lundi 30 mars 2015

Intercalé dans le registre des mariages

Je passais en revue les actes concernant l'un de mes ancêtres à la cinquième génération, Jean Baptiste Troussier, quand j'ai découvert un document qui m'avait échappé jusque là : le consentement au mariage formulé par sa mère devant notaire.

Nous sommes en août 1853, la République a cédé le pas au Second Empire et Jean Baptiste s'apprête à épouser Jeanne Pinier à la mairie du 2e arrondissement d'Angers.

Il est originaire de Saint-Fraimbault-de-Prières, un bourg d'un millier d'habitants tout au nord du département de la Mayenne, à 130 kilomètres d'Angers au bas mot. La mère de Jean Baptiste, Louise Tonnelier, a soixante-sept ans ; elle est veuve depuis une quinzaine d'années et elle n'a sans doute ni la santé, ni les moyens de se rendre au mariage de son fils.

D'où le document suivant :

AD Maine-et-Loire, Angers, 2e arrondissement, Mariages 1853
Vue 158/272

"1er Août 1853

Consentement à mariage

Devant
Me Philippe Henri Benoiste
et son collègue, Notaires à Mayenne
soussignés,

A comparu

Made Louise Tonnelier, sans profession
demeurant au bourg de la commune de St. Fraimbault
de Prières, veuve de M. Mathurin Troussier
Laquelle, par ces présentes, déclare donner son
consentement au mariage que M. Jean Baptiste
Troussier, son fils, sans profession, demeurant
à Angers, se propose de contracter avec madelle
Jenny Pinier, domestique, demeurant même ville.
Voulant la comparante que Monsieur Troussier
son fils réitère le présent consentement devant
qui de droit.
Mention est consentie où besoin sera,
Dont acte.
Fait et passé à Mayenne en l'étude
l'an mil huit cent cinquante trois
le premier août,
et après lecture les notaires ont seuls
signé la comparante ayant déclaré ne le savoir
de ce requise
."

Suivent les signatures et la mention de l'enregistrement (moyennant deux francs et vingt centimes). Au dos, la légalisation des signatures par le Président du Tribunal civil de Mayenne, datée du 1er août, et le paraphe de l'adjoint au maire de la ville d'Angers, le jour du mariage.

Ce dernier a manifestement pour habitude de coller les consentements dans la marge des actes, intercalés entre les pages du registre… heureuse initiative ! Cela nous permet de nous familiariser avec le langage juridique de l'époque.

Mais Jean Baptiste Troussier avait trente-et-un ans révolus en 1853, alors pourquoi solliciter le consentement de sa mère ?

Un petit tour sur Internet m'en apprend davantage. Et, tout d'abord, qu'il ne faut pas confondre majorité civile et majorité matrimoniale, tout au moins pour les hommes. La majorité civile a été fixée à vingt-et-un ans par la loi du 20 septembre 1792, pour être n'abaissée à dix-huit ans qu'en juillet 1974. Mais le Code Napoléon fixe à vingt-cinq ans la majorité matrimoniale pour les hommes, règle qui ne disparaîtra qu'en juin 1907.

Les sommations respectueuses, ensuite. Autre règle du Code Napoléon : même majeurs, les futurs époux sont tenus de demander l'avis de leurs parents ou grands-parents, et ce n'est qu'après trois refus successifs qu'ils peuvent passer outre. Cette mesure était vraisemblablement destinée à éviter les mariages précipités, sur un coup de foudre ou un coup de tête. Aménagée à plusieurs reprises, cette disposition ne disparaîtra totalement qu'en février 1933.


Un dernier mot : je voulais vous parler aujourd'hui de mes ancêtres qui, à un moment ou à un autre de leur vie, ont exercé un métier du textile. Le premier sur ma liste m'a entraînée dans des considérations juridiques ! Encore un effet de la sérendipité ? Ce n'est que partie remise…

4 commentaires:

  1. Comme quoi toute relecture d'acte est utile et intéressante !

    J'ai dans les actes de mariages de mes ancêtres la référence au consentement des parents, mais pas le document lui-même

    Fanny-Nésida

    RépondreSupprimer
  2. Tu as bien raison de te laisser guider au gré de tes découvertes, et tu reprendras le fil ensuite. Le contraire aurait été plus difficile, je crois. Et merci de nous rappeler l'utilité de relire soigneusement les actes.

    RépondreSupprimer
  3. C'est toujours agréable et intéressant lorsque l'on trouve des petits plus au milieu de nos actes...
    Cet article me fait penser également à un tout autre sujet : j'ai également plusieurs ancêtres angevins qui se sont mariés à des "Mayennaises" ou à des bretonnes ; (j'ai même une branche qui remonte jusqu'en Normandie). Je pense qu'il doit y avoir là un mini-phénomène migratoire qui reste à étudier !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, les régions étaient assez proches, en réalité.

      Supprimer

Votre commentaire sera publié après approbation.