lundi 30 janvier 2017

Café paléo

Rien à voir avec un quelconque régime, rassurez-vous. En ce début d'année, Sophie Boudarel(1) nous a proposé deux sujets de réflexion, sous forme de généathèmes : "J'organise mon année généalogique" et "Paléographie, mon amour". Le premier sujet renvoie en outre vers le "coworking", qui repose notamment sur la mise en commun d'un espace de travail et le partage occasionnel de compétences.


Idées séduisantes qui ont aussitôt conduit Brigitte(2) à proposer à trois d'entre nous des séances de paléographie dans le centre de Paris. Suivies éventuellement d'un déjeuner ou d'une exposition, histoire de se faire vraiment plaisir !

Réponses enthousiastes d'Evelyne(3), Nicole(4) et moi. Et mise en place d'un minimum d'organisation, ensuite. Il nous fallait trouver un lieu ouvert au public, facile d'accès, sachant que nous sommes dispersées à l'ouest, au sud et à l'est de Paris : la Médiathèque de la Canopée, récemment ouverte au Forum des Halles, à proximité du RER, a reçu tous les suffrages. Deux outils, ensuite : Messenger, pour communiquer vite et bien, sans fioritures inutiles, et un espace sur Google Drive pour partager les documents soumis à notre sagacité de paléographes amateurs.

Première séance jeudi dernier. Grand soleil sur Paris, mais températures négatives persistantes. À midi, nous étions toutes les quatre à l'entrée de la Médiathèque pour l'ouverture des portes. Emmitouflées, mais pleines d'énergie.

Une heure et demie plus tard, après moult cogitations sur une quittance de dot rédigée par un notaire bigourdan de la fin du XVIIe siècle, nous avons opté pour un repas roboratif.

Quels enseignements tirer de cette première expérience réussie ?

Il semble raisonnable de se limiter à un seul texte par séance. Prévoir une version papier "aménagée" par personne : j'entends par là une copie en noir et blanc du texte à transcrire, fortement contrastée (merci Photoshop), avec les lignes numérotées pour se repérer plus facilement.

Apporter également une version papier de la transcription incomplète par personne, respectant la même numérotation de lignes, et laisser des espaces pour les mots provisoirement (espérons-le) illisibles. Chacun ou chacune pourra ainsi combler les trous au fur et à mesure des trouvailles du groupe.

Ne pas oublier de présenter le contexte : nature du document, personnes concernées, indication des lieux et des patronymes, autant d'éléments indispensables pour faciliter la lecture.

Je n'ai plus qu'à ajouter : vivement la prochaine séance !



(1) On ne présente plus la généalogiste professionnelle, auteur du blog La Gazette des Ancêtres.
(3) Auteur du blog Ciel ! Mes aïeux.
(4) Auteur du blog La chaîne des générations.

lundi 23 janvier 2017

Paléographie… ou simple mention insolite ?

Les généathèmes, pourquoi pas ? En feuilletant virtuellement les registres de Meurthe-et-Moselle à la découverte de mes ancêtres lorrains, je découvre cette page que j'ai envie de partager avec vous.

AD Meurthe-et-Moselle Haussonville 5MI 254/R1 vue 674/952 

Elle a été rédigée à la fin du XVIIIe siècle, alors que les duchés de Lorraine et de Bar venaient tout juste d'être rattachés au royaume de France. Pas de lettrine ni de fioriture ; elle est couverte d'une fine écriture d'aspect plutôt moderne, à tel point qu'elle paraîtrait presque rédigée avec un stylo, et ne semble pas présenter de difficulté particulière. Toutefois, l'acte de sépulture me paraît anormalement long (seize lignes au lieu des six ou sept habituelles) et il est en outre agrémenté d'une mention marginale : "Cet acte doit être placé à la page 42e" ; ce qui lui donne un caractère insolite.

Nous sommes à Haussonville, modeste paroisse qui ne compte guère plus de 300 habitants aujourd'hui, mais qui abrita autrefois une collégiale avec quelques chanoines et un hôpital destiné aux voyageurs(1).

Voyons cela de plus près :

"L'an mil sept cent soixante et onze le quatorze janvier a été trouvé
mort proche le bois de L?      ban en finage de Domptail un
homme agé d'environ cinquante ans ayant une médaille attachée à la
boutonnière de son habit et un Christ de plomb dans l'une des poches
de la veste ; son cadavre ayant été levé le lendemain par Jean Joseph
Chretien en la qualité de maire pour l'absence de Mr. le juge garde,
assisté de Maître Potier procureur d'office de la baronnie d'Haussonville
de Dominique François greffier et de François Tetard sergent audit
lieu, et après la visite qui en a été faite par les Srs. Noël et
Poirson chirurgiens jurés avec rapport ; nous soussigné chanoine curé
de Domptail et d'Haussonville sur la réquisition qui nous a été faite
par les officiers cy dessus de donner tous soins audit cadavre,
l'avons inhumé le même jour dans le cimetière de Domptail
avec les cérémonies prescrites par la Ste. Eglise en présence des
dénommés au présent acte qui ont signé avec nous à l'exception
de Maître Potier qui ne s'est pas trouvé sur les lieux
."

Suivent les signatures du chanoine, N. Bailly, de J. J. Chretien, de François Tetard et de D. François greffier.

J'ai cherché en vain sur les cartes de l'époque, disponibles sur le site de Gallica, le nom du bois qui m'échappe à la deuxième ligne. Je ne suis pas tout à fait sûre du mot qui suit (je lis "ban", et vous ?). Quant au finage, il correspond à l'étendue d'une paroisse ou d'une juridiction.

Source Cartes de Cassini sur Gallica
Extrait de la feuille n°143 Mirecourt-Epinal

Voici donc un inconnu qui échappe à toute tentative d'identification. Sans doute s'agit-il d'un voyageur ou d'un pèlerin (la médaille à la boutonnière, le crucifix dans la poche). Quoi qu'il en soit, je comprends mieux pourquoi le décès de nos ancêtres échappe parfois à nos recherches…



(1) Selon le site de la commune d'Haussonville, à la rubrique Histoire et patrimoine.

lundi 16 janvier 2017

Incursion en Lorraine (suite)

Me voici depuis trois semaines environ à la recherche de la famille François, originaire de Lorraine, dont une descendante, Eugénie Morel, épousa mon arrière-grand-père Achille Maitreau à Pau en 1868.

Une soixantaine d'actes collectés, dont plusieurs correspondent à des promesses de mariage, des allers et venues entre le site des Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle et celui des Vosges, quelques exercices de paléographie pour déchiffrer l'écriture des vicaires et des curés, des recherches dans le Dictionnaire de l'Ancien Régime et sur internet. La moisson est plutôt riche.

Environs de la ville de Nancy
Source Gallica

Je m'arrête pour l'instant sur Chrétien (c'est son prénom) François (c'est son patronyme). À ce jour, l'un des mes rares ancêtres ayant vu le jour hors du royaume de France.

Baptisé le 25 avril 1654 à Rosières-aux-Salines, ville du duché de Lorraine, il épouse en 1678 en premières noces une certaine Nicole Delan ou Duland. De cette union, naîtront au moins six enfants : 
  • Pierre Jean, né en 1679 à Rosières-aux-Salines, marié une première fois en 1700 à Varangéville (Meurthe-et-Moselle), 
  • Claude, né en 1683 à Haussonville, mon ancêtre direct, marié une première fois en 1706 à Vincey (Vosges), 
  • François, né en 1686 également à Haussonville, marié une première fois en 1710, également à Vincey,
  • Joseph Henry, né en 1689, toujours à Haussonville,
  • Anne Nicole, née en 1695 à Varangéville, 
  • Jacques, dont je n'ai pas encore trouvé l'acte de baptême et que j'ai repéré grâce à son mariage à Gerbéviller (Meurthe-et-Moselle) en 1716.

La première épouse de Chrétien François meurt le 8 octobre 1696, des suites d'un accident de chariot, selon l'acte de sépulture établi à Varangéville. Cinquante jours plus tard, le veuf se remarie avec une certaine Anne Anthoine. Mariage au moins aussi prolifique que le premier, si j'en crois les arbres publiés sur Geneanet, que je n'ai pas encore exploités.

Lorsqu'il meurt, en 1724, Chrétien François est toujours berger au prieuré de Varangéville.

Je connais le nom de ses parents, grâce à son acte de baptême, mais je n'ai guère d'espoir de remonter plus haut par le biais des registres paroissiaux : aucun mariage répertorié à Rosières avant 1656, par exemple. Je pourrais seulement identifier des frères et sœurs grâce à des tables de baptêmes, peut-être.

Le premier acte de mariage de Chrétien François est d'ailleurs assez frustrant ; tout juste une mention au détour d'une page dans un registre : "le mesme jour Chretien François et Nicole Duland". Huit mots, difficile de faire plus laconique !

Les actes de baptême des enfants du couple sont plus intéressants. J'apprends par exemple qu'en mars 1683 Chrétien François est berger à Haussonville et que le parrain de l'enfant, Claude Poirier, est amodiateur(1). En novembre 1689, précision supplémentaire : Chrétien est berger au château d'Haussonville. En décembre 1695, il réside désormais à Varangéville et la marraine de l'enfant n'est autre que Françoise Grandemange, fille du sieur Joseph Grandemange, amodiateur au prieuré de Varangéville, lequel sera présent au second mariage de Chrétien François.

D'une manière générale, les actes de fiançailles et de mariage inscrits dans les registres contiennent quantité de petits détails révélateurs de la mentalité de l'époque. On y apprend que les fiancés promettent de s'épouser "aussitôt que faire se pourra et au plus tard dans quarante jours". Les dates de publication des bans sont bien évidemment calées sur le calendrier religieux : jour de la fête de Sainte Marie Madeleine, jour de la Saint Martin, dimanche des Rameaux, de Pâques ou de Quasimodo, vingtième ou vingt-et-unième dimanche après la Pentecôte…

Me voici donc en train d'explorer cette région dont j'ignore à peu près tout. J'ai acheté une carte IGN pour localiser tous les lieux où cette branche François s'est manifestée : une bonne vingtaine, au bas mot, rien que pour le département de la Meurthe-et-Moselle, dont certains au nom plus poétique que d'autres, comme Burthecourt-aux-Chênes, Manoncourt-en-Vermois, Saint-Nicolas-de-Port ou Domptail-en-l'Air… quelque-part entre Nancy et Lunéville.

L'occasion de se remémorer aussi quelques lointaines leçons d'histoire. Saviez-vous que le duché de Lorraine resta indépendant jusqu'au XVIIIe siècle et n'entra véritablement dans le giron français qu'à la mort de Stanislas Leszczynski en 1766 ? Mes ancêtres lorrains n'étaient donc pas véritablement Français, même s'ils avaient vu le jour à l'intérieur de l'hexagone et si les actes qui ponctuaient leur vie étaient rédigés dans la langue de Molière.

Vestige de la Lotharingie issue du traité de Verdun (843) qui partagea l'empire de Charlemagne entre ses trois fils, la Lorraine était prise en étau entre le royaume de France et l'empire des Habsbourg. Elle fut notamment ravagée par la Guerre de Trente Ans (1618-1648), qui opposa les Habsbourg d'Espagne et leurs alliés catholiques aux Etats allemands protestants, soutenus par les Provinces Unies et les pays scandinaves. Les historiens estiment que la Lorraine perdit alors environ la moitié de ses habitants !

Le village d'Haussonville par exemple, qui a donné son nom à l'une des plus anciennes familles de Lorraine et où Chrétien François fut un temps berger, a été, paraît-il, entièrement ruiné par les Suédois en 1635. Une vingtaine d'années avant la naissance de mon ancêtre…






(1) Voir à ce sujet mon précédent billet, intitulé "En passant par la Lorraine…" : l'amodiateur donne à bail des terres cultivables, le preneur étant l'amodiataire.

lundi 9 janvier 2017

En passant par la Lorraine…

Depuis une quinzaine de jours, je m'efforce d'étoffer la branche François de mes ancêtres.

Pour vous la situer, c'est la famille de l'épouse de mon arrière-arrière-grand-père François Morel (Sosa 26). Ce dernier, médecin-major qui, entre autres faits d'armes, avait participé à la conquête de l'Algérie, avait épousé Marie François (Sosa 27) à Metz en 1836.

Bien qu'originaire de la Drôme, ce médecin militaire eut l'idée de prendre sa retraite à Pau où sa fille Eugénie épousa un capitaine d'infanterie natif du Maine-et-Loire. Bref, fort occupée à compulser les registres de nombreux départements de l'ouest et du sud de la France, j'avais jusqu'ici quelque peu négligé ceux de la région désormais qualifiée de Grand Est.

La Lorraine par le sieur Sanson, 1674
Source Gallica

Une alerte Geneanet et mon tout nouvel abonnement à Filae.com m'ont remis sur la piste de ces ancêtres lorrains. Avec son lot de surprises, d'où ces quelques réflexions.

Un patronyme trop commun

Je constate tout d'abord que les patronymes qui sont également des prénoms courants, comme François, compliquent fâcheusement les recherches.

Une simple interrogation aboutit à des milliers de résultats, voire davantage, et j'ai intérêt à affiner ma requête, en indiquant nom et prénom de l'épouse, département, commune et plage de dates, pour espérer obtenir quelques réponses pertinentes.

Des relevés à partir de quels registres ?

Je m'aperçois ensuite que les associations ont sans doute accès à des registres qui n'ont pas tous été mis en ligne par les archives départementales.

Je m'explique. Les relevés de la Fédération des cercles généalogiques vosgiens indiquent des dates de mariages et de baptêmes qui m'intéressent au premier chef. Ravie, je cherche à remonter aux sources primaires pour y relever ces informations qui font tout le sel de la généalogie (profession, lieu de résidence, paroisse d'origine, signature ou marque, nom et prénom des divers témoins, vocabulaire et tournures de phrases du scripteur…).

Et là, déception : à Aydoilles, modeste paroisse des Vosges, pas registre en ligne pour une période comprise entre 1720 et 1765 !

Je vérifie le fait en consultant l'état des registres paroissiaux et d'état civil numérisés, qui ne fait que confirmer cette lacune d'un demi-siècle au bas mot ; une paille ! Il me faudra encore patienter pour compléter les informations relatives à ce Claude François, époux en premières noces de Barbe Closse et père d'un certain François François…

Des fiançailles devant l'Église

Mais il y a également de bonnes surprises. Je veux parler des fiançailles. Jusqu'à présent, je n'avais trouvé qu'une seule fois mention expresse de promesse de mariage : c'était dans un registre du Louroux-Béconnais (Maine-et-Loire) en 1615, entre Jehan Doison et Perinne Savary.

Cela semble pratique beaucoup plus courante dans les registres des Vosges et de la Meurthe-et-Moselle, avec cette formulation à titre d'exemple :

"L'an 1706 le 28 d'octobre Claude François et Barbe Marchal de cette paroisse de Vencey ont esté fiancés et se sont promis mutuellement de se marier ensemble aussytost que faire se pourra, et au plus tard dans 40 jours ; lesquelles promesses ont esté reçues et bénies par nous Jean Claude Archambault prêtre curé de Vencey, en présence de Claude Marchal admodiateur de Vencey et de Dominique Cholez dudit lieu tesmoins qui ont signé avec nous, et les fiancés ont déclaré ne sçavoir signer."

Un qualificatif qui m'intrigue

Je note au passage ce terme, nouveau pour moi, d'admodiateur ou plutôt amodiateur.

Les définitions diffèrent selon que je consulte le Petit Larousse illustré, le Dictionnaire des mots rares et précieux, le Dictionnaire des métiers ou Wikipédia, mais toutes font état d'une relation entre propriétaire de terres cultivables et exploitant qui paie une redevance en nature. Si je comprends bien, l'amodiateur semble être tantôt le bailleur lui-même, tantôt l'intermédiaire entre celui-ci et son métayer.


Bon. Continuons donc à explorer ces régions pour ma part méconnues, en espérant d'autres surprises…