lundi 27 janvier 2014

Le mariage d'Achille Maitreau


Le mariage est une chose sérieuse, surtout quand on est militaire. Lorsque, à l'âge de 47 ans, Achille Maitreau, capitaine au 58e régiment d'infanterie de ligne, se décide enfin à fonder une famille, il enclenche une procédure dont voici les éléments les plus marquants.

Tout d'abord une demande de permission de mariage, qui donne lieu à un rapport au Ministre de la Guerre. Le document émanant du Bureau de l'Infanterie contient les rubriques suivantes en colonne sur une double page :
  • Nom et Prénoms de l'Officier qui demande à se marier,
  • Grade et Position,
  • Nom et Prénoms de la Future,
  • Quotité et nature de la dot,
  • Avis de l'autorité supérieure qui a transmis la demande,
  • Observations et Propositions,
  • Décision du Ministre.
Source SHD 4YF 83 863

On y apprend que, à l'époque (nous sommes en mai 1868), l'armée ne plaisante pas avec les ressources financières des candidates au mariage. Jugez plutôt :
"La dot se compose
1° de titres nominatifs formant une rente de 973 F,
2° d'une somme de 6 100 F déposée au nom de Melle Morel à la Trésorerie générale de Pau ; elle est destinée à l'achat de 227 F de rente sur l'Etat et complètera les 1 200 F de rente exigés par le règlement." C'est moi qui souligne.

Le rédacteur ajoute : "Espérances évaluées à 40 000 F." Décidément, voilà qui confirmerait le caractère intéressé d'Achille Maitreau, relevé par certains de ses supérieurs(1).

L'avis favorable est assorti de ce commentaire :
"Melle Morel, fille unique d'un médecin-major de 1ère classe en retraite à Pau, jouit ainsi que sa famille d'une excellente réputation. L'union projetée est également satisfaisante sous le rapport de la fortune.
On propose en conséquence au Ministre d'accorder à M. Maitreau l'autorisation qu'il sollicite."

Général Castelnau, source Wikimedia Commons

C'est le général Henri-Pierre Castelnau, aide de camp de l'empereur Napoléon III, qui signe l'autorisation. J'apprends au passage que le mariage des militaires était à cette époque régi par le décret du 16 juin 1808 : il nécessitait la permission du Ministre de la Guerre pour les officiers, et du conseil d'administration de leur corps pour les sous-officiers et les soldats. Le décret n'a été abrogé que fort récemment et l'autorisation subsiste toujours pour les militaires désirant épouser une personne de nationalité étrangère, ainsi que pour les militaires servant à titre étranger (légionnaires).

Deuxième épisode : la signature du contrat de mariage. Elle intervient le 30 mai 1868 devant Maître Haure, notaire à Pau. Les futurs époux ont opté pour le régime de la communauté réduite aux acquêts. Outre les valeurs mobilières destinées à lui assurer une rente de 1 200 F par an, Eugénie apporte un trousseau "composé d'habits, linges, hardes, bijoux et autres objets", d'une valeur de 2 000 F. J'ai déjà consacré un billet à ce sujet(2).

Et Achille Maitreau ? L'énumération de ses avoirs m'en apprend un peu plus sur lui :
  • 12 obligations du canal de Suez produisant un intérêt annuel de 300 F,
  • Une somme de 3 600 F placée par Maître Taureau, notaire à Doué-la-Fontaine,
  • Une créance de 4 000 F sur M. Aubineau, propriétaire à Concourson,
  • Deux pièces de terre d'une valeur de 3 000 F à Concourson,
  • Deux vignobles d'une valeur de 750 F dans la même commune.

Bien qu'installé à Pau, mon arrière-grand-père n'avait pas rompu toutes ses attaches avec sa région d'origine, ce qui devrait m'inciter à aller consulter le cadastre, aux Archives départementales du Maine-et-Loire.

Une phrase dans le préambule du contrat, concernant les parents d'Eugénie, en dit long sur l'incapacité juridique des femmes au XIXe siècle : "M. et Madame Morel, celle-ci autorisée par son mari, agissant aussi en leur nom personnel, à cause de la donation qu'ils vont faire…" Il faudra attendre 1965 pour que la femme mariée puisse gérer seule ses biens !

Je relève également l'article 7 du contrat de mariage : "Si la future décède sans postérité avant ses père et mère, ceux-ci l'autorisent expressément à disposer en faveur de son mari, en toute propriété et usufruit du trousseau qu'ils viennent de lui constituer."

Passons maintenant au mariage civil. Il a lieu le 9 juin 1868 à 8 heures du matin, en l'hôtel de ville de Pau. Pourquoi si tôt ? Un rapide coup d'œil aux autres pages du registre me confirme le caractère insolite de cet horaire. En juin 1868, sur seize mariages célébrés à la mairie, onze le sont en soirée (dix à huit heures du soir, un à dix heures du soir) et cinq en matinée : trois à dix heures, un à neuf heures et un seul, celui de mes arrière-grands-parents, dès potron-minet !

La lecture de l'acte apporte, à mon avis, la réponse : Eugénie Morel est née le 22 mai 1831 à Strasbourg, mais ses parents ne se sont mariés à Metz que cinquante-six mois plus tard, le 21 janvier 1836, légitimant explicitement dans l'acte leur fille alors âgée de quatre ans et demi. Tout cela sera lu à haute voix par l'officier d'état civil, avant la signature de l'acte par les époux et les témoins. Il y a là de quoi choquer la bourgeoisie et les esprits bien pensants, n'en doutons pas.

L'heure matinale choisie pour la cérémonie civile était donc vraisemblablement destinée à décourager toute velléité d'y participer. D'autant que le mariage religieux eut lieu le même jour en la paroisse Saint-Martin, devant une assistance que je suppose plus nombreuse. Cette naissance hors mariage d'Eugénie explique peut-être également pourquoi elle avait déjà trente-sept ans lorsqu'elle épousa Achille Maitreau.

Extrait du carnet Maitreau-Morel, Archives personnelles
 La consultation du dossier de François Morel au Service historique de la Défense m'en apprendra peut-être davantage sur les circonstances du mariage de ce dernier, d'autant qu'il dut lui aussi solliciter l'autorisation du Ministre de la Guerre. Marie François, la mère de sa fille, d'origine modeste, ne disposait vraisemblablement pas d'une dot suffisante au regard de l'autorité militaire, mais n'anticipons pas.

Revenons au mariage d'Achille Maitreau. Deux enfants vont naître de cette union : Maurice, mon grand-père maternel, en octobre 1869, et Jeanne Marie, sa sœur, en avril 1871. Le capitaine Maitreau, gravement blessé au bras lors de la bataille de Sedan le 1er septembre 1870, prendra sa retraite en juillet 1873 et consacrera les quarante années suivantes à la gestion de ses biens, comme l'atteste le livre de raison qu'il nous a laissé.



(1) Voir "Le dossier Achille Maitreau", janvier 2014
(2) Voir "Le trousseau de la mariée", février 2013

lundi 20 janvier 2014

Ceci n'est pas une "to do list"


Inutile de se leurrer, les résolutions prises à l'aube de l'année nouvelle sont rarement respectées, en tous cas dans leur intégralité : l'échéance lointaine favorise la procrastination, c'est bien connu. Et la parade proposée par Sophie Boudarel (une résolution à la fois, en gros une par mois) ne me satisfait pas non plus ; disons que janvier est bien trop avancé déjà, j'aurais l'impression de démarrer du mauvais pied !


Je vais donc ruser, en vous indiquant mes "pistes de recherches" pour 2014.

1) Par exemple, collecter un maximum d'informations sur une paroisse particulièrement bien représentée dans ma base de données :
  • Compléter les événements majeurs (baptême, mariages, sépulture) des témoins cités dans les actes de mes ancêtres,
  • Établir la liste des curés, vicaires, prêtres habitués de la paroisse en question (et compléter leurs BMS, dans la mesure du possible),
  • De la même manière établir la succession des maires et adjoints de la commune.

En fait, j'ai déjà commencé pour Notre-Dame-du-Touchet, d'où sont originaires mes ancêtres Chancé, dans l'actuel département de la Manche.

2) Reprendre toutes les photos anciennes que je possède, les classer chronologiquement, les scanner si ce n'est déjà fait, et les ranger dans des albums, si possible "acid free".

3) En profiter pour créer un livre avec les photos les plus représentatives. Avec le logiciel iPhoto, installé nativement sur les Mac, c'est un jeu d'enfant.

4) Procéder régulièrement au nettoyage de ma base de données :
  • Traquer les doublons en utilisant les ressources d'Heredis,
  • De la même manière, traquer les événements sans source indiquée (des oublis en cours de saisie, faciles à corriger),
  • Exploiter les informations figurant sur les fiches GeneaNet rangées dans un classeur vert au fur et à mesure des alertes reçues ou des recherches effectuées et supprimer les fiches complètement exploitées.

Là aussi, ce sont des actions que j'ai déjà entamées. C'est fou ce que l'on peut accumuler comme paperasse et comme bêtises, si l'on n'y prend garde.

5) Retourner aux Archives de Paris pour en savoir davantage sur tous les Chancé qui ont au moins une fiche dans l'état civil reconstitué pour la période antérieure à 1860 (quatre naissances, trois mariages et deux décès que je n'ai pas encore examinés). Ont-ils un lien de parenté avec mes ancêtres déjà identifiés ? J'aimerais le savoir.

6) Consulter le dossier François Morel au Service historique de la Défense ; je sais qu'il m'attend sagement quelque part sur un rayonnage, j'ai déjà repéré sa cote.

Ces différentes pistes de recherches vont me permettre de papillonner d'un sujet à l'autre, au gré de mes envies, sans risque de lassitude. Et puis, vous avez remarqué ? il n'y a que six rubriques (deux fois moins que de mois dans une année), cela devrait me permettre quelques échappées loin de mon camp de base, vers des horizons lointains, l'appareil photo en bandoulière !

lundi 13 janvier 2014

Mais où diable chercher le baptême de Joseph Maitreau ?


Puisque le généathème du mois de janvier proposé par Sophie Boudarel porte sur les épines généalogiques, en voici une qui m'agace depuis un certain temps.

Joseph Maitreau porte le numéro Sosa 96 dans mon arbre généalogique, c'est l'arrière-grand-père de mon arrière-grand-père Achille Maitreau(1). Un solide gaillard, marié trois fois, père d'au moins onze enfants, qui a traversé tout le XVIIIe siècle, avant de décéder le 18 mai 1791 et d'être inhumé le lendemain, à l'âge de 88 ans selon les dires de René François Julien Boussinot, curé de Concourson.

Source PhotoPin
Mais reprenons l'histoire depuis le début. Joseph Maitreau est l'un des fils de Pierre Mestreau, maréchal (de nos jours, on dirait maréchal-ferrant), et de Perrine Floneau ou Flonneau. Ces derniers se sont mariés le 22 février 1700 à Saint-Pierre des Verchers, aujourd'hui les Verchers-sur-Layon, dans le Maine-et-Loire.

Le couple a donné le jour à huit enfants, dont sept ont été baptisés dans la même paroisse de Saint-Pierre des Verchers :
  • Pierre le 13 novembre 1701,
  • Antoine le 28 août 1704,
  • Perrine Jeanne le 22 octobre 1711,
  • Jean le 17 décembre 1714,
  • Louis le 27 septembre 1717,
  • François le 8 février 1719,
  • René le 10 juin 1723…
… et Joseph, quand et où ?

L'affirmation du curé de Concourson au moment de sa sépulture voudrait qu'il soit né vers 1703, mais je n'ignore pas que l'âge indiqué dans l'acte est une approximation, d'autant moins précise que la personne en question est fort âgée. Un octogénaire peut-être, un vieillard sûrement aux yeux de son entourage, fils, petit-fils et gendres présents lorsqu'il est porté en terre.

J'ai également remarqué le rythme des naissances des enfants du couple Mestreau-Flonneau : une environ tous les trois ans, parfois plus, parfois moins, mais un intervalle exceptionnellement long, plus de sept ans entre Antoine et Perrine Jeanne.

Joseph a bel et bien existé, je ne l'ai pas inventé. Il s'est marié trois fois.

Avec Marie Douet tout d'abord, le 3 juillet 1731 à Concourson : l'acte indique "Joseph Metreau fils de Pierre Metreau marechal et de Perrine Flonneau de la paroisse de St Pierre de Verché". Aucun doute sur son identité. Sept enfants vont naître de cette union.

Avec Anne Coulbault ensuite, le 16 février 1745 à Cernusson. L'acte indique que Joseph est "veuf de Marie Douet en premières noces, fils de Pierre Maistreau marechal et de Perrine Felonneau ses père et mère". C'est bien la même personne. Le couple aura quatre enfants, dont mon ancêtre François.

Avec Jacquine Foucher enfin, le 21 juin 1757 à Saint-Georges-sur-Layon. L'acte précise "Joseph Mestreau fermier, veuf d'Anne Couillebault de la paroisse de Concourson". Toujours le même bonhomme. Pas d'enfant cette fois-ci. L'épouse avait 35 ans environ lors du mariage selon le prêtre, mais en réalité plutôt 46 ans, sauf erreur de ma part.

J'ai, bien entendu, épluché divers registres sur une période allant de 1700, année du mariage des parents de Joseph, à 1711, année de naissance de sa sœur Perrine Jeanne :
  • Le répertoire soigneusement établi pour la paroisse de Saint-Pierre des Verchers, listant tous les baptêmes année par année, avec pour chaque enfant les noms et prénoms de ses parents,
  • Les registres proprement dits de la même paroisse, pour le cas où un baptême aurait échappé au rédacteur du répertoire,
  • Les registres de Saint-Just des Verchers, paroisse voisine,
  • Les registres de la Lande des Verchers,
  • Les registres de Concourson.

Environs des Verchers-sur-Layon selon carte de Cassini

Rien, nada, niente. Alors, je continue en appliquant la technique de l'escargot ? Cela pourrait être ma résolution du mois, mais si vous avez mieux à me proposer, je prends !


(1) Voir "Le dossier Achille Maitreau"

lundi 6 janvier 2014

Le dossier Achille Maitreau


C'est le premier dossier que j'ai consulté au Service historique de la Défense. Il est classé dans les dossiers de pension et porte la cote 4YF 83.863.

Alors, qu'ai-je retiré de ces quelques pièces mises à ma disposition ? Des informations sur le parcours militaire de mon arrière-grand-père tout d'abord, sur son aspect physique, son niveau d'instruction et même sur certains traits de son caractère. Des informations également sur sa situation financière et celle de sa future épouse au moment de leur mariage en 1868. Sans compter un aperçu de la paperasserie administrative dans le fonctionnement de l'armée au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.

Le parcours militaire d'Achille Maitreau, tout d'abord. Mon ancêtre est un officier issu du rang : il commence par faire son service militaire, à une époque où le recrutement s'effectue par tirage au sort et où le service actif dure six ans ; pour lui, de 1842 à 1848, sous la Monarchie de Juillet. Il est appelé comme simple soldat, "inscrit sous le n°549 de la liste du contingent du département de Maine-et-Loire", puis gravit les différents échelons jusqu'au grade de sergent-major. À deux reprises, il rempile pour une durée de deux ans, avant d'opter définitivement pour la carrière militaire : adjudant en 1850, sous-lieutenant fin 1851, lieutenant en 1857, enfin capitaine en 1865 et ce jusqu'à sa retraite.

Collection personnelle

Il sert successivement le 17e régiment d'infanterie légère (devenu le 92e régiment d'infanterie de ligne en 1855), puis le 3e régiment de voltigeurs de la garde impériale sous Napoléon III, enfin le 58e régiment d'infanterie de ligne à compter d'août 1865.

Sur le temps qu'il passe dans l'armée, Achille Maitreau ne participe activement qu'à deux conflits, sur le théâtre des opérations : la campagne d'Italie de mai à août 1859 et la guerre de 1870, durant la deuxième quinzaine d'août, jusqu'à la bataille de Sedan le 1er septembre. À peine quelques mois sur trente ans de carrière.

La campagne d'Italie contre les Autrichiens lui vaut la médaille d'Italie et la médaille de la valeur militaire de Sardaigne. Vraisemblablement aussi l'admission à l'Ordre de la Légion d'honneur en tant que chevalier, en juillet 1862. La guerre de 1870 lui vaut une blessure au bras droit, suffisamment grave pour entraîner une très longue convalescence et motiver sa demande d'admission à la retraite en 1873. Une proposition pour la Croix d'officier de la Légion d'honneur n'aboutira pas.

Son aspect physique, ensuite. Selon une fiche signalétique établie en 1851, Achille mesure 1,66m, il a un visage large, le front haut, les yeux bruns, le nez gros, une bouche moyenne, un menton rond, des cheveux et des sourcils noirs marqués. Des éléments peut-être suffisants pour l'identifier sur une photo prise de nombreuses années après, le portrait d'un homme aux cheveux blancs très fournis, en vêtements civils, arborant un ruban à la boutonnière. Mais qui semble avoir les yeux clairs.

Archives personnelles

Son niveau d'instruction générale : "Assez bonne instruction primaire", "Langues étrangères néant", "Quelques connaissances en histoire et en géographie", "Dessine un peu et lit une carte", tels sont les seuls éléments figurant sur deux fiches établies par l'Inspection générale des Services en 1871 et 1872. Manifestement, mon arrière-grand-père n'est pas passé par les bancs de l'université. Les quelques documents manuscrits que je possède de lui révèlent néanmoins une écriture régulière et une belle maîtrise de la langue, en dépit de quelques fautes d'orthographe qui relèvent davantage de l'étourderie que de l'ignorance des règles grammaticales.

Certains traits de son caractère. Là, les opinions divergent. "Caractère énergique", lit-on sur la fiche de 1871. "D'une nature très intéressée ; caractère un peu léger et pas toujours franc", lit-on sur celle de 1872. Je n'ai guère de doute sur l'intérêt de mon arrière-grand-père pour les biens matériels : dans le livre de raison qu'il nous a laissé, il ne cesse de faire le point sur ses avoirs personnels, craignant de léser sa fille Marie et de favoriser son fils Maurice. Mais le manque de franchise ? s'agit-il de divergences d'opinion avec ses supérieurs hiérarchiques, à une époque où la France changeait de régime politique ? peut-être, mais comment savoir ?

Je reviendrai dans un autre billet sur le mariage d'Achille Maitreau et d'Eugénie Morel, mais permettez-moi d'évoquer ici ce que j'appelle la paperasserie administrative. Le moindre document figurant dans ce dossier est tamponné, visé, signé, contresigné, portant parfois jusqu'à huit paraphes : sous-chef, chef de bureau, chef du service intérieur, sous-intendant militaire, trésorier, chef de bataillon, chef de corps, capitaine, major, lieutenant-colonel, colonel, général de brigade, général de division, sous-directeur, inspecteur général… tous y vont de leur signature plus ou moins élégante. J'imagine le circuit de ces documents dans les couloirs et les méandres de l'administration militaire, cela devait prendre des semaines !

Un regret toutefois, après la lecture de ce dossier : je sais finalement peu de choses du parcours géographique de mon ancêtre Achille Maitreau. Dans quelles villes de garnison a-t-il séjourné et pendant combien de temps ? Il y a bien quelques pistes au bas de certains documents, établis à Strasbourg, à Paris, à Marseille ou à Pau, mais il va me falloir lancer d'autres recherches (je pense notamment aux annuaires militaires et aux historiques des régiments). La généalogie est une histoire sans fin…

lundi 30 décembre 2013

Retour au Service historique de la Défense


Quatre semaines après une première visite destinée à effectuer les formalités d'inscription, j'ai honoré mon rendez-vous. C'était un lundi, jour où le SHD est ouvert de 13 heures à 17 heures. Je me présente avec ma carte plastifiée toute neuve, mes feuilles volantes, mon crayon et mon appareil photo. Le préposé à l'entrée de la "salle des références" m'inscrit sur la feuille de présence et me fait gentiment les honneurs de la salle de lecture, m'indiquant tout ce que j'ai le droit de faire et de ne pas faire.

Ça y est, je peux enfin réclamer le dossier de mon arrière-grand-père Achille Maitreau au comptoir et prendre place à l'une des grandes tables de lecture. Enfer et damnation ! Le nom figurant sur le dossier n'est pas le bon ! Je retourne au guichet en croisant les doigts, surtout ne pas s'énerver, cela fait rarement avancer les choses. C'est une simple erreur de numéro et ce n'est pas moi qui l'ai commise, le personnel derrière le comptoir s'affaire, téléphone, me demande de patienter un quart d'heure, peut-être ai-je envie de boire un café ? Bon, ne vous méprenez pas, si je réponds oui, il me faudra quitter la salle et chercher la machine à café, je ne suis pas sûre qu'il y en ait une dans les parages.

Je garde à l'esprit qu'il s'est écoulé quatre semaines entre la commande du dossier et le jour de consultation et que l'une des raisons avancées pour un tel délai tient au fait que toutes les archives du SHD ne sont pas stockées sur place, à Vincennes. Faudra-t-il patienter quatre longues semaines supplémentaires avant de pouvoir enfin poser les yeux sur des feuilles jaunies, mais ô combien importantes pour moi ?

Je me réfugie dans la salle des références, où je feuillette un ou deux livres mis à la disposition des visiteurs, style "les archives militaires, mode d'emploi". Quand j'estime suffisant le temps écoulé, je tente ma chance une deuxième fois au comptoir des retraits et là, alléluia, j'ai enfin dans les mains le bon dossier.

Dossier Achille Maitreau

Je m'installe en bout de table, près d'une des grandes baies vitrées pour bénéficier au maximum de la lumière du jour, en ce lundi de décembre superbement ensoleillé, et je passe en mode "généalogiste affairé". D'abord faire la liste des documents, une quinzaine représentant vingt-sept pages au total, dont certaines me semblent prometteuses. Ensuite photographier toutes les pièces, sans flash bien sûr, mais il y a suffisamment de lumière, et même de grandes tables à disposition sous les fenêtres en cas de besoin. Enfin entamer une lecture minutieuse, avec prise de notes, un oeil sur la montre car la salle ferme à 17 heures, et le temps passe vite quand on est plongé dans un dossier.

Je termine la transcription de toutes les feuilles qui m'intéressent pile à l'instant où la présidente de salle entame le tour des tables pour annoncer la fermeture dans dix minutes. Je rassemble mes notes, referme soigneusement le dossier et le rapporte au comptoir. Si j'avais voulu, j'aurais pu demander qu'il soit mis de côté pour une nouvelle consultation le lendemain, mais ce n'est pas la peine, j'en ai fait le tour.

Alors, qu'y ai-je trouvé d'intéressant ? Plusieurs copies de l'acte de naissance d'Achille Maitreau, des états de services permettant de reconstituer toute sa carrière militaire, avec les dates de promotion à chaque grade, les campagnes et les blessures, un rapport au ministre de la guerre sur sa demande de permission de mariage, le certificat et le contrat de mariage, un document de la main de mon arrière-grand-père sur sa situation militaire depuis le début de la guerre de 1870 jusqu'à la fin de la Commune, enfin divers documents relatifs à sa pension de retraite. Bref, du grain à moudre, j'y reviendrai dans un prochain billet.

Une chose est sûre, cette journée au SHD sera suivie de plusieurs autres, ne serait-ce que pour en savoir davantage sur les régiments dans lesquels mon arrière-grand-père a servi, sur les uniformes et sur les décorations qu'il a portés, sur les campagnes auxquelles il a participé. L'année qui vient s'annonce généalogiquement prometteuse !

lundi 23 décembre 2013

Un nouveau curé au Louroux-Béconnais


La lecture assidue des registres paroissiaux permet de mesurer la place de la religion dans la vie quotidienne de nos ancêtres sous l'Ancien Régime.

Les cérémonies se succèdent : les mariages, en novembre, en janvier et en février notamment, parfois plusieurs le même jour, les baptêmes au rythme des naissances fort nombreuses pour chaque couple, les enterrements au rythme des accidents, des maladies et des épidémies… Sans compter les fiançailles, qui doivent bien faire l'objet d'une cérémonie particulière, puisqu'elles sont parfois mentionnées dans les actes de mariage.

Je n'oublie pas non plus les sacrements de pénitence et d'eucharistie aux promis, l'extrême-onction aux mourants, la première communion des adolescents, les grandes messes paroissiales, la visite de l'évêque, les processions, les fêtes carillonnées, le baptême d'une nouvelle cloche, la bénédiction d'un nouveau pont sur la rivière, que sais-je… bref, le clergé ne chôme pas et il en rend parfois compte dans les registres.

Je suis d'ailleurs encore surprise par le nombre de religieux dans le moindre bourg : curé, vicaires, chapelains, prieurs, prêtres habitués ou succursaires, diacres… Sans compter le personnel auxiliaire, sacristains, marguilliers, sacristes de peine. L'occasion d'enrichir au passage son vocabulaire !

Statue de Saint Aubin, dans l'église du Louroux-Béconnais
Archives personnelles

Mais je ne m'étais jamais posé la question : que se passe-t-il lorsqu'un curé entre en fonction dans sa nouvelle paroisse ? J'ai trouvé un début de réponse dans les registres du Louroux-Béconnais (on écrivait à l'époque "le Loroux" ou "le Loroux Béconnois"), dans l'actuel département du Maine-et-Loire, sur la route qui mène d'Angers à Chateaubriant.

Pour vous donner une idée, Le village comptait 340 feux, soit environ 1 535 habitants, vers 1720. Une quarantaine d'années auparavant, en 1678, messire François de Landevy, curé en titre de l'église du Louroux dédiée à Saint Aubin, "résigne" (nous savons maintenant que les ecclésiastiques ne démissionnent pas, n'est-ce pas ?). René Serezin lui succède.

Le nouveau venu aime le respect des procédures, à n'en point douter. Qu'on en juge : il fait rédiger par le vicaire Pierre Voisinne un acte de prise de possession de la cure et de la paroisse ! Ce dernier, qui n'est pas avare de détails, nous narre par le menu la cérémonie. René Serezin, "revestu de la robbe, surplis, estolle et bonnet quarré", pénètre dans l'église, asperge les assistants d'eau bénite, s'agenouille devant le crucifix, pose les lèvres sur l'autel, ouvre le missel  et l'Évangile et en donne lecture, prend place dans le chœur, inspecte le ciboire et les fonts baptismaux, sonne les cloches et déclare enfin prendre possession "personnellement, réellement et actuellement" de la cure du Loroux. Le tout devant un parterre de témoins composé de prêtres et de notables, dont maître Bonaventure Fourmy, notaire de la baronnie de Bécon. Les témoins apposent leur signature au bas de l'acte. La cérémonie a lieu le samedi qui précède la Pâque de 1679, un premier avril (sans y voir pour autant malice, je pense).

Il semble que l'acte en question ait été lu le lendemain, au cours de la grande messe paroissiale, comme le précise encore Pierre Voisinne.

Je m'interroge sur ce formalisme. Y a-t-il eu contestation ou chicane ? D'après le compte-rendu, le curé précédent, François de Landevy, s'efface devant son cousin, René Serezin, à l'automne 1678, le jour de la Saint-François, ce qui pourrait correspondre au 4 octobre. Le visa de l'évêque d'Angers ne parviendra que le 27 mars suivant. Simple lenteur administrative ou autre raison ?

Je me demande également pourquoi François de Landevy passe la main. Lassitude ? Problème de santé ? Sa signature n'apparaît nulle part, au bas des actes, dans les mois ni même les années qui précèdent, mais il ne rendra l'âme que sept ans plus tard, à l'âge de soixante ans environ. Il sera enterré dans le chœur de l'église, devant le grand autel, le 15 août 1685.

Volonté du nouveau curé d'asseoir son autorité sur les prêtres de la paroisse, après des années d'absence ou de laxisme de la part de son prédécesseur ? À l'examen attentif des registres durant toute la période où François de Landevy a été curé en titre (depuis 1652, si j'en crois le Dictionnaire historique de Célestin Port), on peut se poser la question. Le curé n'apparaît que de façon épisodique et ne signe que rarement, laissant la part belle à ses vicaires successifs. Certains actes ne comportent aucune signature, des registres ont disparu, bref, il flotte sur ces documents comme un parfum de négligence.

René Serezin s'emploiera d'ailleurs à y mettre bon ordre, achetant des registres sur ses propres deniers, recopiant ou faisant recopier les actes, établissant des tables alphabétiques : je vous ai déjà narré tout cela dans un précédent billet(1).

Mais je ne voudrais pas non plus interpréter de façon abusive ces quelques paragraphes sur lesquels je suis tombée au détour d'une page. Peut-être semblable cérémonie a-t-elle lieu, sans pour autant être mentionnée, à chaque changement de curé. Et vous, avez-vous fait semblables découvertes ?

(1) Voir le billet du 2 décembre dernier "Qui a égaré les registres ?"

lundi 16 décembre 2013

Dernier bilan avant les fêtes


En cette période de l'Avent, les généablogueurs font le point sur leur année généalogique, suivant en cela les suggestions de Sophie Boudarel : permettez-moi d'en faire autant.

Deux pistes de réflexion pour ce billet :
  • Mes recherches proprement dites,
  • Mes résolutions, prises en décembre dernier, pour l'année 2013.

Source Icon Archive


Difficile de mesurer les progrès accomplis dans mes recherches généalogiques sur les douze derniers mois, car je n'avais pas fait de bilan comparable l'année dernière à la même époque.

Disons simplement que j'ai aujourd'hui 645 ascendants directs identifiés, dont 8 à la quatorzième génération, ce qui nous emmène quand même à la toute fin du XVIe siècle, à l'époque des Valois. C'est peu et c'est beaucoup. Je m'explique : lorsque j'ai entamé la consultation des registres paroissiaux, je n'imaginais pas remonter si vite et si loin, mais, restons modestes, cela ne représente guère que 4 % de mes 16 382 ancêtres potentiels sur quatorze générations !

Chiffre que je n'atteindrai d'ailleurs jamais, pour de multiples raisons dont celle-ci : je ne connais que 14 de mes arrière-arrière-grands-parents ; en effet, sous la Monarchie de Juillet, du temps où Louis-Philippe était roi des Français, Madeleine Laubret et Elisabeth Marie Letourneau donnèrent le jour, l'une à Salbris et l'autre à Château-Gontier, à des enfants naturels de père inconnu. Cela réduit déjà sensiblement le champ des possibles.

Mais soyons positifs : j'ai identifié 100 % de mes aïeux identifiables sur les six premières générations (56 individus au lieu de 64, donc), 90 % de la septième génération et près de 80 % de la huitième.

Si je voulais établir un classement de mes AAGP au vu des membres de leur lignée ascendante figurant dans ma base de données, le podium serait le suivant :
  • Jeanne Pinier, largement en tête avec 169 ancêtres, dont une certaine Perrine Ermouin, née vers 1568, qui est à ce jour ma plus lointaine ancêtre identifiée,
  • L'époux de Jeanne Pinier, Jean Baptiste Troussier, second avec 84 ancêtres, dont un couple qui célébra son mariage en février 1616,
  • Elisabeth Marie Letourneau, encore elle, troisième avec 78 ancêtres.

Les branches les plus fournies se situent sans surprise dans les départements du Maine-et-Loire et de la Mayenne, où les archives sont particulièrement accessibles de longue date. A contrario, certaines branches ne sont guère développées, soit parce que les départements concernés n'ont toujours pas mis leur état-civil en ligne (regard appuyé en direction des Hautes-Pyrénées et du Gers), soit parce que les registres ne sont pas parvenus jusqu'à nous (là, je fais allusion à Husson, dans l'extrême sud de la Manche, un peu plus de 200 habitants aujourd'hui, mais quatre fois plus au temps de la Révolution).

En tout état de cause, je ne me pose pas en "collectionneuse d'ancêtres". Je préfère approfondir mes connaissances sur chaque couple, leurs métiers, leurs enfants, les lieux où ils ont vécu, les événements auxquels ils ont été confrontés… il m'arrive même de faire des recherches non seulement sur les témoins nommés dans les actes, mais également sur le curé ou sur le maire du village ! Une forme de sérendipité, qui conduit parfois à des trouvailles inattendues.

Passons maintenant aux résolutions prises pour l'année 2013. Rappelez-vous, je vous en avais fait part le 31 décembre dernier, sous le titre "La procrastination, ça suffit" (bon, vous aviez peut-être la tête ailleurs à ce moment-là).

Je n'ai pas encore fait d'incursion à la librairie de la Voûte, ce n'était pas le plus urgent, mais je n'ai pas pour autant manqué de lecture cette année, loin de là. Il faudra que je vous raconte cela un jour.

Je n'ai malheureusement pas remis les pieds au Centre d'accueil et de recherche des Archives nationales, le fameux CARAN, depuis une première visite, au cours d'un atelier sur les archives notariales en… mai 2012 ? Bigre, c'est à mettre en tête de liste pour 2014 ! Ceci fera l'objet d'un autre billet.

Je n'ai pas eu non plus l'opportunité d'aller aux Archives départementales du Maine-et-Loire, afin de vérifier si l'un de mes ancêtres Maitreau avait acquis des biens nationaux, sous la Révolution (comme je l'en ai soupçonné, à partir d'une simple mention dans le Dictionnaire historique de Célestin Port). Vaste sujet, là aussi, d'autant que ce même François Maitreau est décédé de mort violente en 1794. Autre récit en perspective !

Cette année, j'ai donné la priorité aux Archives de Paris et à mes ancêtres normands, venus s'installer dans la capitale vers le milieu du XIXe siècle : les bobines de microfilms pour l'état civil reconstitué et pour le Bottin, les registres de catholicité, les registres matricules… j'ai bien débroussaillé le terrain, même s'il reste encore des documents à examiner. Les déclarations de succession, par exemple.

Et puis, résonnez trompettes, j'ai franchi la porte du Service historique de la Défense ! Où je dois retourner très prochainement, pour consulter enfin les dossiers de mes ancêtres militaires. J'espère que le résultat sera à la hauteur de mes attentes, ce dont je ne manquerai pas de vous faire part.

Bref, la procrastination n'est pas tout à fait vaincue, mais mon naturel optimiste m'incline à penser que cette année fut plutôt positive sur le plan généalogique. Suffisamment, en tous cas, pour alimenter régulièrement ce blog. Et je ne vous ai rien dit des rencontres amicales, sur la toile ou dans la vraie vie, qui l'ont agrémentée !