Me voici depuis trois semaines environ à la recherche de la
famille François, originaire de Lorraine, dont une descendante, Eugénie Morel,
épousa mon arrière-grand-père Achille Maitreau à Pau en 1868.
Une soixantaine d'actes collectés, dont plusieurs
correspondent à des promesses de mariage, des allers et venues entre le site
des Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle et celui des Vosges,
quelques exercices de paléographie pour déchiffrer l'écriture des vicaires et
des curés, des recherches dans le Dictionnaire de l'Ancien Régime et sur
internet. La moisson est plutôt riche.
Je m'arrête pour l'instant sur Chrétien (c'est son prénom) François
(c'est son patronyme). À ce jour, l'un des mes rares ancêtres ayant vu le jour
hors du royaume de France.
Baptisé le 25 avril 1654 à Rosières-aux-Salines, ville
du duché de Lorraine, il épouse en 1678 en premières noces une certaine Nicole Delan ou Duland. De cette union, naîtront au moins six enfants :
- Pierre Jean, né en 1679 à Rosières-aux-Salines, marié une première fois en 1700 à Varangéville (Meurthe-et-Moselle),
- Claude, né en 1683 à Haussonville, mon ancêtre direct, marié une première fois en 1706 à Vincey (Vosges),
- François, né en 1686 également à Haussonville, marié une première fois en 1710, également à Vincey,
- Joseph Henry, né en 1689, toujours à Haussonville,
- Anne Nicole, née en 1695 à Varangéville,
- Jacques, dont je n'ai pas encore trouvé l'acte de baptême et que j'ai repéré grâce à son mariage à Gerbéviller (Meurthe-et-Moselle) en 1716.
La première épouse de Chrétien François meurt le
8 octobre 1696, des suites d'un accident de chariot, selon l'acte
de sépulture établi à Varangéville. Cinquante jours plus tard, le veuf se
remarie avec une certaine Anne Anthoine. Mariage au moins aussi prolifique que
le premier, si j'en crois les arbres publiés sur Geneanet, que je n'ai pas
encore exploités.
Lorsqu'il meurt, en 1724, Chrétien François est toujours
berger au prieuré de Varangéville.
Je connais le nom de ses parents, grâce à son acte de
baptême, mais je n'ai guère d'espoir de remonter plus haut par le biais des
registres paroissiaux : aucun mariage répertorié à Rosières avant 1656,
par exemple. Je pourrais seulement identifier des frères et sœurs grâce à des
tables de baptêmes, peut-être.
Le premier acte de mariage de Chrétien François est
d'ailleurs assez frustrant ; tout juste une mention au détour d'une page
dans un registre : "le mesme
jour Chretien François et Nicole Duland". Huit mots, difficile de faire
plus laconique !
Les actes de baptême des enfants du couple sont plus
intéressants. J'apprends par exemple qu'en mars 1683 Chrétien François est
berger à Haussonville et que le parrain de l'enfant, Claude Poirier, est
amodiateur(1).
En novembre 1689, précision supplémentaire : Chrétien est berger au château
d'Haussonville. En décembre 1695, il réside désormais à Varangéville et la
marraine de l'enfant n'est autre que Françoise Grandemange, fille du sieur
Joseph Grandemange, amodiateur au prieuré de Varangéville, lequel sera
présent au second mariage de Chrétien François.
D'une manière générale, les actes de fiançailles et de
mariage inscrits dans les registres contiennent quantité de petits détails
révélateurs de la mentalité de l'époque. On y apprend que les fiancés
promettent de s'épouser "aussitôt
que faire se pourra et au plus tard dans quarante jours". Les dates de
publication des bans sont bien évidemment calées sur le calendrier
religieux : jour de la fête de Sainte Marie Madeleine, jour de la Saint
Martin, dimanche des Rameaux, de Pâques ou de Quasimodo, vingtième ou
vingt-et-unième dimanche après la Pentecôte…
Me voici donc en train d'explorer cette région dont j'ignore
à peu près tout. J'ai acheté une carte IGN pour localiser tous les lieux où
cette branche François s'est manifestée : une bonne vingtaine, au bas mot,
rien que pour le département de la Meurthe-et-Moselle, dont certains au nom
plus poétique que d'autres, comme Burthecourt-aux-Chênes,
Manoncourt-en-Vermois, Saint-Nicolas-de-Port ou Domptail-en-l'Air… quelque-part
entre Nancy et Lunéville.
L'occasion de se remémorer aussi quelques lointaines leçons
d'histoire. Saviez-vous que le duché de Lorraine resta indépendant jusqu'au
XVIIIe siècle et n'entra véritablement dans le giron français qu'à
la mort de Stanislas Leszczynski en 1766 ? Mes ancêtres lorrains n'étaient
donc pas véritablement Français, même s'ils avaient vu le jour à l'intérieur de
l'hexagone et si les actes qui ponctuaient leur vie étaient rédigés dans la
langue de Molière.
Vestige de la Lotharingie issue du traité de Verdun (843)
qui partagea l'empire de Charlemagne entre ses trois fils, la Lorraine était
prise en étau entre le royaume de France et l'empire des Habsbourg. Elle fut
notamment ravagée par la Guerre de Trente Ans (1618-1648), qui opposa les
Habsbourg d'Espagne et leurs alliés catholiques aux Etats allemands protestants,
soutenus par les Provinces Unies et les pays scandinaves. Les historiens
estiment que la Lorraine perdit alors environ la moitié de ses habitants !
Le village d'Haussonville par exemple, qui a donné son nom à
l'une des plus anciennes familles de Lorraine et où Chrétien François fut un
temps berger, a été, paraît-il, entièrement ruiné par les Suédois en 1635. Une
vingtaine d'années avant la naissance de mon ancêtre…
(1) Voir à ce sujet mon précédent billet, intitulé "En
passant par la Lorraine…" : l'amodiateur donne à bail des terres
cultivables, le preneur étant l'amodiataire.
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