lundi 25 septembre 2017

Une paroisse sous la Révolution (2)

C'est en 1793 que la vie se compliqua à Aucun, commune rurale des Hautes-Pyrénées. Le bourg était fort éloigné de la capitale, de même que des grandes métropoles régionales, mais il n'en était pas moins soumis aux lois votées par la Convention.

Or celle-ci décréta la levée en masse de 300 000 hommes le 24 février 1793. Les frontières étaient menacées par la Coalition des puissances européennes qui voyaient d'un fort mauvais œil cette République, qui plus est régicide, chercher à exporter ses idées révolutionnaires et prétendre libérer les autres peuples du joug des souverains.

Les soldats de l'An II

L'enrôlement dans les armées de la République était réparti sur les 83 départements que comptait alors la nation. J'ignore combien d'hommes les Hautes-Pyrénées devaient mobiliser. Le Directoire du district d'Argelès(1) était pour sa part chargé d'en recruter 800 et avait fixé à 13 hommes le contingent à fournir par la commune d'Aucun.

Soldat de plomb exposé au Musée de l'Armée
La Convention tablait sur des volontaires. Ces derniers se firent néanmoins un peu tirer l'oreille, tout au moins dans la commune qui nous intéresse, car le greffier s'y reprit à deux fois pour rédiger l'acte du 18 mars 1793. Aucun nom n'était inscrit sur le registre ouvert à cette intention trois jours auparavant et il fallut proclamer une nouvelle fois le texte de la loi.

Sept gaillards s'étant finalement présentés dans l'église Saint-Félix où se tenait l'assemblée, la question se posa pour la désignation des six autres : scrutin ou tirage au sort ? L'assemblée opta pour le vote et six noms furent ajoutés à la liste. Était-ce la meilleure méthode ? Ce n'est pas certain.

L'entrée en scène du procureur de la commune

Il s'appelle Jean Massot, est originaire du bourg voisin d'Arrens, un peu plus haut dans la vallée et a épousé une jeune femme d'Aucun l'année précédente. Le 9 décembre 1792, lors du renouvellement de la municipalité, il a été élu procureur(2) à l'unanimité des cinquante votants et devient automatiquement agent national à la fin de l'année 1793, en vertu d'un décret de la Convention du 14 frimaire an II (4 décembre 1793).

D'après le Dictionnaire de la Révolution française(3), les agents nationaux sont des personnages craints par la population. Chargés de la surveillance de l'application des lois, ils exercent leur contrôle aussi bien sur les particuliers que sur les autorités constituées. En d'autres temps et d'autres lieux, on les aurait sans doute appelés inquisiteurs ou commissaires politiques…

Et Jean Massot semble prendre son rôle très au sérieux, car le registre des actes communaux est bientôt rempli de ses requêtes qui, toutes, commencent ainsi : "Nous Massot procureur de la commune d'Aucun je requiers les maire et officiers municipaux d'Aucun…"

J'en compte neuf pour le second semestre de l'année 1793 et une quinzaine l'année suivante. Ses obsessions ? Traquer les déserteurs, débusquer les hommes qui ont abattu l'arbre de la liberté, démasquer les citoyens suspects, démonter la cloche de l'église, abattre le clocher… Je reviendrai sur ces deux derniers points dans un prochain billet.

Après avoir fait montre d'une infatigable virulence pendant dix-sept mois, Jean Massot remet néanmoins sa démission d'agent national le 16 novembre 1794. Quelques mois à peine avant que l'institution ne soit supprimée sur l'ensemble du territoire. Avait-il senti le vent tourner ? Peut-être. En tout cas, il préférait désormais occuper le poste d'assesseur du juge de paix du canton.

Les réquisitions vues depuis Aucun

Les exigences de la République perturbèrent donc plusieurs années durant la vie de cette petite commune rurale, réveillant sans doute de vieilles rancunes et en attisant de nouvelles, au point que Pierre Pujos, accusé d'avoir communiqué des listes au Directoire du district, démissionna de son poste de maire le 10 juillet 1793, avant de reprendre sa décision !

La lecture des actes communaux inscrits dans le registre révèle en filigrane les contraintes imposées aux habitants d'Aucun : injonctions répétées aux hommes de rejoindre leurs drapeaux, rappel des sanctions encourues par les fuyards et les déserteurs, inventaire des fusils "de munition et de chasse", réquisition des chevaux, des équipements et de l'avoine, désignation de commissaires pour recenser les conscrits malades revenus dans leur famille, production de certificats de santé, évocation du "haut mal ou mal caduc" (l'épilepsie) qui rend les hommes impropres à tout exercice militaire… des témoins sont mis à contribution.

Le 21 mars 1796 par exemple, c'est le défilé devant Pierre Balencie, élu agent municipal quelques mois auparavant : appelés à comparaître, Jean Espouès, Dominique Lacrampe, Paul Gourgue et plusieurs autres déclarent qu'ils sont sans nouvelle de leurs fils ou de leurs frères depuis que ceux-ci ont reçu leur feuille de route ; d'autres indiquent que les leurs sont réquisitionnés "aux forges d'Angosse pour la fabrication du fer" ; l'un d'eux précise que son fils est mort "au service de la République".

La fourniture de salpêtre

Autre grande affaire ! Tout commence par un ordre rédigé en ces termes le 30 mai 1794 : "Nous Jean Massot de la commune d'Aucun agent national, je requiers les maire et officiers municipaux du même lieu de mettre en exécution le décret relatif à l'extraction du salpêtre et de requérir les entrepreneurs de l'atelier pour le dit salpêtre de ne négliger rien qui soit utile pour le bien de la République française une et indivisible."

De quoi s'agit-il ? D'un composant indispensable dans la fabrication de la poudre noire, utilisée pour les fusils et les canons de l'époque. Produit stratégique, donc.

Les dépôts de salpêtre se forment dans un environnement humide, riche en ammoniac, comme les étables et les écuries. La décomposition du fumier, mélangé à de la paille et de la cendre de bois, fournit un liquide,  la lessive salpêtrée, qui est ensuite filtré et séché pour obtenir les cristaux de nitrate de potassium.

Mais les citoyens d'Aucun préfèrent transporter la fameuse lessive à Argelès en l'état, plutôt que de se lancer dans les opérations d'évaporation et ils le font savoir début juillet 1794. L'affaire doit quelque peu traîner ensuite, car ils se font rappeler à l'ordre le 12 août suivant.

Puis, petit à petit, l'agitation qui avait saisi l'administration municipale semble se calmer. Le nombre d'actes inscrits chaque année dans les registres diminue singulièrement. À partir de 1799, les sujets abordés ne relèvent plus que de questions strictement locales : pacage des animaux sur les biens communaux, nomination de gardes champêtres, évaluation des travaux à entreprendre sur le territoire de la commune, examen des comptes de la municipalité.

Alexis Fourcade, mon ancêtre direct, élu agent municipal (l'équivalent du maire) en mars 1798, ne signera que deux actes relatifs aux affaires militaires : l'affichage d'une loi relative aux déserteurs et la publication de la loi du 3 vendémiaire an VII (24 septembre 1798) appelant 200 000 hommes au service militaire.

La tempête est passée, laissant certainement des traces dans les esprits…



(1) Il s'agit bien entendu d'Argelès-Gazost, situé à une dizaine de kilomètres d'Aucun.

 (2) Magistrat élu chargé de défendre les intérêts de la communauté.

(3) Toutes les informations sur cette période de l'histoire de France sont tirées de l'ouvrage suivant : J. Tulard, J.-F. Fayard, A. Fierro, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française, Éditions Robert Laffont, collection Bouquins, 1987, 1998, 1223 pages, ISBN 978-2-221-08850-0

lundi 18 septembre 2017

Une paroisse sous la Révolution (1)

En ce 27 janvier 1790, les habitants de la communauté d'Aucun sont réunis pour élire leur maire, leurs officiers municipaux et désigner les notables qui, tous ensemble, formeront le premier conseil général de la commune.

Ils n'ont pas traîné, le décret qui vient d'instaurer les municipalités date du 12 novembre 1789.

Environs d'Aucun
Source Gallica, Extrait de la carte générale de la France n°108
établie sous la direction de C. F. Cassini de Thury

Jusque là, Aucun était gérée par quatre consuls. Mais la procédure ne doit guère surprendre les habitants de cette paroisse du val d'Azun : il y a une dizaine de mois déjà, ces mêmes consuls les avaient convoqués pour coucher sur le papier leurs doléances. C'était le 28 mars 1789 et ils avaient demandé au sieur Balencie, sans doute parce qu'il avait la plus belle écriture et qu'il savait le mieux traduire leurs volontés, de leur servir de secrétaire. C'est lui qui rédigea les quatre feuillets à transmettre aux députés de l'assemblée provinciale.

Le cahier de doléances

Un document en deux parties (selon un plan encore enseigné dans certaines grandes écoles, me semble-t-il) : tout d'abord les doléances, au nombre de quatre, puis les vœux, plus détaillés, avec onze occurrences soigneusement numérotées.

Le préambule indique les raisons de la convocation et contient la liste des participants : plus de soixante-dix chefs de famille ; la conclusion précise le nombre de copies et leur destination. Suivent les signatures, environ deux douzaines, nettement moins nombreuses donc que les participants. N'oublions pas que nous sommes dans une modeste paroisse de la montagne pyrénéenne, essentiellement rurale.

Le cahier de doléances est accessible en ligne sur le site des Archives départementales des Hautes-Pyrénées(1), si vous voulez en apprendre davantage sur cette communauté. Comme partout ailleurs dans le royaume de France, les habitants d'Aucun se plaignent du poids de la fiscalité, des lenteurs de la justice et des dépenses contraintes et ils réclament plus d'équité entre les différents ordres qui structurent la société sous l'Ancien Régime.

Je note au passage qu'Alexis Fourcade Ors, mon ancêtre à la septième génération, figure en tête de la liste des participants, juste après les consuls : est-il le plus riche, ou le plus influent, ou tout simplement le plus prompt à s'exprimer ? Celui qui parle le plus fort, peut-être ? Il a alors un peu plus de trente ans. Héritier de tous les biens de ses parents en tant que fils aîné, il a épousé une dizaine d'années auparavant l'héritière de la maison Ors. Le couple dispose donc de biens fonciers, ce qui confère une indubitable autorité au chef de famille.

Quelques lignes plus loin dans le cahier de doléances, je trouve un certain Alexandre Fourcade, dont j'ignore les liens éventuels avec mes ancêtres, puis Jacques Fourcade, vraisemblablement le père d'Alexis, sexagénaire.

Le Conseil général d'Aucun

Mais revenons à ce jour de janvier 1790 où s'est constituée l'administration de la commune. Le procès-verbal est rédigé par le même Balencie, qui fait ici office de greffier : il est doté d'une fine écriture, remarquablement lisible, et ne semble pas trop fâché avec l'orthographe, contrairement à certains de ses successeurs. Bref, un vrai bonheur.

La municipalité est élue par les citoyens actifs : autrement dit, les hommes de plus de vingt-cinq ans, habitant la commune depuis plus d'un an, payant un impôt direct au moins égal à trois journées de salaire d'un ouvrier et n'ayant connu ni banqueroute ni faillite(2). Comme l'année précédente, lors de la rédaction du cahier de doléances, ils sont environ soixante-dix à faire entendre leur voix.

Signatures au bas de l'acte de nomination de la municipalité d'Aucun
Source AD Hautes-Pyrénées, Registre des actes communaux 1683-1861 vue 55/292 

Ces citoyens actifs élisent un maire et cinq autres officiers municipaux, ce qui veut dire que la population de la commune est comprise entre 500 et 3 000 habitants(3). Les premiers élus s'appellent André Cazajoux (maire), Jean Vendome, Gabriel Lascomes, Pierre Ouzero Cazaux, Pierre Lahorgue et Jean Martinas Belem. Leur mandat est de deux ans, avec un renouvellement par moitié chaque année.

Le sieur Joseph Berot est pour sa part nommé procureur de la commune : chargé de défendre les intérêts de la communauté, il assistera aux réunions du conseil municipal sans pour autant pouvoir prendre part au vote des résolutions.

Enfin, douze notables (c'est l'appellation officielle) viennent compléter ce conseil général, au premier rang desquels figure Alexis Fourcade Ors !

La prestation de serment

Nous en sommes aux prémices de la Révolution. Une fois les résultats proclamés, les nouveaux élus prêtent serment devant la communauté "de maintenir de tous leurs pouvoirs la Constitution du Royaume, d'être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi et de bien remplir leurs fonctions chacun pour ce qui le concerne".

Le texte variera au fil des ans, jusqu'à cette farouche formulation de 1797 : "Je prête le serment de haine à la Royauté et à l'anarchie, d'attachement et de fidélité à la République et à la Constitution de l'an III", mais nous n'en sommes pas encore là !

Les premières mesures

Il semble que les deux premières années, 1790 et 1791, se soient déroulées à Aucun sans trop d'incidents ni d'embûches, du moins si je me fie aux actes inscrits dans le registre communal. Ces actes sont d'ailleurs peu nombreux, moins d'une dizaine : nominations de "gardes bois", division du territoire de la commune en sections, premiers renouvellements des officiers municipaux…

Seul le serment civique imposé au sieur Pierre Montauban, archiprêtre et curé de l'église Saint-Félix, et à son vicaire Lassalle Bazaillac aurait pu être à l'origine de troubles divers. Mais la prestation qui se déroula à l'issue de la messe paroissiale, le dimanche 23 janvier 1791, s'effectua apparemment sans encombre.

Les années à venir allaient être nettement plus agitées…




(1) Archives départementales des Hautes-Pyrénées, Aucun, sélectionner Cahier de doléances dans la colonne de droite.

(2) Toutes les informations sur cette période de l'histoire de France sont tirées de l'ouvrage suivant : J. Tulard, J.-F. Fayard, A. Fierro, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française, Éditions Robert Laffont, collection Bouquins, 1987, 1998, 1223 pages, ISBN 978-2-221-08850-0

(3) 746 habitants à Aucun en 1793, selon Wikipédia

lundi 11 septembre 2017

Rendez-vous manqué

Les archives départementales des Hautes-Pyrénées nous ont fait languir, mais les documents actuellement disponibles en ligne s'avèrent fort intéressants. Par exemple, ce registre des actes communaux d'Aucun qui couvre presque deux siècles, de 1683 à 1861.

L'ordre chronologique n'est pas rigoureusement respecté et il semble comporter des lacunes, mais sa consultation n'en demeure pas moins passionnante. À ce jour, je me suis concentrée sur la période révolutionnaire : quatre-vingt feuillets, du 27 janvier 1790 au 8 messidor an XIII (27 juin 1805).

AD 65 Registre des délibérations d'Aucun
45 E dépôt 32 vue 54/292

Une première lecture permet de saisir la vie d'une modeste commune, à l'écart des grands centres urbains, mais néanmoins impliquée dans les bouleversements politiques de l'époque : nomination des officiers municipaux, prestation de serment des prêtres, choix des hommes à fournir pour le contingent, candidatures d'instituteurs, liste des enfants à scolariser, désignation de gardes champêtres, répartition des charges communales, secours aux indigents… les sujets ne manquent pas.

Au fil des pages, des noms apparaissent et de fortes personnalités se dessinent, des clans se forment. L'un de mes ancêtres, Alexis Fourcade Ors, occupe divers postes, notable, procureur, maire : des fonctions à décrypter, à l'aide du Dictionnaire de la Révolution française notamment.

Sans parler des anecdotes, plus ou moins cocasses, qui se succèdent : qui a osé faire tomber l'arbre de la liberté, planté le long du mur de la maison commune, hein ? des coupables sont dénoncés, mais ils demeurent introuvables, il faut bientôt faire appel à la garde nationale, perquisitionner les maisons et les granges…

Bref, j'ai du grain à moudre. Mais… une fâcheuse coupure de la connexion internet durant une pleine semaine a chamboulé mon plan de travail ! On apprend toujours de ses erreurs. J'ai donc téléchargé les pages qui m'intéressent, de façon à les pouvoir consulter tout à loisir hors connexion. Et à y dénicher quelques sujets.


Il vous faudra patienter au moins jusqu'à lundi prochain, donc.

lundi 4 septembre 2017

Morts surprenantes à Aucun

1856, année terrible ? Pas moins de vingt-huit décès inscrits dans les registres d'Aucun, commune des Hautes-Pyrénées de 600 habitants environ à l'époque ! Vingt-huit décès, dont quatre Fourcade entre le 20 août et le 13 décembre.

Ces fameux registres viennent d'être mis en ligne sur le site des Archives départementales et je tentais d'y collecter des informations sur mes ancêtres. En pestant quelque peu car, si les registres paroissiaux s'arrêtent net en 1789, l'état civil ne commence qu'en l'an XI (septembre 1802), d'où un flou exaspérant sur toute la période de la Révolution.

Maisons anciennes à Aucun
Collection personnelle

Mais reprenons mes constatations sur la famille Fourcade : un nourrisson de trois mois à peine qui s'en va rejoindre les anges, c'est malheureusement chose banale en ce milieu du XIXe siècle. Une jeune fille de dix-sept ans, une femme de trente-sept ans, un homme de trente ans, marié depuis trois ans à peine, c'est déjà plus surprenant.

Intriguée, je jetai un œil sur les années précédentes et suivantes. Les naissances, les mariages et les décès sont inscrits dans des registres distincts et les actes sont numérotés, il est donc facile de se faire rapidement une idée. Eh bien, l'année 1856 sort incontestablement du lot : le nombre annuel des décès varie de six à quinze sur l'ensemble de la décennie, une douzaine en moyenne par an si l'on exclut cette fameuse année 1856.

Voyons cela de plus près.

Le registre de l'année 1856 comprend son lot de décès "ordinaires" : enfants en bas âge, femmes âgées, souvent veuves et qualifiées de ménagères, plus deux ou trois autres défunts qui n'attirent pas spécialement l'attention. Difficile de se faire une opinion, puisque les causes de la mort ne sont pas indiquées.

Les transcriptions de décès survenus hors de la commune, mais concernant des "enfants du pays", sont déjà plus inhabituelles. Le décès de Gabriel Cassadou, fusilier au 42e régiment d'infanterie de ligne, et celui de Jean Louis Belem, grenadier au 50e régiment d'infanterie de ligne, nous rappellent que les troupes françaises participèrent à la guerre de Crimée, du temps de Napoléon III : le premier est tué par un éclat de bombe au siège de Sébastopol le 8 septembre 1855, le second meurt de la typhoïde à l'hôpital de Kamiesch(1) quelques jours plus tard. Merci à l'administration militaire qui indique la cause du décès dans les actes qu'elle rédige.

Faut-il compter au nombre des victimes de cette guerre Jean Menvielle, fusilier au 12e régiment d'infanterie de ligne, décédé à l'hôpital civil de Tarbes le 16 novembre 1856 ? Rien n'est moins sûr, il faudrait étudier l'historique de ce régiment pour en avoir le cœur net. Je n'en sais pas davantage sur Gabriel Allégrette, qualifié d'ex-menuisier (!), décédé à trente-et-un ans dans un hôpital maritime à Brest, fort loin de ses Pyrénées natales.

Plus original, le décès de Dominique Lacrampe, vingt-cinq ans, passager à bord du trois mâts Armand Rose André, parti de Bordeaux à destination de Buenos Aires. Son acte fut rédigé le 7 avril 1855 par le commandant "étant à la mer par 0°10' latitude nord et 25°50' longitude ouest" ! L'occasion de rappeler que nombre de Basques, de Béarnais et de Bigourdans ont migré vers l'Amérique latine ; le phénomène était ancien, mais il s'est intensifié au cours du XIXe siècle.

J'ai gardé pour la fin le décès de Michel Chinet, vingt-trois ans, "militaire en congé (…) décédé en la maison de ses père et mère" le 3 juillet 1856. Bien sûr, l'acte n'indique pas les causes de la mort. Alors peut-être avait-il contracté sous les drapeaux quelque maladie contagieuse. Cela pourrait expliquer cette surprenante succession de décès au cours du deuxième semestre de l'année 1856…



(1) Baie formée par la mer Noire près de Sébastopol, où les troupes françaises s'établirent et créèrent un port fortifié, nous dit Wikipédia.