Comme vous le savez, les registres paroissiaux recèlent
parfois quelques pépites. En voici une.
Source : AD Manche |
Le 18 juillet 1781, un ecclésiastique, Jean François Le
Pegot, qui semble avoir occupé une place importante au sein du diocèse de
Coutances(1), fait une donation à la modeste paroisse
de Notre-Dame-du-Touchet, dans l'actuel département de la Manche. Les deux
feuillets sur lesquels sont retranscrits l'acte de donation et son acceptation
sont intercalés entre l'année 1781 et l'année 1782.
De quoi s'agit-il ? D'un calice et d'une patène en
vermeil(2), accompagnés de deux pintons en argent
(autrefois dorés, est-il précisé). Douze ans de scolarité dans un établissement
confessionnel me permettent de savoir que le calice et la patène sont l'un une
sorte de coupe et l'autre une sorte de plat qui occupent une place centrale
dans la célébration de la messe, au moment de l'offertoire et de la
consécration du pain et du vin ; mais les pintons ? J'ai cherché en
vain dans les différents dictionnaires à ma disposition, y compris un
"Dictionnaire des mots rares et précieux". Pas le moindre pinton.
Il ne m'a pas échappé que la pinte est une ancienne unité de
mesure de capacité pour les liquides, de l'ordre de 0,93 litre à Paris (ce
qui est largement supérieur à la pinte anglaise). J'en déduis que les pintons
en question, au nombre de deux, sont peut-être des burettes, ces deux flacons
contenant le vin et l'eau, utilisés à plusieurs reprises au cours de la messe.
L'ecclésiastique précise le poids des objets précieux :
cinq marcs deux onces pour le calice et la patène, un marc quatre onces et
quatre gros pour les pintons. L'occasion de réviser les anciennes mesures de
poids. Un marc équivaut à 244,75 grammes, une once à 30,594 grammes
et un gros à 3,8 grammes. En d'autres termes, il faut huit gros pour
faire une once et huit onces pour faire un marc. L'ensemble de la donation
représente donc environ 1,7 kilo de vermeil et d'argent.
Pourquoi une telle donation ? Il s'agit d'honorer la
mémoire de René Charles Le Pegot, frère du donateur, et de René Michel Libor,
leur neveu commun, qui furent tous deux curés de la paroisse de
Notre-Dame-du-Touchet au cours du XVIIIe siècle. Le premier a été
inhumé dans le chœur de l'église en août 1753 et le second en février 1761,
soit plus de vingt ans auparavant.
Jean François Le Pegot avait précédemment remis les objets
en question à un autre de ses neveux, Louis François Libor, curé de
Saint-Romphaire, et ils lui avaient été retournés à la mort de ce dernier,
survenue en mai 1778. Dans l'acte de donation, Jean François Le Pegot souhaite
que l'on se souvienne également de ses parents, inhumés dans l'église du
Touchet, et de lui-même "et avant et après (son) décès".
À ce stade, j'ai éprouvé le besoin de faire un tour sur
GeneaNet. J'y ai trouvé une certaine Esther Le Pegot, sans doute la sœur de
notre généreux donateur. De son union avec le sieur Guillaume René Libor sont
nés de nombreux enfants, dont deux au moins, René Michel né en 1718 et Louis
François né en 1720, furent ordonnés prêtres. À la génération suivante, un
certain Guillaume Jean Baptiste Libor sera pour sa part maire de la commune de
Touchet.
Mais revenons à notre donateur. Il souhaite que le calice,
la patène et les pintons de métal précieux ne soient utilisés que pour les
fêtes solennelles et les grandes messes paroissiales, afin de mieux les
conserver. Il s'en remet "à la prudence et sage économie de messieurs
les curés".
Le 29 juillet 1781, le curé Guillaume Mauduit, le
vicaire Pierre Yver et nombre de notables de la paroisse, "assemblés au
son de la cloche à l'issue des Vespres",
acceptent la donation. Ils sont plus d'une vingtaine à signer le document, dont
un exemplaire figure dans le registre paroissial et un exemplaire est placé
dans le coffre de ce qu'ils appellent le "Thrésor"(3).
Je me demande simplement ce qu'il advint des objets de cette
donation et des intentions qui y étaient attachées, lorsque survint la
Révolution, quelques années plus tard.
(1) Il fut
notamment official du diocèse de Coutances pour le siège de Saint-Lô,
c'est-à-dire juge ecclésiastique délégué par l'évêque.
(2) Métal
précieux constitué d'argent recouvert d'or.
(3) Le texte
complet de l'acte figure dans les registres paroissiaux de
Notre-Dame-du-Touchet sous la cote suivante : 5MI 2035, vues 20 à 22/148.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Votre commentaire sera publié après approbation.