J'ai déjà évoqué les deux aînés du couple formé par Maurice
Maitreau et Julia Fourcade, Suzanne et Paul, qui firent leur première communion
dans l'église de Goès le 17 août 1913. Ils avaient alors respectivement onze et
dix ans.
Il est temps maintenant d'évoquer les jumelles, nées quatre
mois avant cette cérémonie. Marie-Thérèse et Geneviève ont vu le jour le 19
avril 1913 à Lons, à proximité de Pau, dans une propriété baptisée Auteuil-Longchamp, située sur la route
de Bordeaux. Le couple habitait Oloron, mais je suppose que ma grand-mère s'installa
dans sa famille lorsque l'accouchement fut proche. À ma connaissance, les
naissances de ses enfants furent toutes déclarées à Pau ou à Lons.
Marie-Thérèse et Geneviève Maitreau Archives personnelles |
J'ai très peu de photos des jumelles, à peine six ou sept,
dont certaines en très mauvais état. La plus ancienne, au format carte postale,
est évidemment celle où les deux bébés assis dans leur landau sourient à
l'objectif (comme ils savent tous le faire maintenant, depuis que nous avons en
permanence un i-bidule dans la poche).
Vient ensuite une série de quatre photos aux teintes sépia,
prises en septembre 1917, d'après les informations à demi effacées inscrites au
dos. Les deux sœurs ont alors quatre ans et demi. Elles sont toutes deux vêtues
d'une robe blanche, avec des chaussettes qui montent à mi-mollet et des
bottines de cuir blanc. À califourchon sur un tronc d'arbre en guise de
balançoire, assises en plein air dans des fauteuils d'enfant en osier ou
juchées sur un socle qui attend toujours sa statue : il y manque la
géolocalisation, mais ce socle de pierre me permet d'affirmer que les photos
ont été prises à Bagatelle, la maison
de famille devenue mythique aujourd'hui, parce qu'un jour elle fut livrée aux
promoteurs immobiliers.
Archives personnelles |
Ma mère arbore un nœud dans ses longs cheveux blonds,
Geneviève (à qui je ressemblais davantage au même âge) a les cheveux châtains
coupés plus courts, sans ruban. Des caractères différents, qui commençaient
déjà à s'affirmer ? comment savoir ?
Les deux dernières photos ont manifestement été prises par
un photographe professionnel. La première montre les deux petites filles, dans
les mêmes robes blanches, avec le même nœud dans les cheveux, entourant leur
sœur aînée Suzanne, déjà presque une jeune fille dans sa robe sombre. Il s'agit
d'un tirage au format carte postale, avec emplacement pour l'adresse et la
correspondance au dos, comme cela se pratiquait à cette époque de culture
écrite.
Suzanne et les deux jumelles Archives personnelles |
Enfin, j'ai déjà évoqué dans un précédent billet la photo,
plus ancienne que la précédente à mon avis, où Julia pose avec ses quatre
enfants dans le studio d'un photographe.
L'histoire des jumelles allait brusquement s'interrompre en
1918 : une annonce dans la presse locale informe que les obsèques de
Geneviève Maitreau, cinq ans et demi, auraient lieu le mardi 22 octobre.
"On se réunira à l'église St-Joseph,
avenue de Bordeaux, à 2 heures ½. En raison des circonstances actuelles,
il ne sera pas envoyé de lettres de faire part." La guerre touchait à
sa fin, mais l'armistice n'était pas encore signé.
Je n'ai aucune certitude sur le sujet, mais il est
vraisemblable que, selon la tradition familiale, la sœur jumelle de ma mère fut
victime de la grippe espagnole.
L'épidémie extraordinairement contagieuse, qui avait
commencé à se manifester dès le printemps 1918, touchant en priorité les jeunes
adultes, connut un premier pic en juin aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis,
avant de redoubler de violence précisément en octobre 1918. La mortalité était
de dix à trente fois supérieure à celle des épidémies habituelles et elle était
principalement due aux complications pulmonaires (surinfections bronchiques et
pneumonies chez les sujets affaiblis par le virus).
L'épidémie, ou plutôt la pandémie en raison de son amplitude
mondiale, marqua durablement les esprits. En l'absence de statistiques fiables,
les spécialistes ont du mal à s'entendre sur les chiffres, mais ils estiment
que la moitié de la population mondiale de l'époque fut contaminée et que le
nombre des morts dépassa les cinquante millions ! Une sorte de peste
moderne, plus meurtrière encore, parce qu'impossible à circonscrire, compte
tenu du développement des moyens de transport et des déplacements transcontinentaux.
Marie-Thérèse et sa petite soeur Jacqueline Archives personnelles |
Bel article et bel hommage à cette jumelle partie trop tôt... Merci pour le partage.
RépondreSupprimerElise
En effet, difficile d'imaginer ce manque qu'elle a certainement vécu toute sa vie durant.
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