Nous sommes en juillet 1914. Par ses visées expansionnistes,
par son militarisme forcené, le Kaiser est alors considéré au mieux comme un
adversaire de la France, au pire comme un fauteur de guerre. Par deux fois
déjà, en 1905 à Tanger, en 1911 à Agadir, Guillaume II a contrecarré la
politique menée par le ministre Théophile Delcassé au Maroc. Et maintenant, il
pousse l'Autriche-Hongrie à attaquer la Serbie, après le double attentat qui a
coûté la vie à l'archiduc François-Ferdinand et à son épouse à Sarajevo…
Et puis la France n'a-t-elle pas une revanche à prendre sur
l'Allemagne ? Son territoire n'a-t-il pas été amputé des deux départements
alsaciens et de la Moselle, après le désastre de 1870 ?
J'ignore si ma grand-mère Julia lisait les journaux, mais je
suis sûre que le Kaiser alimentait les conversations de son entourage. La Belle
Époque s'achevait, on entendait déjà le bruit des armes et Julia avait quatre
frères, tous plus jeunes qu'elle, qui risquaient fort d'être appelés sous les
drapeaux.
Permettez-moi de les évoquer brièvement ici.
Joseph Fourcade, tout
d'abord. Né en janvier 1884 à Pau, il a effectué en son temps son service
militaire au 15e régiment de dragons à Libourne. Il a trente ans
lorsqu'il est rappelé à l'activité par le décret de mobilisation générale. Il
sera affecté au 118e régiment d'artillerie lourde en décembre 1915.
Sa fiche-matricule nous apprend qu'il fut blessé par son
cheval en mettant pied à terre. La blessure entraîna une paralysie radiale
gauche partielle. Renvoyé dans ses foyers en juin 1917, il fut réformé et reçut
une pension pour invalidité de 20%, puis de 30%.
Il reprendra la chemiserie paternelle, à l'angle de la rue
des Arts et de la rue qui n'allait plus tarder à s'appeler la rue du Maréchal
Foch.
Jean Fourcade,
ensuite. Né en octobre 1889, il a effectué deux ans de service militaire au 18e
régiment d'infanterie à Pau, de 1910 à 1912. Il a vingt-quatre ans au moment de
la mobilisation générale et ne retournera à la vie civile que cinq ans plus
tard, le 2 août 1919.
Intoxiqué par gaz ypérite le 22 avril 1918 à Tricot
(Oise), il séjourna plus d'un mois à l'hôpital avant de rejoindre le front. Une
citation pour mission parfaitement accomplie en septembre 1918. Croix de guerre
avec étoile de bronze.
En 1919, il reprendra sa profession de chemisier, qu'il
exercera au n°3 de la rue Henri IV, à Pau.
Joseph et Jean Fourcade Archives personnelles |
Théodore Fourcade,
troisième frère de Julia. Né en juin 1894, architecte résidant à Paris, il a
tout juste vingt ans lorsque la guerre éclate. D'abord "ajourné pour faiblesse" lors du
conseil de révision, il est néanmoins reconnu bon pour le service armé en
octobre 1914. Incorporé au 144e régiment d'infanterie en décembre de
la même année, il est finalement réformé en mai 1915 "pour bronchite suspecte".
Il reprendra ses activités d'architecte à Paris.
Henri Fourcade,
enfin. Né en juillet 1899, il a perdu sa mère très jeune et fut en partie élevé
par sa sœur Julia. Il a quinze ans à peine au moment de la mobilisation
générale et ne participera pas au conflit.
Après des études d'ingénieur à Paris, il s'installera à
Tarbes.
Théodore et Jean Fourcade Archives personnelles |
Julia pouvait enfin respirer : le Kaiser ne lui avait
pris aucun de ses frères, mais deux d'entre eux en garderaient néanmoins des séquelles
leur vie durant.
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