Mon grand-père paternel, le premier de mes ancêtres à être
né à Paris, a vu le jour en 1865, en plein cœur du deuxième arrondissement, au
numéro 74 de la rue de Richelieu.
Curieusement, aucune entrée d'immeuble ne porte plus ce
numéro aujourd'hui. La consultation des plans parcellaires sur le site des
Archives de Paris révèle un bâtiment d'angle qui porte à la fois le
numéro 74 côté rue de Richelieu et le numéro 8 côté rue du
Quatre-Septembre, où est désormais située son unique entrée.
Plan parcellaire quartier Vivienne, détail Source : Archives de Paris, PP 11870/B |
Que s'est-il passé ? Le deuxième arrondissement, comme
de nombreux autres quartiers de Paris, a subi d'importantes transformations
sous le Second Empire : percement de l'avenue de l'Opéra, du boulevard de
Sébastopol, de la rue de Turbigo, de la rue Réaumur et de la rue du
Quatre-Septembre (selon les dénominations d'aujourd'hui), création du square
Louvois, importants travaux sur le site de la Bibliothèque nationale,
élargissement des voies existantes… Opérations qui entraînèrent la démolition
de nombreux bâtiments et la disparition d'innombrables petites rues aux noms
parfois plus poétiques, mais aux logements souvent insalubres. La maison où
habitaient mes arrière-grands-parents en 1865 n'a pas survécu aux aménagements
du baron Haussmann !
Charles Marville, rue de Richelieu, vers 1866 Source : vergue.com |
Mon arrière-grand-père, venu de Normandie avec deux de ses
frères pour exercer la profession de peintre en bâtiment dans la capitale,
avait déjà connu plusieurs domiciles, rue des Amandiers Saint-Jacques et rue
Saint-Jacques dans Paris intra muros, puis rue Feutrier et une mystérieuse rue
des Acacias à Montmartre, avant de s'installer rue de Richelieu. Il fut donc
contraint de déménager une nouvelle fois. En 1869, lorsqu'il est témoin au
mariage de l'une de ses nièces à la mairie du 18e arrondissement, il
est domicilié rue Saint-Maur, dans le 10e.
Toutefois, il revient ensuite dans le quartier Vivienne. En
1876, lors du troisième mariage de son frère aîné, il est désormais domicilié
8, rue du Quatre-Septembre, quasiment au même endroit que précédemment, ce qui
m'avait induite en erreur, avant que je ne me penche plus attentivement sur la
question.
Le nouveau bâtiment est un immeuble de rapport qui appartient
à un certain Charles Louis Sophie Tabouis. Deux boutiques occupent le
rez-de-chaussée. Au dessus de l'entresol, qui abrite le logement du concierge
et des locaux destinés à des entreprises, s'élèvent quatre étages
"carrés", un cinquième mansardé et un sixième sous les combles.
Balcons courant le long de la façade au premier et au quatrième au-dessus de
l'entresol, typiques de l'esprit haussmannien.
D'après le calepin des propriétés bâties, les appartements
des trois premiers étages comprennent au moins cinq pièces, une cuisine et un
"cabinet d'aisances". Cinq fenêtres donnent sur la rue du Quatre-Septembre
et deux sur la rue de Richelieu. Le quatrième et le cinquième comprennent des
appartements plus petits et des chambres indépendantes avec cheminée. Le
sixième sous les combles est occupé par cinq chambres de domestiques.
Les commerces ont varié au fil du temps : cordonnier,
magasin de chaussures, marchand de tissus, magasin de curiosités, changeur de
monnaie, marchand de vins, chapelier…
Les professions des locataires sont également représentatives
du quartier : passementier, couturier sur mesure pour les particuliers,
marchand tailleur, fabricant de corsets, libraire, modiste, fabricant de fleurs
artificielles. En effet, à l'époque, les activités qui prévalent dans le
quartier Vivienne, proche de celui du Sentier, sont le commerce des tissus, la
passementerie et les fournitures pour l'ameublement.
Difficile de connaître avec précision où étaient logés mes
arrière-grands-parents et leur fils dans cet immeuble, car leur nom n'apparaît
pas dans la liste des locataires successifs. Un indice, toutefois : lors
de son décès en 1905, la mère de Frédéric Chancé, Madeleine Laubret, alors âgée
de soixante-neuf ans, est qualifiée de concierge. Occupait-elle avec son mari
la loge située à l'entresol ? C'est une hypothèse.
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