte-Marie après la guerre de 1914-1918, de novembre 1919 jusqu'à son décès en octobre 1932. Un petit tour sur internet, histoire de vérifier que ce monument aux morts en forme de colonne, dont on distingue surtout le socle, le reste se perdant dans les frondaisons, est bien celui de la sous-préfecture des Pyrénées-Atlantiques.

Gaston Doumergue, quant à lui, a été Président de la République de 1924 à 1931, ce qui permet d'affiner la datation de l'événement. Je pencherais pour le mois de juillet 1928. Pourquoi, me direz-vous ? Eh bien, précisément le 18 juillet de cette année-là, le Président de la République Gaston Doumergue et le roi d'Espagne Alphonse XIII inauguraient la gare internationale de Canfranc(2) ; laquelle est située à la frontière entre la France et l'Espagne, à une soixantaine de kilomètres au sud d'Oloron, sur la ligne de chemin de fer qui reliait Pau à Saragosse, en passant par le tunnel du Somport.

De là à penser que le Président de l'époque en a profité pour rendre visite à la cité béarnaise il n'y a qu'un pas que je franchis allégrement. Il faudrait néanmoins vérifier en consultant la presse locale…

Conclusion : mon grand-père maternel Maurice Maitreau, dont je crois reconnaître la silhouette sur la première photo, a donc fait partie du conseil municipal d'Oloron-Sainte-Marie durant l'entre-deux-guerres. J'ai profité d'une escapade dans le sud-ouest pour tenter d'en apprendre davantage… rendez-vous lundi prochain pour connaître la suite !





(1) Jean Jové (1876-1957), photographe d'origine espagnole, naturalisé français en 1931, installé successivement à Epinal, à Châteauroux, à Limoges, puis à Pau à partir de 1920 (source Wikipédia).

(2) Deuxième plus grande gare d'Europe par la taille de ses installations, après celle de Leipzig, mais aujourd'hui désaffectée, après de multiples vicissitudes (crise de 1929, incendie en 1931, guerre civile espagnole…).