lundi 27 février 2017

Entre les pages

Des feuilles volantes cousues ensemble et formant liasse, insérées dans un registre entre l'année 1786 et l'année 1787. Des dispenses accordées par Martial Louis de Beaupoil de Saint Aulaire, évêque de Poitiers, et signées De la Faire, vicaire général. Un acte de consentement établi par Maître Etienne Roulleau(1), notaire royal, garde-scel(2) à Saumur. Une expédition rédigée par Meignan, greffier…

Il s'agit des documents que fournissent les prétendants au mariage avant la cérémonie et que le curé a glissés entre les pages.

Nous sommes à Saint-Pierre-des-Verchers et je cherche l'acte de sépulture de l'un de mes ancêtres lorsque quelques mots sur un feuillet attirent mon regard : "A comparu le sieur Pierre Maitreau marchand demeurant à Argentai…".

AD 49 BMS Saint-Pierre-des-Verchers 1761-1793 vue 262/343 

Il n'en faut pas plus pour piquer ma curiosité. Le document ne comprend que trois pages sur quatre. Une vue a manifestement sauté lors de la numérisation, mais il contient suffisamment d'informations. La consultation des registres et quelques allers et retours sur Geneanet m'ont permis d'assembler les différentes pièces du puzzle.

Nous sommes le 12 mai 1787 et la jeune Renée Favreau, seize ans à peine, est sur le point d'être mariée au sieur Pierre Jacques Girardeau, originaire de Saint-Martin-de-Sanzay.

La jeune fille est orpheline. Sa mère, Etiennette Mestreau, a été portée en terre en 1780, alors que la fillette n'avait que neuf ans. Son père, meunier à Fierbois, a rejoint son épouse au cimetière cinq ans plus tard. Il est temps de marier la demoiselle. C'est sans doute pourquoi Pierre Maitreau convie un conseil de famille à se réunir devant Louis Nicolas Mauger, sénéchal de la ville et baronnie de Montreuil-Bellay.

Joseph Goupil, meunier et oncle par alliance de la jeune fille, s'est fait tirer l'oreille : il doit être convoqué par exploit du sergent royal. Les autres comparaissent volontairement : il y a là Charles Favreau, René Talluchet, Louis Allard, Joseph Maitreau (mon ancêtre direct), un autre Pierre Maitreau (celui de Saint-Martin de Sanzay), Jacques Tessier, François Chateignier. Le greffier indique les liens de parenté : oncles paternels, cousins au quatrième degré, grand-oncle maternel, oncles à la mode de Bretagne… une mine pour les généalogistes.

Il ressort du document que c'est finalement Charles Favreau, oncle maternel de la jeune Renée, qui est nommé "tuteur ad hoc de la ditte mineure Favreau aux fins de consentir à son mariage".

Mais il reste un dernier obstacle à franchir. La mère de Pierre Jacques Girardeau, Marie Mestreau, et celle de Renée Favreau, Etiennette Mestreau, sont cousines germaines ! Un rapide examen de leur arbre généalogique révèle que les futurs époux ont pour arrière-grands-parents communs le couple formé par Pierre Mestreau et Perrine Flonneau (mes ancêtres à la 8e génération) ; autrement dit, ils sont consanguins au 3e degré. Ce qui nécessite d'obtenir une dispense de l'évêque de Poitiers : c'est chose faite, en latin s'il vous plaît, le 31 mai 1787.

Dispense de consanguinité
AD 49  BMS Saint-Pierre-des-Verchers vues 266 et 268/346

Le mariage est finalement célébré le 10 juillet 1787 en l'église de Saint-Pierre-des-Verchers par messire Poupard, en présence de leurs parents et amis. Les deux époux signent au bas de l'acte, d'une main assurée pour le mari, d'une main plus incertaine pour sa très jeune femme.

Une question demeure : quel est donc ce Pierre Maitreau qui convoqua le conseil de famille ? je n'ai pas encore réussi à l'identifier, en dépit de tous ceux qui figurent dans ma base de données.




(1) Ou Rousseau, j'ai un doute.
(2) Selon le Littré, officier préposé pour sceller les expéditions dans les anciennes juridictions.

lundi 20 février 2017

Le Maitreau suivant

Né en septembre 1673, prénommé Pierre comme son père, maréchal comme lui, il vit au village de Chavannes, dans la paroisse du Puy-Notre-Dame, jusqu'à son mariage. C'est mon ancêtre à la huitième génération.

Pierre a tout juste vingt ans lorsqu'il assiste au baptême de son neveu Denis Bretonneau, dont il est le parrain. L'occasion d'apposer sur le registre paroissial un exemplaire de son élégante signature. Elle évoluera au fil du temps, se compliquant parfois d'un semblant de ruche, mais permettra de repérer sa présence lors de divers événements.

Signature de Pierre Mestreau en 1693

Au tournant du siècle, en février 1700, il a vingt-six ans et il épouse Perrine Flonneau, qui va sur ses dix-huit ans. Le père de cette dernière était également maréchal, bel exemple d'endogamie professionnelle, donc.

L'acte de mariage, écrit sur un mauvais papier qui laisse transparaître le texte du revers de la feuille, est difficile à déchiffrer pour un œil peu exercé. Il énumère nombre de cousins de part et d'autre.

Le couple s'installe à Saint-Pierre des Verchers (aujourd'hui les Verchers-sur-Layon) et bientôt les naissances se succèdent. Huit enfants de novembre 1701 à juin 1723. Sept garçons, je dis bien sept : Pierre, Antoine, Joseph, Jean, Louis, François et René. Et une seule fille : Perrine Jeanne. Le plus extraordinaire est qu'ils atteignent tous l'âge adulte et qu'ils se marient, certains plusieurs fois, donnant ainsi naissance à une flopée de petits Maitreau qui ont tous à peu près les mêmes prénoms… vous voyez le problème. Comment faire la distinction entre tous ces homonymes ?

Je retrouve Pierre au mariage de son neveu Denis Bretonneau, à l'inhumation de sa belle-sœur Antoinette Flonneau, qui n'avait que vingt-quatre ans, au mariage de plusieurs de ses fils et à celui de sa fille, au baptême de son petit-fils Louis Joseph Maitreau dont il est le parrain, à l'inhumation de son épouse Perrine, âgée de cinquante-sept ans, en 1739.

Signature de Pierre Mestreau en 1732


Lors de son propre enterrement en mars 1742, ses sept fils et son gendre Urbain Reveillé sont tous présents, soigneusement énumérés par le curé de la paroisse de Concourson, où se déroule la cérémonie. Les mêmes se retrouveront cinq ans plus tard au mariage du plus jeune, René Mestreau, à Méron, aujourd'hui rattachée à Montreuil-Bellay. L'occasion de constater qu'ils ont essaimé, qui vers Brézé, qui vers Concourson ou Bouillé-Loretz…

lundi 13 février 2017

Le premier Maitreau

Ces dernières semaines, j'ai tenté de rationaliser mes recherches généalogiques : plutôt que de papillonner d'un sujet à l'autre, au gré de mon inspiration, des alertes Geneanet ou de tout autre prétexte futile, j'ai décidé de consacrer un mois à l'étude d'une branche, avant de passer à la suivante.

En janvier, j'ai fait le point sur la branche François, originaire de la Lorraine. D'où un soudain intérêt pour cette région et plusieurs billets sur le sujet. En février, je me tourne vers l'Anjou et la branche Maitreau.

Source collection personnelle

Il s'agit tout d'abord de constater jusqu'à quelle génération je suis remontée. De comprendre les raisons d'un éventuel blocage. De vérifier si j'ai bien collecté toutes les informations disponibles en ligne concernant chaque couple. De passer en revue les actes afin d'y déceler des indices qui m'auraient échappé ou des erreurs que j'aurais pu commettre, par inattention ou par inexpérience.

Bref, un vrai travail de relecture. D'autant plus utile que je devrais bientôt faire un tour en Anjou. Cela donne à peu près ceci.

Mes plus lointains ancêtres dans la branche Maitreau

Il s'agit de Pierre Mestreau et de son épouse Andrée Boutin, nés vers 1630. Dans le tableau de mes ancêtres, ils figurent à la 9e génération.

Installés au Puy-Notre-Dame où Pierre exerçait le métier de maréchal(1), ils y ont eu au moins huit enfants (cinq garçons et trois filles) entre février 1654 et septembre 1673, soit un tous les vingt-neuf mois en moyenne. À l'époque, Louis XIV régnait sur la France. Andrée Boutin décède la première, vers la soixantaine, en 1692. Son époux meurt deux ans plus tard, à soixante-cinq ans selon l'estimation du vicaire.

Impossible pour l'instant de mettre la main sur leur acte de mariage, manifestement antérieur à 1654. Rien dans les registres du Puy-Notre-Dame, ce qui laisse à penser que l'épouse était originaire d'une autre paroisse. Rien non plus sur les sites de généalogie comme Geneanet ou Filae (qui semble pourtant avoir intégré dans sa base de données nombre de relevés effectués par les associations).

Pas d'acte de mariage, donc pas d'indice sur l'identité des parents. Les actes de baptême des enfants restent muets sur les éventuels liens de parenté avec les parrains et marraines. Difficile également de déterminer si les deux époux savaient signer.

Les enfants du couple

Le premier, Mathurin, né donc en février 1654 et peut-être l'aîné, dans la mesure où je n'ai trouvé aucun enfant du couple dans les registres de cette paroisse pour les années antérieures, décède à l'âge de onze ans.

Les deux suivants, François, né en décembre 1655, et Marie, née en août 1659, n'ont pas laissé d'autre trace que leur baptême. Morts en bas âge ?

Je penche d'autant plus volontiers pour cette hypothèse, au moins en ce qui concerne Marie, qu'une autre Marie voit le jour quinze mois plus tard, en novembre 1660. Celle-ci atteint l'âge nubile. Elle épouse à dix-neuf ans un marchand boucher de vingt-sept ans qui lui fait trois enfants, avant de la laisser veuve à vingt-cinq ans. Elle est présente au mariage de l'une de ses filles, en 1706 ; elle a alors quarante-cinq ans, mais rien qui permette de savoir si elle a contracté un second mariage, après son veuvage. Et des Marie Mestreau, avec leurs variantes orthographiques, je ne vous dis pas combien il y en a dans les bases de données ! J'ai néanmoins effectué quelques investigations, mais rien de concluant jusqu'à présent.

Son frère Antoine, né en avril 1664, maréchal comme son père, se marie au moins deux fois. Je lui ai trouvé deux enfants avec sa première épouse et neuf avec la seconde, sur une période qui s'étend de 1693 à 1717, soit près d'un quart de siècle. Les lieux de naissance varient : Fontevraud-l'Abbaye d'abord, retour au Puy-Notre-Dame ensuite, puis finalement installation à Saix dans le département de la Vienne, où certains de ses fils feront souche. Le métier de maréchal permettait plus de mobilité que celui d'agriculteur, sans doute.

Pas d'acte de sépulture, ni pour Marie Mestreau, ni pour son frère Antoine, en l'état actuel de mes recherches.

Vient ensuite Renée, qui a vu le jour en janvier 1667 et qui a épousé un certain Pierre Bretonneau alors qu'elle avait vingt-cinq ans. Quatre enfants vont naître au Puy-Notre-Dame ; l'un d'eux au moins, qualifié de maçon, atteindra l'âge adulte et se mariera au Puy-Notre-Dame. Je n'en sais pas davantage pour l'instant.

Passons rapidement sur André, né en février 1670, sans autre information que son baptême, et venons-en à mon ancêtre direct, Pierre, né en septembre 1673, sans doute le dernier de la fratrie. Là, j'en sais davantage, vous vous en doutez. Il fera donc l'objet d'un autre billet.




(1) C'est ainsi qu'étaient qualifiés les maréchaux-ferrants sous l'Ancien Régime. Non seulement ils ferraient les chevaux et les bœufs, mais ils prodiguaient également des soins aux animaux, faisant ainsi office de vétérinaires.

lundi 6 février 2017

Plongée dans l'anthropologie historique

J'aime flâner dans les rayons d'une librairie, me laisser surprendre par un titre ou avoir l'œil attiré par une couverture et, à cet égard, il est rare que je ne ressorte pas avec deux ou trois livres au format de poche.

L'une de mes dernières acquisitions : Les paysans français d'Ancien Régime(1), d'Emmanuel Le Roy Ladurie.


L'ouvrage, bien que destiné à diffuser auprès du public la synthèse des travaux de l'historien, est d'un abord plutôt austère. Un peu touffu aussi, car très riche en informations de toutes sortes, avec parfois des redites d'un chapitre à l'autre. Mais ceci a au moins le mérite d'ancrer dans l'esprit les travaux de l'auteur. La pédagogie est un art fait de répétitions.

La France, combien d'habitants ?

Il  est beaucoup question de démographie dans le livre d'Emmanuel Le Roy Ladurie. Qu'en ai-je retenu ? Quelques chiffres et quelques dates clés.

En 1328, la population de l'Hexagone virtuel(2) était de l'ordre de 19 ou 20 millions d'habitants, dont 90 % de ruraux, et parmi ces derniers 90 % de cultivateurs.

Vers 1450, la population à l'intérieur de ce même périmètre ne comptait plus que 9 à 10 millions d'âmes, sous le triple effet conjugué de la peste noire, de la famine et de la guerre de Cent Ans. Dégringolade vertigineuse !

Un siècle plus tard, vers 1560, elle avait retrouvé son niveau antérieur de 20 millions d'habitants. Chiffre grosso modo inchangé jusqu'à la fin du règne de Louis XIV, avec néanmoins des variations dues à diverses causes : conflits religieux, Fronde, Guerre de Trente Ans, aléas climatiques, accompagnés d'inévitables épisodes de disettes et d'épidémies.

La population va ensuite augmenter à partir de 1715 pour atteindre le chiffre de 28 millions à l'aube de la Révolution de 1789 (à comparer avec les 40 millions du Second Empire et les 66 millions actuels).

Les trois piliers de l'exploitation rurale

Au fil des chapitres, l'auteur insiste également sur l'organisation de la société et la répartition du produit agricole entre les différents intervenants :
  • Propriétaires des terres (seigneurs qui perçoivent la rente, clergé qui prélève la dîme, mais bientôt aussi bourgeoisie urbaine),
  • Exploitants, métayers ou fermiers, suivant qu'ils payent le loyer de la terre en nature ou en argent,
  • Enfin salariés agricoles (manouvriers, journaliers…), sans doute le groupe le plus nombreux mais aussi le moins favorisé des trois.

 Tout au long de la période étudiée par l'auteur, il existe bien entendu de fortes disparités régionales, tant dans les dimensions que dans les modes d'exploitation. Néanmoins, sans simplification excessive, on peut parler plutôt de grandes surfaces au nord d'une ligne Saint-Malo-Genève et de terres plus morcelées au sud, comme de familles nucléaires de fermiers au nord et de familles élargies aux gendres et aux beaux-frères au sud… mais je laisse à chacun le soin de feuilleter le livre pour y découvrir les précisions qui l'intéressent(3).

Je ne vous cacherai pas que cet ouvrage dense, difficile à résumer, n'est pas toujours de lecture aisée, mais il n'en présente pas moins un intérêt certain pour mieux comprendre l'environnement dans lequel évoluaient nos ancêtres.



(1) Emmanuel Le Roy Ladurie, Les paysans français d'Ancien Régime, Du XIVe au XVIIIe siècle, Seuil, collection Points Histoire, 2015, 287 pages, ISBN 978-2-7578-6418-0

(2) Les frontières du royaume de France étant différentes de celles de notre actuelle métropole, l'auteur fait appel à cette notion d'Hexagone virtuel pour faciliter les comparaisons.

(3) À noter à la fin du livre une abondante bibliographie, parfois assortie de commentaires.