lundi 4 mars 2019

Derrière les façades haussmanniennes

Mon grand-père paternel, le premier de mes ancêtres à être né à Paris, a vu le jour en 1865, en plein cœur du deuxième arrondissement, au numéro 74 de la rue de Richelieu.

Curieusement, aucune entrée d'immeuble ne porte plus ce numéro aujourd'hui. La consultation des plans parcellaires sur le site des Archives de Paris révèle un bâtiment d'angle qui porte à la fois le numéro 74 côté rue de Richelieu et le numéro 8 côté rue du Quatre-Septembre, où est désormais située son unique entrée.

Plan parcellaire quartier Vivienne, détail
Source : Archives de Paris, PP 11870/B

Que s'est-il passé ? Le deuxième arrondissement, comme de nombreux autres quartiers de Paris, a subi d'importantes transformations sous le Second Empire : percement de l'avenue de l'Opéra, du boulevard de Sébastopol, de la rue de Turbigo, de la rue Réaumur et de la rue du Quatre-Septembre (selon les dénominations d'aujourd'hui), création du square Louvois, importants travaux sur le site de la Bibliothèque nationale, élargissement des voies existantes… Opérations qui entraînèrent la démolition de nombreux bâtiments et la disparition d'innombrables petites rues aux noms parfois plus poétiques, mais aux logements souvent insalubres. La maison où habitaient mes arrière-grands-parents en 1865 n'a pas survécu aux aménagements du baron Haussmann !

Charles Marville, rue de Richelieu, vers 1866
Source : vergue.com

Mon arrière-grand-père, venu de Normandie avec deux de ses frères pour exercer la profession de peintre en bâtiment dans la capitale, avait déjà connu plusieurs domiciles, rue des Amandiers Saint-Jacques et rue Saint-Jacques dans Paris intra muros, puis rue Feutrier et une mystérieuse rue des Acacias à Montmartre, avant de s'installer rue de Richelieu. Il fut donc contraint de déménager une nouvelle fois. En 1869, lorsqu'il est témoin au mariage de l'une de ses nièces à la mairie du 18e arrondissement, il est domicilié rue Saint-Maur, dans le 10e.

Toutefois, il revient ensuite dans le quartier Vivienne. En 1876, lors du troisième mariage de son frère aîné, il est désormais domicilié 8, rue du Quatre-Septembre, quasiment au même endroit que précédemment, ce qui m'avait induite en erreur, avant que je ne me penche plus attentivement sur la question.

Le nouveau bâtiment est un immeuble de rapport qui appartient à un certain Charles Louis Sophie Tabouis. Deux boutiques occupent le rez-de-chaussée. Au dessus de l'entresol, qui abrite le logement du concierge et des locaux destinés à des entreprises, s'élèvent quatre étages "carrés", un cinquième mansardé et un sixième sous les combles. Balcons courant le long de la façade au premier et au quatrième au-dessus de l'entresol, typiques de l'esprit haussmannien.

D'après le calepin des propriétés bâties, les appartements des trois premiers étages comprennent au moins cinq pièces, une cuisine et un "cabinet d'aisances". Cinq fenêtres donnent sur la rue du Quatre-Septembre et deux sur la rue de Richelieu. Le quatrième et le cinquième comprennent des appartements plus petits et des chambres indépendantes avec cheminée. Le sixième sous les combles est occupé par cinq chambres de domestiques.

Les commerces ont varié au fil du temps : cordonnier, magasin de chaussures, marchand de tissus, magasin de curiosités, changeur de monnaie, marchand de vins, chapelier…

Les professions des locataires sont également représentatives du quartier : passementier, couturier sur mesure pour les particuliers, marchand tailleur, fabricant de corsets, libraire, modiste, fabricant de fleurs artificielles. En effet, à l'époque, les activités qui prévalent dans le quartier Vivienne, proche de celui du Sentier, sont le commerce des tissus, la passementerie et les fournitures pour l'ameublement.


Difficile de connaître avec précision où étaient logés mes arrière-grands-parents et leur fils dans cet immeuble, car leur nom n'apparaît pas dans la liste des locataires successifs. Un indice, toutefois : lors de son décès en 1905, la mère de Frédéric Chancé, Madeleine Laubret, alors âgée de soixante-neuf ans, est qualifiée de concierge. Occupait-elle avec son mari la loge située à l'entresol ? C'est une hypothèse.

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