lundi 30 avril 2018

Autre carte postale, autre anecdote

Je n'en ai pas terminé avec les cartes postales anciennes. Aujourd'hui, je vous propose celle-ci, adressée à mon grand-père maternel, Maurice Maitreau.

Collection personnelle

Côté illustration, l'image est de piètre qualité, mais elle nous présente la chaîne des Pyrénées, dominée par le pic du Midi d'Ossau, avec de belles propriétés disséminées dans la campagne au-delà du gave. Je reconnais au premier plan la balustrade qui borde le boulevard des Pyrénées, lieu de promenade favori des Palois depuis la Belle Époque, lorsque le soleil est au rendez-vous.

Collection personnelle

Côté texte, quelques banalités, néanmoins révélatrices de manières policées :

"Pontacq le 8.VII.35
Cher ami en relisant ici v/aimable carte du 1r juin je me demande si je vs en ai remercié ?? Accordez-moi donc votre indulgence si j'en ai besoin, en raison de toutes les allées et venues de ces temps derniers. Trouvez ici dans tous les cas l'assurance de mes sentiments très cordialement dévoués.
Gaston de Bataille"

Le nom ne m'est guère familier. Qu'à cela ne tienne, un détour par Geneanet me renvoie à une fiche matricule et à un dossier de la Légion d'honneur qui me permettent d'en apprendre davantage sur le correspondant de mon grand-père.

Il s'agit à n'en pas douter de Marie Vincent Eugène Gaston de Bataille-Furé. Né à Pontacq en 1876, il fut incorporé au 10e régiment de hussards en 1897, participa à la guerre de 1914-1918, au cours de laquelle il décrocha plusieurs citations, et fut versé dans la réserve en 1927. Bref, un militaire de carrière et, qui plus est, un cavalier.

Le document rédigé par le Ministère de la Guerre en juin 1939, à l'appui d'une proposition pour la promotion au grade d'officier de la Légion d'honneur, me permet de mieux comprendre les liens entre cette personne et mon grand-père : Gaston de Bataille était, entre autres activités(1), Président du Syndicat d'élevage hippique du Béarn et juge au départ de la Société des Steeple-Chases de France. Nous y voilà !

En 1935, Maurice Maitreau n'exerçait plus en tant que greffier auprès du tribunal d'Oloron-Sainte-Marie : il s'adonnait à sa passion pour les chevaux. Il avait notamment loué à cet usage une propriété appelée la Ronceraie, à Lardenne, dans les environs de Toulouse. C'est de cette époque que datent les photos où figurent les noms des chevaux (et parfois même celui de leurs ascendants), mais non pas ceux des cavaliers qui les montent !

Collection personnelle

J'ai également retrouvé dans les papiers de famille une carte d'entraîneur pour l'année 1936, au dos de laquelle sont indiquées les adresses de Lardenne et d'Oloron, et une carte de commissaire des courses de Pau, délivrée par la Fédération hippique du sud-ouest, pour les années 1938 et 1939.

Collection personnelle

Maurice Maitreau et Gaston de Bataille se sont donc vraisemblablement rencontrés au départ des courses, sur l'hippodrome du Pont-Long. Contrairement à la précédente(2), cette carte postale ne recèle aucun mystère, mais elle me permet néanmoins d'en apprendre un peu plus sur la vie de mon grand-père maternel.




(1) Gaston de Bataille fut également maire de Pontacq et conseiller général des Basses-Pyrénées.

lundi 23 avril 2018

Un modèle d'histoire familiale

Deux familles. Du côté paternel, des Juifs, chassés de Kiev par les pogroms, qui fuient vers Oran avant de s'installer à Marseille et d'y faire fortune dans la confection et le commerce des casquettes. Du côté maternel, des protestants alsaciens qui optent pour la France après la défaite de 1870 et s'installent à Paris, avant de déménager vers Marseille.

À chaque génération, les événements historiques interfèrent, parfois tragiquement, avec l'histoire familiale. Certaines questions demeurent sans réponse, mais cela aussi fait partie de l'histoire.

C'est, résumé en quelques mots, le thème du dernier ouvrage de Nathalie Heinich, Une histoire de France(1), paru en mars 2018 et présenté par François Busnel lors de son émission, La grande librairie, du 12 avril dernier.


La première partie, la plus fournie, nous conte l'histoire de la famille Benyoumoff, depuis l'ancêtre Jacob, né en Ukraine en 1852. La seconde partie s'intéresse à Geneviève, la mère de l'auteur, et remonte jusqu'à un certain Jean-Jacques Bolgert, né en Alsace au début du XIXe siècle. La troisième partie, la plus courte et peut-être la plus personnelle, nous parle de l'auteur.

Au fil des pages, le récit s'appuie sur de très nombreuses photos, des cartes postales et des documents divers. Nathalie Heinich, sociologue de formation, analyse ses origines, note au passage les comportements sociaux et n'hésite pas à faire appel à la littérature contemporaine pour mieux comprendre les pensées de ceux et celles qui l'ont précédée.

J'extrais cette citation de la postface :

"Pour rassembler des images, des noms propres, des dates, des anecdotes, des lettres, des extraits d'état-civil, il faut avoir le projet de faire quelque chose de ces données éparpillées entre une multiplicité d'archives et de mémoires individuelles, d'albums, d'institutions, voire de stèles retrouvées dans les allées d'un cimetière."

N'est-ce pas là l'objectif de tout généalogiste ? L'ouvrage de Nathalie Heinich nous en offre un exemple de belle manière.



(1) Nathalie Heinich, Une histoire de France, récit, Les Impressions nouvelles, 2018, 223 pages, ISBN 978-2-87449-592-2

lundi 16 avril 2018

Le mystère de la carte postale

Elle m'a été transmise avec d'autres papiers de famille et m'a longtemps intriguée, jusqu'à ce que je décide de l'analyser de façon plus méthodique.

Côté illustration, elle représente la Rabenplatz, autrement dit la place du Corbeau, à Strasbourg, au début du siècle dernier : deux tramways s'y croisent ; des hommes, la tête couverte d'un chapeau, et des femmes aux longues jupes marchent d'un pas vif sur les pavés. La cathédrale pointe son unique flèche derrière les toits.

Collection personnelle

Côté correspondance, elle a été rédigée il y a tout juste un siècle, en mai 1918 (j'y reviendrai), et commence par "Ma chère Julia". Pas de doute, il s'agit de ma grand-mère maternelle, même si la personne qui l'adresse à "Mme Paul Maitreau" confond l'époux, Maurice, et son fils Paul alors âgé de quinze ans.

Collection personnelle

"Notre voyage à Dugny a été moralement bien pénible".

Il s'agit vraisemblablement de Dugny-sur-Meuse, à moins de dix kilomètres au sud de Verdun. Cette proximité en fit le lieu de stationnement de nombreuses ambulances au cours de la Première Guerre mondiale.

"Hélas si jusqu'alors on pouvait vouloir toujours espérer voir revenir notre cher Henri, il n'y a plus d'espérance à avoir."

S'agirait-il d'Henri Lacabanne ? Prénommé Jean Marie Louis sur son acte de naissance mais toujours appelé Henri par sa famille, ses amis et connaissances, le capitaine Lacabanne(1) est décédé le 4 juin 1916 de blessures de guerre à l'ambulance 3/18 alors stationnée à Dugny, comme l'indique la fiche de Mort pour la France.

"J'ai beaucoup souffert" continue la personne qui a rédigé la carte postale, "mais sans le montrer à Jeanne dont je n'aurais pas voulu diminuer l'admirable courage. C'est vraiment une sainte que nous avons pour amie. Comme elle a dû souffrir. Entourez-la un peu le contre-coup sera certainement bien pénible."

Henri Lacabanne était un ami de longue date de mon grand-père Maurice Maitreau : je détiens plusieurs photos où j'identifie les deux jeunes gens, alors amateurs d'activités festives. Quelques années plus tard, Henri fut témoin au mariage de Maurice et de Julia ; c'était en novembre 1900. Il accompagna également mon grand-père à la mairie de Pau lorsque celui-ci déclara la naissance de ses deux aînés, Suzanne en 1902 et Paul en 1903.

L'épouse d'Henri Lacabanne, effectivement prénommée Jeanne, figurait également parmi les amies de ma grand-mère.

Mais continuons la lecture : "Embrassez pour moi votre gentille famille. Amitiés à Maurice. Bien à vous." Le tout signé "M. Perrineau".

Autre patronyme qui m'est familier, pour l'avoir entendu à maintes reprises lorsque ma mère et mes tantes évoquaient leurs souvenirs d'enfance. René Perrineau, horloger à Pau, accompagna Maurice Maitreau et Henri Lacabanne lors de la déclaration de naissance de Suzanne et de Paul ; il signa également l'acte de naissance de ma mère et de sa sœur jumelle.

Son épouse s'appelait Marguerite Labeyrie. C'est vraisemblablement elle qui rédigea et signa la carte postale qui m'intéresse aujourd'hui. J'ai recherché l'acte de mariage pour comparer les deux signatures : ce n'est pas probant, mais l'écriture a pu évoluer au cours des vingt années qui séparaient la mère de trois enfants de la jeune mariée rougissante, âgée de dix-huit ans à peine.

Les familles Maitreau, Perrineau et Lacabanne étaient donc très liées. C'est également René Perrineau qui déclara le décès d'Eugénie Morel, la mère de Maurice Maitreau, et celui d'Eugénie Caperet, la mère de Julia. Quant à Henri Lacabanne, son nom figure comme témoin sur les actes de naissance de deux des trois enfants Perrineau.

Si je n'ai plus guère de doute sur les différentes personnes nommées dans cette carte postale, il n'en subsiste pas moins trois interrogations, toutes relatives à la date indiquée, "18 mai 1918", confirmée par le cachet de la poste :
  • Comment expliquer que l'épouse d'Henri Lacabanne et ses amis soient restés près de deux ans dans l'incertitude concernant son décès ?

  • À cette date, mi-mai 1918, des civils pouvaient-ils se rendre en des lieux aussi proches de la ligne de front que Dugny-sur-Meuse ?

  • Comment se fait-il que la carte postale soit datée et apparemment postée de Strasbourg, avec en outre un timbre de la République française, alors que la ville était à ma connaissance encore en territoire allemand, au moins jusqu'à l'armistice du 11 novembre ?

 Toute réponse à ces questions serait la bienvenue…


(1) Voir à son sujet le billet intitulé L comme Lacabanne, publié le 13 juin 2014

lundi 2 avril 2018

Trêve pascale

Retour du printemps, fêtes de Pâques et escapade en vue vers d'autres horizons, voici venu le temps d'une pause salutaire !


Laissez-moi quelques jours pour de nouvelles recherches, de nouvelles découvertes, de nouveaux récits. À bientôt, les petits lapins… et joyeuses Pâques à tous !