"Charles Joseph
Demedina, écrivain, âgé de quarante-six ans" : je l'ai rencontré
pour la première fois dans l'acte de naissance de mon
arrière-arrière-grand-mère Elisabeth Marie Letourneau, où il figure comme
deuxième témoin, en octobre 1826.
Il a intrigué la généalogiste débutante que j'étais alors (j'ai
créé sa fiche dans Heredis en juin 2009, un mois à peine après ma propre
fiche). Son patronyme, tout d'abord, inattendu à Château-Gontier, ville de cinq
à six mille habitants à l'époque, située sur les bords de la Mayenne, au sud du
département du même nom. Sa profession, ensuite, qui n'a pas manqué de me
titiller.
Je le retrouve dans une dizaine d'événements concernant mes
ancêtres et leurs alliés, naissances, mariages, décès, toujours en dernière
position parmi les témoins.
Signature de Charles Joseph Demedina en 1816 |
Une lecture plus attentive des registres de l'état civil éclaire
assez vite ce deuxième point. La signature du sieur Demedina apparaît
fréquemment au pied des actes, jusqu'à figurer quasiment sur chaque feuillet,
pour s'interrompre brusquement après le 10 juin 1827. L'explication m'est
donnée quelques pages plus loin, dans son acte de décès, daté du
29 juin : il était secrétaire de mairie ! Écrivain, c'est-à-dire
scribe(1), qui n'a sans doute jamais rédigé autre chose que des formules inlassablement
répétées au fil des documents officiels. Et qui jouait les utilités, lorsque
les parties concernées peinaient à atteindre le nombre de témoins
réglementaire.
Restait le patronyme, qui sonne ibérique, ce qui me paraît peu
courant dans cette région au XIXe siècle. J'ai naturellement voulu
en savoir davantage. Pourtant Charles Joseph est bien né à Château-Gontier, Le
17 février 1780, et il a été baptisé le lendemain en l'église Saint-Jean-Baptiste.
Le père, prénommé également Charles Joseph, signe "Charles de Medina".
Jusque là, rien de particulier.
Le mariage des parents va m'en apprendre davantage. L'acte
occupe une page et demie dans le registre de la paroisse Saint-Jean-Baptiste.
Si Marie Tommerie (Marie Hyacinthe Jeanne Tommerie, selon son acte de baptême)
est originaire de Château-Gontier, où elle est née en 1747, il n'en va pas de
même pour le futur époux, qui ce jour-là signe "Carlos Joseph de
Medina". Avec une pointe d'accent dans la voix, sans doute.
Un certificat de don Bernard Joseph de Mendoza, curé de
l'église Saint-Laurent, dans la ville de Cadix(2),
située à l'extrême sud de l'Andalousie, sur la côte atlantique, atteste du
consentement des parents de Charles Joseph : il s'agit de Jean Ignace de
Medina, apothicaire, et de Jeanne Tournier, cette dernière manifestement
d'origine française.
Le document, rédigé le 5 février 1778, traduit de
l'espagnol en français, est passé entre les mains du chancelier du consulat de
France à Cadix, du consul général de France en Andalousie et de l'évêque
d'Angers, pour parvenir enfin à Château-Gontier, où le mariage est finalement célébré
le 12 mai suivant. Le tout scrupuleusement décrit par le vicaire de
Saint-Jean-Baptiste.
Le secrétaire de mairie avait bien des origines espagnoles,
comme son patronyme le laissait supposer.
Le père, qualifié de marchand dans les différents actes, est
pour sa part cité dans le Bulletin de la
commission historique et archéologique de la Mayenne(3) :
il faisait partie des officiers municipaux qui siégeaient au conseil général de
la commune de Château-Gontier en 1794 et qui avaient à statuer sur
l'obstination des Augustines, infirmières de l'hôpital Saint-Julien, à refuser
de prêter serment à la Constitution. Mais ceci est une autre histoire…
(1) C'est ainsi qu'il est qualifié dans l'acte de mariage, lorsqu'il épouse Jeanne
Anne Rigot, en juin 1800, à la mairie de Château-Gontier.
(2) Wikipédia indique qu'une importante communauté française résidait à Cadix au
XVIIe et au XVIIIe siècles, lorsque la ville était le
port d'attache des navires qui drainaient les richesses du continent américain.
(3) Bulletin de la commission historique et archéologique
de la Mayenne, 2e série, tome 38, 1922, p.310.
A propos d'attaches ibères et de littérature, j'ai entendu dire que, dans la famille, on appelait José-Maria de Heredia "Oncle Pépito". Aurais-tu des infos à ce sujet ?
RépondreSupprimerAucune ! Une piste à creuser ?
SupprimerLe terme témoin-utilité me plait, on a cette impression parfois
RépondreSupprimerFanny-Nésida