Les recensements constituent une précieuse source
d'informations pour les généalogistes. Depuis le mois de septembre dernier, je
tente d'exploiter ceux de Pau : celui de 1817 a fait l'objet du billet
intitulé "Un
recensement sous la Restauration" et celui de 1841 a constitué le
point de départ de "Curiosité,
quand tu nous tiens".
Le recensement de
1836
J'avais soigneusement évité jusqu'à présent le recensement
de 1836, qui présente la fâcheuse particularité de dénombrer les Palois mais sans
aucune localisation précise (pas de liste par rue, hélas) : environ douze
mille habitants, cela représente à peu près quatre cent vingt pages, avec pour
seul repère un numéro de ménage, qui permet néanmoins de repérer ceux qui
vivent sous le même toit, chef de famille, conjoint, enfants, employés,
domestiques. Outre le patronyme et les prénoms, le recensement indique la
profession, le statut (célibataire, marié, veuf) et l'âge des individus.
Je me décide donc à attaquer bravement la lecture page par
page, dans l'espoir de grappiller quelques informations supplémentaires sur mes ancêtres. Nous
sommes sous la Monarchie de Juillet : à cette époque, seules les familles
Adema et Filhon sont déjà installées à Pau ; les Fourcade et les Caperet n'y
arriveront que quelques années plus tard.
Jean Adema, encore
Je ne tarde pas à découvrir un énième Jean Adema boulanger de
profession, qui avait jusqu'à présent échappé à ma sagacité.
Celui-ci est âgé de 61 ans en 1836. Époux d'une
certaine Marie Sempé[1], du
même âge que lui, il partage sa demeure avec trois autres Adema : Arnaud,
31 ans, boulanger, Gabrielle, 19 ans, et François, 17 ans. Je
vérifierai qu'il s'agit de trois enfants du couple. Une servante de
62 ans, la veuve Jeanne Frechon, et un garçon boulanger de 19 ans,
Pierre Cambot, complètent le foyer.
Je commence par rechercher l'acte de baptême de Jean Adema
dans les registres paroissiaux de 1775 et des années voisines, pour identifier
ses parents. En vain. L'examen des tables décennales de mariages est plus
fructueux : j'y trouve la mention "Adema (Jean) marié à Marie Sempé le 7 messidor an 3",
soit le 25 juin 1795. Allons voir cela.
Surprise
L'acte rédigé par un officier public à l'orthographe plus
qu'approximative me fournit plusieurs informations intéressantes :
- Tout d'abord, Jean Adema est le "fils naturel de Paul Adema chirurgien actuellement aux illes du Vend (sic) et de Marie Espagnac",
- Il est né le 1er novembre 1775 et n'a donc pas vingt ans le jour de son mariage,
- Il est cantinier[2] à l'armée (je pensais qu'il n'y avait que des cantinières !),
- Il serait domicilié à Jean-Pied-de-Port[3] (qui a perdu au passage le "Saint" de Saint-Jean, Révolution oblige).
Acte manquant ou acte
manqué ?
Le 8 prairial an III (27 mai 1795), soit
quelques jours à peine avant la date prévue pour son mariage, le jeune Jean
Adema constate que son acte de baptême n'a pas été transcrit dans les
registres. À sa demande, le conseil municipal désigne alors le citoyen Fougère,
afin de procéder à une enquête : le lendemain, Fougère entend les citoyens
Martin Nolivos et Jean Philippe, tisserands, et rédige son rapport.
Les deux témoins attestent, "sous serment à Dieu" tout de même, que Jean est bien le fils
de Marie Espagnac, que celle-ci affirmait l'avoir "eu et procréé avec le citoyen Adema chirurgien", qu'il était
né le premier jour de novembre 1775 et qu'il avait aussitôt été baptisé par le
vicaire de la "cy devant église
Saint-Martin". On a même le nom du vicaire : Labat.
Le second témoin affirme avoir tenu Jean sur les fonts
baptismaux.
On peut s'interroger sur l'absence de ce baptême dans les
registres : il s'agissait d'un enfant né hors les liens du mariage…
On apprend également au passage que Jean Adema est parti à
l'armée depuis environ deux ans (en 1793, donc) et que Saint-Jean-Pied-de-Port
s'appelle maintenant Nive-Franche, du nom de la rivière qui traverse le bourg.
Le père présumé
Ce Paul Adema est loin de m'être inconnu : c'est un
frère de mon ancêtre Anne Adema[4].
Aîné d'une fratrie de treize enfants, né à Pau le 31 octobre 1757, il a
donc à peine 18 ans lorsque Marie Espagnac met au monde le petit
Jean ; rien ne permet d'affirmer qu'il a reconnu l'enfant.
Qualifié au gré des actes d'officier de santé, de chirurgien
et même de docteur en chirurgie, il épouse à 42 ans le 30 germinal
an VIII (dimanche 20 avril 1800), au temple décadaire[5],
Marie Marguerite Lansac. Cette dernière, âgée de 32 ans, divorcée d'un
certain Jean Gré[6], lui
donne au moins deux enfants : Jean (un de plus), en mars 1801, et
Alexandre Louis, en août 1803.
Il me reste quelques points à éclaircir, notamment ce séjour
de Paul Adema aux îles du Vent, au plus fort de la tempête révolutionnaire, et
les raisons de ce mariage tardif. Affaire à suivre, donc…
[1]
Parfois écrit Saint Pé.
[2]
Le cantinier est un vivandier en garnison, nous dit le Dictionnaire des
Métiers, c'est-à-dire un marchand de vin ou un traiteur, suivant les armées.
[3]
Saint-Jean-Pied-de-Port, sur la route qui mène au col de Roncevaux, était une
place forte importante dans la défense du territoire contre l'Espagne, selon
Wikipédia.
[4]
Anne Adema (1762-1852) et son époux François Filhon (1760-?), maître perruquier,
font partie de mes ancêtres à la septième génération.
[5]
Lieu du culte décadaire instauré par la loi du 23 fructidor an VI
(9 septembre 1798), qui n'eut qu'une très brève existence.
[6]
Le divorce fut introduit dans la législation française le 20 septembre
1792. Supprimé sous la Restauration, il ne sera rétabli qu'en 1884. Je n'ai
malheureusement pas trouvé l'acte en question dans les tables décennales de
Pau, qui compte 23 divorces pour la période de 1792 à l'an X.
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