lundi 23 février 2015

Un faisceau d'indices et quelques bizarreries

Je vous ai déjà parlé de mes ancêtres du Comminges(1), notamment pour évoquer l'absence de liens de filiation dans les actes de mariage, d'où la confusion toujours possible entre des homonymes et la nécessité de lire attentivement les actes de baptême, parfois plus diserts sur l'identité des parrains et marraines.

J'étais d'ailleurs tombée dans le panneau, je l'évoquais la semaine dernière à propos de mon ancêtre à la dixième génération, porteur du numéro Sosa 1000.

J'avais découvert qu'il se prénommait vraisemblablement Guilhem, et non pas Jean, comme je le croyais tout d'abord, et qu'en janvier 1704, lors du baptême de son petit-fils Guilhaume, il était l'époux de Guilhelme Jalambic. Des difficultés d'accès au site des Archives départementales de Haute-Garonne (imputables, paraît-il, à mon navigateur internet) m'avaient momentanément empêchée de pousser plus loin les recherches.

Tout étant apparemment rentré dans l'ordre, j'ai repris mes investigations, en m'aidant des informations glanées sur Geneanet.

Source Wikimedia Commons

Première étape : trouver l'acte de mariage. Guilhem Adema, marchand bladier(2), a épousé Guilhelme Jalambic, originaire de la paroisse de Boussan, le 13 octobre 1678 dans l'église de Cassagnabère.

Je note les références de l'acte et, dans la foulée, je recherche d'éventuels baptêmes d'enfants du couple, mais ne trouve rien sur les cinq ou six années suivantes.

Deuxième étape : trouver les actes de sépulture. Guilhelme Jalambic, veuve de Guilhem Adema, est enterrée le 13 septembre 1704, quelques jours après son époux, porté en terre le 5 septembre. Huit mois à peine après le baptême qui m'a alertée. Un seul hic : ils auraient respectivement soixante-quinze et quatre-vingts ans à la date de leur décès ! Rien d'étonnant à ce que je ne trouve pas d'enfant du couple ; même s'il faut prendre avec des pincettes les âges estimés dans les actes de sépulture, l'épouse approchait quand même de la cinquantaine à la date de son mariage…

Troisième étape : trouver un précédent mariage de notre marchand bladier. Sur Geneanet, je repère un Guilhem Adema époux d'une certaine Jeanne Larrieu. Pas de date ni de lieu de mariage, mais une ribambelle d'enfants baptisés à Cassagnabère de décembre 1656 à mars 1678. La mère succombe le 10 mars 1678, après avoir accouché le même jour d'une petite Jeanne. Elle avait alors quarante-deux ans.

En outre, détail qui a son importance(3), la fratrie compte deux enfants prénommés Jean, l'un né en juin 1665 et l'autre en octobre 1673. Ce dernier pourrait fort bien être mon ancêtre direct : il aurait donc la trentaine lors de son mariage avec Bertrande Artigues et cinquante-quatre ans, à quelques jours près, lors de son décès, ce qui est cohérent avec l'âge estimé (cinquante-cinq ans) que je parviens à déchiffrer non sans peine dans l'acte de sépulture.

Leur mère étant décédée en mars 1678, leur père a toute liberté de se remarier en septembre de la même année avec Guilhelme Jalambic. C'était pratique assez courante à l'époque. La boucle est bouclée ! Je pense donc avoir trouvé la réponse à mes interrogations, sans en avoir toutefois la certitude absolue. Juste un faisceau d'indices concordants.

J'ai noté au passage quelques bizarreries dans les actes.

L'acte de baptême du premier enfant identifié du couple formé par Guilhem Adema et Jeanne Larrieu, tout d'abord. Il est rédigé ainsi :
"Le 4 Xbre 1656 a esté baptisé Guilhaume Adema fils de Guilhaume
et Janne Larrieu mariés le susdit iour du mesme mois parrain Guilhaume
Larrieu et Janne Gaillarde habitant de Cassaignavere en foy de quoy"

Je n'ai bien entendu trouvé aucun mariage à cette date dans les registres. Je suppose donc que le curé de Cassagnabère a omis le mot "" avant "le susdit jour", car il a pour habitude de toujours indiquer la date de naissance dans les actes de baptême qu'il rédige. Mais avouez que c'est troublant…

Autre étourderie, sans doute, dans l'acte de sépulture de Jeanne Larrieu :
"… ont assisté à son enterrement Guilhem Larrieu bladier son mary…" Vraisemblablement une erreur de plume du même curé, qui donne au mari le même patronyme qu'à la défunte.

La dernière bizarrerie consistait à considérer Guilhelme Jalambic comme la grand-mère de l'enfant baptisé en janvier 1704, alors qu'elle n'était que la seconde épouse du grand-père. Le diable niche parfois dans les détails !



(1) Voir les billets intitulés "Cent mots pour une courte vie", publié le 27 octobre 2014, "Des ancêtres originaires du Comminges" le 3 novembre 2014 et "Foin des certitudes !" le 16 février dernier.

(2) Marchand de blé.

(3) Mon ancêtre Jean Adema, maître chirurgien, époux de Bertrande Artigues, était présent au mariage d'un de ses frères également prénommé Jean.

lundi 16 février 2015

Foin des certitudes !

Je m'apprêtais à répondre avec une belle assurance à la question posée par Maïwenn Bourdic, "Et vous, qui est votre Sosa n°1000 ?" : Jean Adema, laboureur, époux de Domenge Picheloup, en vertu du mariage célébré par le vicaire de Cassagnabère (aujourd'hui Cassagnabère-Tournas, en Haute-Garonne) le mardi 18 février 1659.

Et puis j'ai voulu vérifier un ou deux trucs. C'est d'ailleurs le but de la manœuvre. Le lien vers l'article de Maïwenn, publié sur son blog D'aïeux et d'ailleurs en juin 2008, est proposé en commentaire du dernier billet de La Gazette des Ancêtres. Sophie Boudarel nous y invite à réviser notre généalogie pour la purger des inévitables erreurs commises au fil des recherches et nous suggère quelques pistes.

Eh bien, je suis servie ! Je commence par relire les actes concernant Jean Adema et son épouse, puis je passe à ceux de leurs six enfants identifiés, trois garçons, Jean en 1661, Bertrand en 1663 et à nouveau Jean en 1665, et trois filles, Bertrande en 1668, Guilhelme en 1672 et Jeanne en 1674.

Je vérifie au passage que j'ai attribué la bonne épouse à chacun des deux Jean. Pas de souci, le Jean maître chirurgien, époux de Bertrande Artigues depuis février 1703, est présent au mariage de son jeune frère Jean avec Jeanette Anglade en juin 1705. C'est précisé dans le registre paroissial.

Un point attire néanmoins mon attention : chacun des deux Jean aurait quarante et un ans lors de ses épousailles. L'âge me paraît un peu élevé, d'autant qu'il n'est fait nulle mention d'un précédent veuvage… et comme les parents des mariés ne sont pas nommés, une confusion est fort possible avec des homonymes.

Je passe aux baptêmes des enfants du couple formé par Jean Adema et Bertrande Artigues, mes ancêtres directs. Le vicaire de Cassagnabère a eu l'heureuse idée de préciser les liens de parenté des parrains et marraines et je tombe sur ceci :

AD Haute-Garonne 1E5 vue 22/145

"L'an mil sept cens quatre et le trantieme iour du mois de ianvier a esté
baptisé par moy bas signé pbre vicaire de Casaignebere Guilhaume Adema
né la nuit precedante fils legitime a Iean Adema et Bertrande Artigues mariés
parrin Guilhem Adema marrine Guilhelme Jalambic aussi mariés ayeul et
ayeule du baptisé interpellés de signer ont dit ne scavoir en foy de quoy
"

Enfer et damnation ! Voilà une précision qui m'avait complètement échappé à la première lecture ! Bon, c'était il y a quatre ans au moins, et je commettais alors des erreurs de débutante.

Je n'ai plus qu'à rechercher l'acte de mariage de ce couple et les actes de baptême de leurs enfants… dès que les archives numérisées de Haute-Garonne seront à nouveau accessibles, au lieu d'afficher un message d'erreur, après la licence-clic !

J'en conclus donc provisoirement que mon Sosa n°1000 n'est pas celui que je croyais, mais sans doute un de ses frères ou de ses cousins, et qu'il s'appelle Guilhem Adema. J'y gagne au passage, si j'ai correctement déchiffré l'acte, un nouveau patronyme, celui de son épouse. Affaire à suivre…

lundi 9 février 2015

Un outil indispensable

Fervente adepte de la sérendipité, je vais régulièrement flâner en librairie. Après avoir traîné en d'autres temps dans les rayons Entreprise, Management ou Informatique et fait un crochet par les Écrivains voyageurs et la Photographie, j'explore aujourd'hui avec plus d'assiduité le rayon Histoire.

Si je me laisse parfois attirer par la couverture des volumes exposés sur les tables, il m'arrive aussi de me tordre le cou pour déchiffrer les titres sur les tranches des livres alignés sur les étagères, du sol au plafond. C'est ainsi que j'ai découvert un pavé de plus de 1 400 pages, le Dictionnaire de l'Ancien Régime(1).


Publié pour la première fois en 1996 aux Presses Universitaires de France et réédité à plusieurs reprises depuis lors, c'est une mine d'informations pour les généalogistes amateurs. Comme le sous-titre l'indique, il est consacré au royaume de France et privilégie la période de la monarchie absolue, autrement dit les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, même si les nombreux auteurs qui ont participé à sa rédaction n'hésitent pas à remonter plus avant dans l'histoire, si nécessaire.

De l'entrée Abbayes à l'entrée Voyages, voyageurs, l'ouvrage fournit au lecteur de précieux éclaircissements sur nombre de sujets : les institutions, la population, la religion et le clergé, l'armée et la marine, la fiscalité, les us et coutumes, les métiers ou les différentes provinces du royaume, et j'en oublie sûrement.

Comme l'indique Lucien Bély, sous la direction duquel il a été réalisé, dans son Avant-propos : "Ce dictionnaire vise à reconstituer une mosaïque complexe."

Chaque article, signé de son auteur, fait le point sur l'état des connaissances et fournit éventuellement des indications bibliographiques au lecteur qui voudrait approfondir le sujet. Un astucieux système de renvois permet de musarder sur des thèmes connexes : Pré carré renvoie par exemple vers Espaces français et Frontières, ce dernier item renvoyant à son tour vers Barrières, Cartes, Champagne, Picardie, Sauf-conduits et passeports ou Territoires. À vous de décider au gré de votre humeur et votre curiosité… et de découvrir quelque pépite ; le principe même de la sérendipité.

Un index thématique et un index des noms de personnes et de lieux complètent l'ensemble. À mon avis, un précieux outil pour comprendre l'environnement dans lequel se mouvaient nos ancêtres. Il figure désormais en bonne place sur mon bureau.

Je n'exprimerai que deux regrets : la petitesse des caractères (comme il est souvent d'usage dans ce type d'ouvrage) et l'absence d'entrées aux lettres K, W, X, Y et Z. Amis généablogueurs, il vous faudra chercher ailleurs pour le prochain challenge !



(1) Dictionnaire de l'Ancien Régime, Royaume de France XVIe-XVIIIe siècle, publié sous la direction de Lucien Bély, Presses Universitaires de France, collection Quadrige Dicos Poche, 3e édition 2e tirage août 2013, 1408 pages (à condition d'avoir de très grandes poches, donc !)

lundi 2 février 2015

Un peu de méthodologie

Au fil de mes recherches et des alertes hebdomadaires de Geneanet, j'ai accumulé nombre de fiches dans un classeur vert, triées par ordre alphabétique de patronyme, avec l'idée de les exploiter ultérieurement.


Les fiches individuelles auxquelles l'abonnement Geneanet Premium permet d'accéder sont, en effet, potentiellement très riches. Outre l'identité de la personne, elles contiennent tout ou partie des informations suivantes :
  • La date et le lieu de sa naissance et/ou de son baptême,
  • La date et le lieu de son décès et/ou de sa sépulture,
  • La profession de l'intéressé,
  • Les noms et prénoms de ses parents,
  • Les dates et lieux de mariage ainsi que les noms et prénoms des conjoints successifs,
  • La liste des enfants issus des couples ainsi formés,
  • La liste des frères et sœurs du personnage principal…
Elles ne sont pas exemptes d'erreurs (nous en commettons tous), mais elles constituent un précieux guide pour explorer efficacement les registres paroissiaux. Un seul hic : le temps nécessaire pour les exploiter !

En effet, une seule fiche permet souvent de rechercher plusieurs dizaines d'actes, qui nécessitent chacun un temps de traitement non négligeable. Jugez-en plutôt. Lorsque j'ai trouvé l'acte convoité, j'en effectue d'abord une copie écran (et je n'oublie pas de noter le numéro de page du registre !). S'ensuivent les "manipulations" suivantes :
  • Nommer le fichier obtenu,
  • Le traiter dans Photoshop pour en améliorer la lecture (taille de l'image, réglage de l'éclairage, amélioration de la netteté et du contraste),
  • Le sauvegarder dans un dossier au nom de la branche patronymique à laquelle il se rattache. 
Je traite ensuite l'information dans ma base de données Heredis, en appliquant le principe "un acte = une source" et en m'efforçant de remplir les différentes cases prévues par le logiciel, notamment :
  • Un numéro d'ordre,
  • Le titre de l'acte,
  • La référence ou la cote de l'acte en question,
  • Son image dans la fenêtre Medias,
  • Sa transcription dans la fenêtre Notes. 
Pour améliorer ma productivité, je procède le plus souvent par lots : recherche d'une quinzaine d'actes dans les registres, puis traitement  de ceux-ci  avec Photoshop, puis saisie dans ma base de données. Il n'en reste pas moins vrai que les fiches non exploitées ont une fâcheuse tendance à s'accumuler et que j'en oublie parfois jusqu'à leur existence.

En ce début d'année, j'ai donc décidé de prendre le taureau par les cornes et de faire un sort à ce fichu classeur vert.

J'ai d'abord listé dans mon journal de recherches une petite quarantaine de fiches à traiter en priorité. Je les exploite maintenant dans l'ordre où elles se présentent, ce qui me fait virtuellement voyager des Deux-Sèvres à la Drôme, en passant par la Manche et le Maine-et-Loire, en attendant les Vosges, la Mayenne et les Pyrénées…

C'est l'occasion ou jamais de vérifier les informations figurant déjà dans ma base de données. Je relis les actes des personnes concernées, de leurs conjoints et de leurs enfants ; je complète les transcriptions pour les mots laissés en blanc, je corrige le cas échéant quelques erreurs… Merci, au passage, à Pierre-Valéry Archassal et à ses ateliers de paléographie qui m'ont permis de déchiffrer des textes qui me paraissaient jusqu'alors totalement illisibles.

Et j'ai déjà corrigé deux grosses boulettes !

La première concerne un certain Mathurin Patrin, inhumé au Lion-d'Angers à l'âge d'environ 70 ans, et non pas 40 comme j'avais cru le lire tout d'abord. D'où confusion avec un homonyme plus jeune, bien entendu. Le "mien" a quand même eu le temps de convoler trois fois en justes noces !

La seconde concerne un certain Yves Denis, né à La Cornuaille en 1630, et non pas 1639 comme l'un de ses homonymes, inhumé le jour même de son baptême, ce qui m'avait complètement échappé.

J'en tire au moins une leçon : plus on remonte dans le temps, plus il faut être vigilant. C'est particulièrement vrai avec les registres paroissiaux du XVIIe siècle. Outre les difficultés de lecture, les actes de mariage y sont parfois très succincts et les parents des conjoints ne sont pas toujours nommés, ce qui peut prêter à confusion. D'autre part, les baptêmes et les sépultures peuvent être inscrits sur des registres distincts, ce qui nécessite une lecture attentive pour vérifier le sort des baptisés, à une époque où la mortalité infantile était fort élevée.

Heureusement, certains curés sont prolixes sur l'identité des parrains et des marraines, ce qui permet de confirmer les filiations.

J'ai d'ores et déjà allégé mon fameux classeur vert de dix fiches individuelles sur la quarantaine sélectionnée. Essayons de garder le rythme !