lundi 4 septembre 2017

Morts surprenantes à Aucun

1856, année terrible ? Pas moins de vingt-huit décès inscrits dans les registres d'Aucun, commune des Hautes-Pyrénées de 600 habitants environ à l'époque ! Vingt-huit décès, dont quatre Fourcade entre le 20 août et le 13 décembre.

Ces fameux registres viennent d'être mis en ligne sur le site des Archives départementales et je tentais d'y collecter des informations sur mes ancêtres. En pestant quelque peu car, si les registres paroissiaux s'arrêtent net en 1789, l'état civil ne commence qu'en l'an XI (septembre 1802), d'où un flou exaspérant sur toute la période de la Révolution.

Maisons anciennes à Aucun
Collection personnelle

Mais reprenons mes constatations sur la famille Fourcade : un nourrisson de trois mois à peine qui s'en va rejoindre les anges, c'est malheureusement chose banale en ce milieu du XIXe siècle. Une jeune fille de dix-sept ans, une femme de trente-sept ans, un homme de trente ans, marié depuis trois ans à peine, c'est déjà plus surprenant.

Intriguée, je jetai un œil sur les années précédentes et suivantes. Les naissances, les mariages et les décès sont inscrits dans des registres distincts et les actes sont numérotés, il est donc facile de se faire rapidement une idée. Eh bien, l'année 1856 sort incontestablement du lot : le nombre annuel des décès varie de six à quinze sur l'ensemble de la décennie, une douzaine en moyenne par an si l'on exclut cette fameuse année 1856.

Voyons cela de plus près.

Le registre de l'année 1856 comprend son lot de décès "ordinaires" : enfants en bas âge, femmes âgées, souvent veuves et qualifiées de ménagères, plus deux ou trois autres défunts qui n'attirent pas spécialement l'attention. Difficile de se faire une opinion, puisque les causes de la mort ne sont pas indiquées.

Les transcriptions de décès survenus hors de la commune, mais concernant des "enfants du pays", sont déjà plus inhabituelles. Le décès de Gabriel Cassadou, fusilier au 42e régiment d'infanterie de ligne, et celui de Jean Louis Belem, grenadier au 50e régiment d'infanterie de ligne, nous rappellent que les troupes françaises participèrent à la guerre de Crimée, du temps de Napoléon III : le premier est tué par un éclat de bombe au siège de Sébastopol le 8 septembre 1855, le second meurt de la typhoïde à l'hôpital de Kamiesch(1) quelques jours plus tard. Merci à l'administration militaire qui indique la cause du décès dans les actes qu'elle rédige.

Faut-il compter au nombre des victimes de cette guerre Jean Menvielle, fusilier au 12e régiment d'infanterie de ligne, décédé à l'hôpital civil de Tarbes le 16 novembre 1856 ? Rien n'est moins sûr, il faudrait étudier l'historique de ce régiment pour en avoir le cœur net. Je n'en sais pas davantage sur Gabriel Allégrette, qualifié d'ex-menuisier (!), décédé à trente-et-un ans dans un hôpital maritime à Brest, fort loin de ses Pyrénées natales.

Plus original, le décès de Dominique Lacrampe, vingt-cinq ans, passager à bord du trois mâts Armand Rose André, parti de Bordeaux à destination de Buenos Aires. Son acte fut rédigé le 7 avril 1855 par le commandant "étant à la mer par 0°10' latitude nord et 25°50' longitude ouest" ! L'occasion de rappeler que nombre de Basques, de Béarnais et de Bigourdans ont migré vers l'Amérique latine ; le phénomène était ancien, mais il s'est intensifié au cours du XIXe siècle.

J'ai gardé pour la fin le décès de Michel Chinet, vingt-trois ans, "militaire en congé (…) décédé en la maison de ses père et mère" le 3 juillet 1856. Bien sûr, l'acte n'indique pas les causes de la mort. Alors peut-être avait-il contracté sous les drapeaux quelque maladie contagieuse. Cela pourrait expliquer cette surprenante succession de décès au cours du deuxième semestre de l'année 1856…



(1) Baie formée par la mer Noire près de Sébastopol, où les troupes françaises s'établirent et créèrent un port fortifié, nous dit Wikipédia.

4 commentaires:

  1. Ta curiosité habituelle t'a mise sur la piste de décès plus nombreux qu'à l'accoutumée dans un petit village, ceci grâce à des registres BMS séparés, ce qui est rarement le cas dans les régions où je fais mes recherches. Une chance que tu as su exploiter aussitôt. Mais en fin de compte, comment savoir de quoi sont morts tous ces gens dans la force de l'âge ? N'y a-t-il pas des limites à ce que nous pouvons découvrir dans les siècles passés ? C'est un peu décourageant.

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    1. Ce ne sont pas les BMS mais les NMD et, en principe ceux-ci sont séparés.

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  2. Jean-Pierre MACHIO IRISARRI8 septembre 2017 à 14:28

    Bonjour Dominique, ces faits me rappellent mes recherches généalogiques réalisées en 1996 et 1997 au village natal de ma mère, à Villanueva de Yerri, Navarre, Espagne. Mon arrière-grand-père maternel, né le 11.12.1856, fut baptisé le jour-même, ainsi qu'une fillette, au domicile en présence d'un médecin et "sub condicione". Or j'appris plus tard qu'il y avait eut une épidémie de choléra dans la région et qui fit de nombreuses victimes. La 2ème guerre carliste avait ensanglanté la région de 1847 à 1849. Je pus également consulter les registres civils à la mairie commune à 19 des 21 villages de la vallée. Et je découvris qu'en 1885 il y eut une nouvelle épidémie de choléra qui fit en septembre et en 6 jours 15 victimes au village, 12 adultes et 3 enfants, dont un frère aîné (2 ans) de mon grand-père qui lui avait à peine 6 mois. A l'époque, les causes des décès étaient pour la plupart mentionnées. Il y eut d'autres victimes dans les villages alentour. Détail curieux: la 3ème guerre carliste (1872-1876) avait sévi dans la région, avec 3 batailles importantes dans la vallée, dont la plus sanglante à 5 km du village. J'ai pensé aussi que le choléra avait pu être provoqué par l'eau des puits. Beaucoup de maisons au village, dont celle du grand-père, en possédaient. Cordialement.

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