mercredi 11 juin 2014

J comme jumelles

J'ai déjà évoqué les deux aînés du couple formé par Maurice Maitreau et Julia Fourcade, Suzanne et Paul, qui firent leur première communion dans l'église de Goès le 17 août 1913. Ils avaient alors respectivement onze et dix ans.

Il est temps maintenant d'évoquer les jumelles, nées quatre mois avant cette cérémonie. Marie-Thérèse et Geneviève ont vu le jour le 19 avril 1913 à Lons, à proximité de Pau, dans une propriété baptisée Auteuil-Longchamp, située sur la route de Bordeaux. Le couple habitait Oloron, mais je suppose que ma grand-mère s'installa dans sa famille lorsque l'accouchement fut proche. À ma connaissance, les naissances de ses enfants furent toutes déclarées à Pau ou à Lons.

Marie-Thérèse et Geneviève Maitreau
Archives personnelles

J'ai très peu de photos des jumelles, à peine six ou sept, dont certaines en très mauvais état. La plus ancienne, au format carte postale, est évidemment celle où les deux bébés assis dans leur landau sourient à l'objectif (comme ils savent tous le faire maintenant, depuis que nous avons en permanence un i-bidule dans la poche).

Vient ensuite une série de quatre photos aux teintes sépia, prises en septembre 1917, d'après les informations à demi effacées inscrites au dos. Les deux sœurs ont alors quatre ans et demi. Elles sont toutes deux vêtues d'une robe blanche, avec des chaussettes qui montent à mi-mollet et des bottines de cuir blanc. À califourchon sur un tronc d'arbre en guise de balançoire, assises en plein air dans des fauteuils d'enfant en osier ou juchées sur un socle qui attend toujours sa statue : il y manque la géolocalisation, mais ce socle de pierre me permet d'affirmer que les photos ont été prises à Bagatelle, la maison de famille devenue mythique aujourd'hui, parce qu'un jour elle fut livrée aux promoteurs immobiliers.

Archives personnelles

Ma mère arbore un nœud dans ses longs cheveux blonds, Geneviève (à qui je ressemblais davantage au même âge) a les cheveux châtains coupés plus courts, sans ruban. Des caractères différents, qui commençaient déjà à s'affirmer ? comment savoir ?

Les deux dernières photos ont manifestement été prises par un photographe professionnel. La première montre les deux petites filles, dans les mêmes robes blanches, avec le même nœud dans les cheveux, entourant leur sœur aînée Suzanne, déjà presque une jeune fille dans sa robe sombre. Il s'agit d'un tirage au format carte postale, avec emplacement pour l'adresse et la correspondance au dos, comme cela se pratiquait à cette époque de culture écrite.

Suzanne et les deux jumelles
Archives personnelles

Enfin, j'ai déjà évoqué dans un précédent billet la photo, plus ancienne que la précédente à mon avis, où Julia pose avec ses quatre enfants dans le studio d'un photographe.

L'histoire des jumelles allait brusquement s'interrompre en 1918 : une annonce dans la presse locale informe que les obsèques de Geneviève Maitreau, cinq ans et demi, auraient lieu le mardi 22 octobre. "On se réunira à l'église St-Joseph, avenue de Bordeaux, à 2 heures ½. En raison des circonstances actuelles, il ne sera pas envoyé de lettres de faire part." La guerre touchait à sa fin, mais l'armistice n'était pas encore signé.


Je n'ai aucune certitude sur le sujet, mais il est vraisemblable que, selon la tradition familiale, la sœur jumelle de ma mère fut victime de la grippe espagnole.

L'épidémie extraordinairement contagieuse, qui avait commencé à se manifester dès le printemps 1918, touchant en priorité les jeunes adultes, connut un premier pic en juin aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis, avant de redoubler de violence précisément en octobre 1918. La mortalité était de dix à trente fois supérieure à celle des épidémies habituelles et elle était principalement due aux complications pulmonaires (surinfections bronchiques et pneumonies chez les sujets affaiblis par le virus).

L'épidémie, ou plutôt la pandémie en raison de son amplitude mondiale, marqua durablement les esprits. En l'absence de statistiques fiables, les spécialistes ont du mal à s'entendre sur les chiffres, mais ils estiment que la moitié de la population mondiale de l'époque fut contaminée et que le nombre des morts dépassa les cinquante millions ! Une sorte de peste moderne, plus meurtrière encore, parce qu'impossible à circonscrire, compte tenu du développement des moyens de transport et des déplacements transcontinentaux.

 Je suis incapable d'imaginer le vide que dut ressentir ma mère, du fait de la perte de sa sœur jumelle, mais je sais qu'elle reporta très vite toute son affection sur sa plus jeune sœur, Jacqueline, née le 1er juillet 1918. La dernière de la fratrie, qui allait aussi se révéler la plus fantasque !

Marie-Thérèse et sa petite soeur Jacqueline
Archives personnelles

2 commentaires:

  1. Bel article et bel hommage à cette jumelle partie trop tôt... Merci pour le partage.
    Elise

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  2. En effet, difficile d'imaginer ce manque qu'elle a certainement vécu toute sa vie durant.

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