lundi 12 septembre 2016

Le dernier enfant de Philbert

Toujours en train d'examiner les rameaux et les feuilles de cette branche Chardon qui ne manque pas de piquant, je reviens aujourd'hui sur Philbert Charles.

Baptisé le 4 novembre 1741 à Meslay-du-Maine, il est le dernier né de la fratrie issue du couple formé en 1715 par Pierre Chardon et son épouse Renée Besnier. Je note au passage que celle-ci devait être d'une santé particulièrement robuste puisque, après avoir mis au monde treize enfants (cinq garçons et huit filles) durant les vingt-cinq premières années de son mariage, elle survécut trente-quatre ans à son époux et décéda à l'âge fort avancé de quatre-vingt-quatre ans, le 1er août 1780, entourée de l'affection des siens.

Carte générale de la France établie sous la direction de César François Cassini de Thury
Feuille n°97 Détail Source Gallica

Philbert est d'abord qualifié de garçon serger, puis bientôt de marchand, dans cette région du Maine réputée pour le travail de la laine. Il a sans doute bénéficié d'une certaine éducation, puis qu'il signe d'une main ferme "Philberth Chardron" ou "Ph Chardron", selon les époques. C'est en effet à cette génération que s'est effectué le glissement du patronyme de Chardon à Chardron, allez savoir pourquoi !


En janvier 1769, à l'âge de vingt-sept ans, Philbert épouse la fille d'un menuisier de La Cropte, Marie Briceau. Elle va lui donner dix enfants (deux garçons et huit filles) de décembre 1769 à mars 1787, au rythme d'un tous les deux ans, avant de décéder à quarante-et-un ans, le 7 août 1787, cinq mois après la naissance de la petite dernière, prénommée Félicité !

Je pensais que la liste des enfants de Philbert s'arrêtait là. Lorsqu'il décède à cinquante-trois ans, le 24 août 1795, il est indiqué qu'il est veuf de Marie Briceau. Aucune nouvelle épouse n'est citée dans l'acte de décès rédigé par l'officier public.

Aussi quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris sur Geneanet qu'un petit Joseph, né le 6 fructidor an II, autrement dit le 23 août 1794, lui était aussi attribué.

La naissance est déclarée par une sage-femme, qui se présente à la maison commune de Meslay escortée de deux témoins, Jacques Gary, closier à Brûlon, et Jeanne Foucault, domestique. Le texte est sans ambiguïté :

"… laquelle m'a déclaré que Jeanne Coulleard, veuve de défunt Jean Baptiste Nicolas Chamaillard, est accouchée à une heure après midy dans la maison de sa belle sœur dans le bourg d'un enfant mâle non légitime d'entre Philibert Chardron et elle, l'adoptant pour leur héritier auquel ils ont donné le prénom de Joseph…"

Philbert, présent, signe au bas de l'acte. Coquin certes, mais il assume !

Alors, qui est donc cette Jeanne Coulleard ? Née le 1er juin 1751 à la Bazouge-de-Chemeré, à deux lieues environ de Meslay-du-Maine, fille de Pierre Coulleard des Forges, maître chirurgien, elle épouse à vingt-et-un ans Jean Nicolas Chamaillard, maître tanneur. Dans l'acte de mariage, elle est appelée Jeanne Mathurine Coulleard des Loges. Parmi les témoins, Guillaume Chamaillard, contrôleur des actes à Ambrières, Philippe Lenain, notaire royal à Meslay, Pierre Coulleard des Forges, marchand, son frère, et quantité de signatures, dont celle de la mariée, sur le registre. Bref, rien que du beau linge !

Le couple demeure à Meslay-du-Maine, où Jeanne donne naissance à neuf enfants de mai 1773 à mai 1785. À chaque baptême, parrain et marraine signent au bas de l'acte : oncles et tantes, cousins, frères et sœurs germains (le père a plusieurs enfants issus d'un premier mariage). Nous sommes manifestement dans une famille de notables.

Jean Baptiste Nicolas Silvestre François Martin Chamaillard (puisque telle est la liste des prénoms sur son acte de baptême) rend son âme à Dieu le 18 août 1787, à l'âge de cinquante-et-un ans. Son corps est porté en terre deux jours plus tard dans le cimetière de Meslay, en présence de ses parents et alliés, deux notaires, des bourgeois, des marchands… L'enterrement eut lieu douze jours après celui de Marie Briceau, l'épouse de Philbert Chardron.

Celui-ci profita-t-il des troubles liés à la Révolution pour circonvenir Jeanne Coulleard ? Nul ne le saura sans doute jamais. Toujours est-il que la veuve ne fut manifestement pas insensible à ses avances, puisqu'en août 1794, à l'âge de quarante-trois ans, elle donna naissance au petit Joseph. Dans la maison de sa belle-sœur, nous disent la sage-femme et l'officier de l'état civil, sans autre précision, hélas.

Philbert Chardron, qui a reconnu sa paternité, a la mauvaise idée de décéder un an plus tard. Jeanne Coulleard manifesta sa solide constitution en lui survivant durant plusieurs décennies, avant de décéder à son tour, en son domicile de Meslay-du-Maine, le 31 décembre 1838 ! Elle avait alors quatre-vingt-sept ans et sept mois.


Mais qu'advint-il de l'enfant, ce petit Joseph Chardron ? Dans quelle famille a-t-il grandi, qui a pris en charge son éducation, quel métier a-t-il exercé ? A-t-il seulement survécu aux dangers de l'enfance et aux troubles de la Révolution ? J'ai à ce jour vainement cherché sa trace dans les registres.

5 commentaires:

  1. Une histoire bien racontée, avec des déductions pertinentes qui se dégagent des indices récoltés au fil des registres. C'est un plaisir de te lire...

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  2. Comme tu racontes bien cette histoire ! Tu as dû être bien étonnée de la découvrir !

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  3. Bravo Dominique ! Toujours aussi bien raconté !

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  4. Bonjour, Je ne trouve pas comment vous contacter, à défaut je vous laisse un commentaire. Je suis tombé sur vos articles à propos de la famille Chancé. Marie Augustine Chancé figure aussi dans mon arbre, car c'est la nièce de mon ancêtre par sa mère. J'ai donc moi aussi des origines à Notre Dame du Touchet. A priori je ne vois pas de lien de parenté évident, mais qui sait... J'ai une ancêtre Andrée Chancé mais étant née avant 1663 je n'ai pas d'infos sur ses parents. Au plaisir de vous lire.
    ancetresvospapiers.wordpress.com

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  5. Bonjour, mon plus ancien ancêtre Chancé identifié s'appelait Jean, époux de Marie Bohineut, si j'en crois l'acte de mariage de leur fils Michel avec Martine Seguin au Touchet en 1688.
    Vous pouvez me contacter par mail : dominique.chadal@gmail.com

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