lundi 30 septembre 2013

Je m'organise ?


Nous voici arrivés à fin septembre. Il serait peut-être temps de songer à traiter le généathème du mois ! Mais par où commencer ? par l'inventaire des outils à ma disposition, peut-être.

Fan d'Apple depuis des lustres, je dispose d'un Mac avec un confortable écran de 21,5 pouces, très pratique pour consulter les archives en ligne ou retoucher les photos, et d'un iPad qui me permet de garder le contact avec les autres blogueurs, si je suis temporairement éloignée de mon camp de base. Je dispose également de plusieurs disques durs externes pour les indispensables sauvegardes.

Mon bureau, avec l'indispensable tasse de café

Côté logiciels, j'ai la dernière version d'Heredis pour Mac en attendant la prochaine qui ne saurait tarder, ainsi qu'une version Heredis pour iPad, que j'utilise uniquement pour la consultation et non pour la saisie. J'ai également installé sur mon ordinateur La France à la loupe, un logiciel conçu par BSD Concept qui recense toutes les communes, leurs voisines, leurs innombrables toponymes (lieux-dits habités ou non) et donne accès aux cartes de Cassini. Précieux pour déchiffrer certains actes anciens.

Cela ne m'empêche pas d'avoir à portée de main des cartes IGN par région, afin de mieux localiser mes ancêtres : Pays de la Loire (celle-ci commence à donner de sérieux signes de fatigue), Normandie, Limousin (pour les ancêtres de mon mari), Aquitaine, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes… tiens, il manque l'Alsace-Lorraine !

Un aperçu de la bibliothèque "généalogique"

Sur une étagère à proximité, j'ai également plusieurs livres que je pourrais classer en trois catégories :

  • Les livres pratiques sur la généalogie, les techniques de recherche, internet, la paléographie…
  • Les livres historiques, dont l'incontournable Contexte, guide chrono-thématique de Thierry Sabot, 
  • Les livres à tendance régionaliste, souvent illustrés à l'aide de cartes postales anciennes.

Les premiers vieillissent parfois mal. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer ce paragraphe relevé dans un livre(1) datant, il est vrai, de 1991, à propos de l'informatique nomade :
"On parle aujourd'hui de disques durs de 30 à 40 Go. La rapidité croît en proportion et la barre des cent millions d'opérations par seconde est franchie. Le matériel est d'ores et déjà capable de sensationnelles prouesses techniques. Il est bien évident, toutefois, que le simple particulier ni sans doute la plupart des associations, n'auront jamais accès à de tels ordinateurs, pour des raisons de coût."

C'est moi qui souligne. Une leçon à en tirer : méfions-nous des affirmations péremptoires, elles risquent d'être magistralement démenties par la suite.

Mais continuons l'inventaire. J'ai également une pile d'exemplaires de la Revue française de généalogie. À ce propos, existe-t-il un répertoire des articles déjà publiés ? cela serait bien pratique(2).

Au-dessus de la pile, quelques chemises intitulées "Degrés de parenté", "Recherches aux Archives de Paris", "Courriers et liste infos à collecter", "Arbres et listes", "Copies d'actes à enregistrer". Une forme de désordre organisé, en quelque sorte. Sans compter une pochette transparente, ouverte récemment, pour accueillir ce qui n'a trouvé place nulle part ailleurs et qui pourrait répondre au joli nom de "fouzitou".

Passons aux classeurs qui squattent rayon après rayon des étagères :

  • Deux classeurs verts à portée de main, l'un qui contient les notes prises lors de la consultation des registres (classées par ordre alphabétique de paroisse) et l'autre les fiches Geneanet imprimées lors de la consultation des arbres en ligne (classées par ordre alphabétique de patronyme),
  • Trois classeurs bleus, dans la bibliothèque derrière mon dos, qui contiennent des papiers de famille,
  • À ce jour vingt-et-un classeurs rouges, plus un vert pour les actes divers(3), qui contiennent les copies des actes d'état civil et leur transcription, avec des intercalaires par branche (Adema, Allard, Arramonde…), certaines occupant à elles seules un, voire deux classeurs entiers. Un inconvénient : l'insertion d'une nouvelle branche entraîne parfois de fastidieux transferts d'un classeur à l'autre.

Notes sur les recherches par lieu

Je ne me sens pas prête pour autant à adopter l'attitude zéro papier et le coup de stress que je viens d'avoir en passant d'iOS 6 à iOS 7 (mon iPad refusait de s'ouvrir si je ne lui donnais pas un code que je n'avais jamais programmé, arrrgh…) n'arrange rien !

Pour la prise de notes, un bloc format A4, un autre format A5 et un tout récent cahier Moleskine, mais mon premier réflexe, c'est encore de saisir une feuille volante dans la pile de papier rebaptisé "brouillon". J'éprouve un réel plaisir à laisser courir le stylo-bille au fil de ma pensée… Je classe après.

Tout cela est un peu envahissant, bien sûr. Et je ne vous ai pas parlé d'une boîte avec des photos dans des enveloppes brunes, même pas "acid free" à mon avis, dont certaines sont numérisées et d'autres pas ! Mais je m'y retrouve assez facilement. Une seule angoisse : le jour où mon mari attaquera sérieusement les recherches de son côté. Les mètres linéaires nécessaires risquent de grimper vertigineusement, à moins de changer radicalement de mode de fonctionnement !

(1) La généalogie, histoire et pratique, sous la direction de Joseph Valynseele, Larousse, collection Références histoire, 1991

(2) Il existe quelque chose d'approchant sur le site de la RFG, sous l'onglet Le Magazine, rubrique "Consultez les articles par catégorie".

(3) J'y classe les actes relatifs aux prêtres, maires, secrétaires de mairie, notaires, etc. des paroisses et communes où ont vécu mes ancêtres, lorsque je tombe dessus en feuilletant (virtuellement) les registres.

lundi 23 septembre 2013

Pour ou contre un arbre généalogique universel ?


Je ne vous dissimulerai pas plus longtemps qu'il m'arrive d'avoir l'esprit d'escalier. C'est pourquoi j'ai envie d'aborder aujourd'hui un thème qui a déjà suscité nombre de billets et de commentaires sur les blogs cet été : pour ou contre un arbre généalogique universel.

Source Archives personnelles

De quoi s'agit-il ? D'un arbre unique, créé directement en ligne par une multitude de contributeurs. Ce qui diffère des systèmes de partage actuels, où chacun met sur le net l'arbre de ses ancêtres, en transférant le plus souvent une base de données patiemment élaborée sur son ordinateur personnel.

L'idée de l'arbre unique repose sur deux principes :

  • La saisie des données à partir de documents sources (actes d'état civil, registres matricules, recensements…) assurant la traçabilité de l'information,

  • Le "matching", c'est-à-dire la comparaison entre les personnes similaires pour vérifier s'il s'agit d'un seul et même individu (et éviter ainsi la multiplication des doublons).

Plusieurs projets vont déjà dans ce sens : gennus.org, Brozer, Family Tree Builder, notamment.

L'idée est extrêmement séduisante, mais elle ne soulève chez moi qu'un enthousiasme modéré ! Pourquoi ? Je passe sur la métaphore de l'arbre, elle-même sujette à discussion, à moins de multiplier les racines autant que les branches. Une sorte de mangrove inextricablement mêlée, peut-être ?

Comme j'ai l'esprit critique, je perçois d'abord les inconvénients d'un tel concept. J'énumérerai pêle-mêle les erreurs que nous faisons tous lors de la saisie des informations, les méthodes de travail qui diffèrent d'un généalogiste à l'autre, le manque de rigueur que l'on constate parfois dans les bases de données en ligne, les questions de confidentialité… Sans doute aussi la sensation de perdre la maîtrise de ses données, sentiment lié à une sauvegarde à distance. Mais tout cela a déjà été évoqué par Brigitte, Sophie, Élise et les autres et les contre arguments ont été tout aussi brillamment développés. J'y ai même appris au passage la notion de "doute quantifiable", qui devrait satisfaire les esprits logiques.

Passons aux points positifs. J'en vois au moins deux : le travail collaboratif et le gain de temps dans la collecte de l'information.

Quoi de plus excitant en effet que de partager ses découvertes avec d'autres généalogistes passionnés et d'apporter ainsi sa pierre à l'édifice ? Ce que nous faisons tous plus ou moins lorsque nous transférons nos fichiers sur un site en ligne. Compte tenu de nos histoires personnelles, nous nous intéressons davantage à telle ou telle branche de nos ancêtres, nous fouillons avec plus de ténacité l'histoire de telle paroisse ou de telle commune, nous privilégions les recherches sur telle période… La mise en commun de ces données enrichit de façon considérable le travail de chacun. Reste toutefois l'épineuse question de leur traitement dans une base unique, mais je laisse ce soin aux spécialistes.

Le gain de temps est également fort appréciable. Je le constate déjà chaque fois que je consulte Geneanet, à la recherche d'une date ou d'un événement qui jusqu'ici m'échappaient. Bien sûr, je remonte systématiquement aux sources, afin de vérifier l'information, et il m'arrive de pester lorsque celle-ci s'avère imprécise ou erronée, mais j'adresse une pensée reconnaissante à tous ceux qui m'ont permis d'élargir ainsi le champ de mes investigations.

Un arbre universel aurait les mêmes vertus, je n'en doute pas. Il permettrait de réduire le temps passé à la collecte des informations de base (baptêmes, mariages, sépultures…) et de consacrer davantage d'heures à approfondir la connaissance de nos ancêtres, de leur environnement, des événements dont ils ont été les acteurs ou les témoins. À nous les salles de lecture des archives départementales et des bibliothèques spécialisées. On pourrait même y percevoir les prémices d'une évolution du généalogiste amateur vers l'historien des familles.

Il n'en reste pas moins qu'une chose me surprend dans ce débat sur l'arbre généalogique universel (quelque peu utopique, à mon avis) : pourquoi un tel sujet déclenche-t-il des réactions parfois violentes, que je qualifierai d'épidermiques ?

Nous y voilà ! La généalogie touche à l'intime. Je l'ai déjà constaté lorsque j'ai participé à des ateliers et je le vérifie lorsque je lis tel ou tel commentaire. Certains sujets sont porteurs d'émotions : secrets de famille, ancêtres dits "sensibles", enfants abandonnés ou confiés à l'Assistance publique… La Bruyère, je crois, disait que nous descendons tous d'un roi et d'un pendu, mais la caution d'un illustre écrivain ne suffit pas toujours à nous faire accepter les faits.

Sommes-nous prêts à mettre sur la place publique l'intégralité des données que nous avons collectées ? Même si "nos" ancêtres ne nous appartiennent évidemment pas, ils réveillent en nous un écho venu des profondeurs. J'évoquerai au passage, sans me prononcer sur sa pertinence, la psychogénéalogie qui établit des liens entre le mal-être ressenti par une personne et l'histoire de ses ascendants.

D'autres questions me viennent également à l'esprit, auxquelles je ne suis pas sûre de pouvoir répondre avec précision : pourquoi faisons-nous des recherches généalogiques ? quels sont nos objectifs ? quelles sont nos motivations ? Ah, ah, vastes sujets ! Permettez-moi de les laisser aujourd'hui en suspens…

À lire sur le même sujet d'autres blogueurs :


lundi 16 septembre 2013

La chasse aux doublons est ouverte !


En généalogie, un doublon est un individu qui possède deux fiches ou davantage, au lieu d'une seule, dans une base de données. Il encombre donc inutilement celle-ci.

Les doublons surgissent au détour d'un acte dans lequel ils sont cités : parrains et marraines, témoins d'un mariage, personnes présentes à une sépulture, parfois même officiant religieux ou officier d'état civil. L'absence de détails (âge, métier, lien de parenté, lieu de résidence…) complique leur identification, d'autant plus s'ils n'ont pas apposé leur signature sur le registre !



Dès le début, j'ai pris l'habitude de saisir dans Heredis toutes les personnes citées dans les actes, mais j'ai un temps hésité entre deux attitudes :
  • La prudente, qui consiste à créer une nouvelle fiche si j'ai un doute sur l'identité de la personne,
  • La paresseuse, qui consiste à créer un lien avec une fiche existante, si les présomptions sont suffisantes (que celui qui ne l'a jamais fait me jette la première pierre).

Rassurez-vous, j'ai désormais compris que la première option était la seule acceptable. Mais si les doublons ont tendance à proliférer, comment arrêter ces envahisseurs ? Et d'abord, comment les repérer ?

Premier indice manifeste : les homonymes. Méfions-nous toutefois des prénoms qui se transmettent de père en fils ou de parrain à filleul, multipliant à plaisir, par exemple, les Mathurin Troussier (actuellement, une bonne douzaine dans mes ancêtres, clairement identifiés comme étant des personnes distinctes).

Deuxième indice : l'absence de dates clés, je veux dire par là les dates de naissance ou de baptême, de mariage, de décès ou de sépulture. Le cas est surtout fréquent sous l'Ancien Régime, les officiers d'état civil, notamment ceux de la deuxième moitié du XIXe siècle, étant moins avares en détails que les prêtres qui tenaient les registres paroissiaux. Cela peut se comprendre : le curé qui croisait ses ouailles tous les jours ne voyait pas la nécessité de préciser un lien qui lui paraissait évident.

J'ai donc décidé de faire le ménage dans mon arbre généalogique. Mais comment s'y prendre et par quel bout commencer ? Je viens de franchir le cap des 8 000 fiches et je me vois mal les éplucher une par une, dans l'ordre alphabétique où elles se présentent, précédées de quelques prénoms sans autre patronyme qu'un magnifique point d'interrogation (résultat de difficultés de lecture ou d'un curé négligent). Combien de jours, de mois, d'années peut-être, avant d'atteindre le dernier personnage de la liste ?

Je pense que je vais procéder branche par branche, en commençant par les plus fournies. Ce qui fait immédiatement surgir la question suivante : comment repérer les branches qui comprennent le plus d'individus ?

Dans Heredis, si je passe par le dictionnaire des noms, j'ai bien la fréquence d'utilisation de chaque patronyme, mais à condition de le sélectionner dans la liste. Trop long ! avec les variantes, il y en a actuellement 3 192 !

Dans Geneanet, j'obtiens quelque chose de plus satisfaisant, avec le chemin d'accès suivant : Voir mon arbre/Autour de l'arbre/Statistiques/Fréquence/Noms. Cela donne une liste de patronymes, classée par ordre décroissant de fréquence.

Le mieux consiste à combiner les deux approches : un premier tri dans Geneanet pour repérer les patronymes les plus fréquents et un passage par Heredis et sa palette "Individus", pour y incorporer les variantes (Laubret, mais aussi Laubré et Laubrette, par exemple). J'obtiens ainsi la liste de tous les individus porteurs du même nom, indépendamment des fantaisies introduites par les différents rédacteurs des actes.

Sans grande surprise, les patronymes qui se détachent nettement sont celui de mon père et celui de ma mère, puis celui des Troussier originaires de la Mayenne. À moi de jouer pour y traquer les doublons. Mais comment m'y prendre ?

Dans un premier temps, j'ai l'intention de rechercher les dates manquantes, en complétant les fratries, en recherchant les dates clés des collatéraux et alliés ainsi que celles de leurs parents et de leurs enfants. Cela devrait permettre d'éclaircir certains points, notamment tous ces individus indiqués dans les actes comme oncles et tantes, gendres, beaux-frères, cousins…

Ensuite, relire les actes pour peut-être y découvrir un détail qui m'aurait échappé : ce mot que je n'avais pas déchiffré dans un acte de baptême à la suite du nom du parrain, n'est-ce pas "orfevre" ? J'ai bien par ailleurs un homonyme marchand orfèvre, qui a épousé une tante de l'enfant…

Enfin, noter les points sur lesquels je bute et pourquoi : difficile d'identifier avec certitude les liens de parenté avec un parrain, une marraine, un témoin, lorsque les registres des vingt ou trente années précédentes ne sont pas disponibles. Je sais que je n'éliminerai jamais radicalement les doublons de ma base de données, mais je peux d'ores et déjà la nettoyer un peu.

Bon, voilà l'ébauche d'un programme pour les semaines à venir…

Et vous, comment faites-vous pour éliminer les doublons ?

lundi 9 septembre 2013

Retour à la terre


Rassurez-vous, je ne suis pas là pour tenir un discours politique ou faire la promotion d'une bande dessinée, mais pour vous parler de Marie Augustine Chancé et de sa famille.

Pommiers normands
Mes ancêtres normands ont attendu le milieu du XIXe siècle pour quitter, certains d'entre eux au moins, leur village natal de Notre-Dame-du-Touchet. Sur les sept enfants du couple formé par Louis Martin Chancé et Anne Restaux en 1815, trois ont quitté le bocage pour s'installer durablement à Paris. Franchissant ainsi d'une seule traite (façon de parler) plus de trois cents kilomètres !

Pour quel(s) motif(s) ? dans quelles conditions ont-ils effectué ce voyage ? pourquoi avoir choisi la capitale, et non pas une ville plus proche ? leurs parents étaient-ils propriétaires des terres qu'ils exploitaient ? fallait-il éviter de morceler l'héritage ? Autant de questions à ce jour sans réponse, autant de pistes à explorer.

Mais revenons à nos trois frères devenus parisiens, Louis, François et Frédéric. Ils ont tous trois bénéficié d'une kyrielle de prénoms lors de leur baptême, selon une mode bien établie au XIXe siècle, mais je choisis le seul qu'ils utilisent lorsqu'ils signent, pour ne pas vous embrouiller l'esprit.

François, né en 1826, et Frédéric, né en 1834, ont tous deux exercé le métier de peintre en bâtiments ; c'est ainsi qu'ils sont qualifiés dans tous les actes qui les concernent, jusqu'à leur décès. Ils se sont mariés, plusieurs fois l'un et l'autre, et ils ont eu des enfants qui, à leur tour, se sont mariés et ont exercé une profession à Paris (peintre, serrurier, doreur sur bois…). Je note au passage qu'ils ont déménagé à plusieurs reprises, rive droite, rive gauche, et même à Montmartre avant que cette commune soit rattachée à la capitale.

Mes racines parisiennes remontent donc au XIXe siècle, ce qui n'est pas si fréquent pour les Parisiens d'aujourd'hui. Mais foin des digressions ! François est décédé en 1900, à soixante-treize ans, à l'hôpital Bicêtre, et son cadet Frédéric est décédé en 1910, à soixante-seize ans, à l'hôpital Bichat (le fameux "Bastion 39" que j'évoquais dans un précédent billet)(1).

L'existence de Louis, leur aîné, est plus brève. En 1848, il a vingt-huit ans et il habite avec son frère François au n°4 de la rue de la Coutellerie, lorsque ce dernier se marie en l'église Saint-Merri. C'est néanmoins à Notre-Dame-du-Touchet que Louis épouse Rosalie Gilette Mabire l'année suivante : la cérémonie civile a lieu le 21 mars 1849 et la cérémonie religieuse dix mois plus tard, le 22 janvier 1850. Pourquoi ce laps de temps entre les deux ? Encore une question sans réponse.

Curieusement, Louis est qualifié de cultivateur ou de laboureur dans les deux actes, alors qu'il est déjà parisien. Pas de mention particulière pour les bans civils, apparemment publiés uniquement à Notre-Dame-du-Touchet. Les bans religieux ont été, quant à eux, également publiés à l'église Saint-Merri à Paris.

Le couple s'installe manifestement dans la capitale, où Louis exerce la profession de broyeur de couleurs(2). Vraisemblablement pour le compte de ses deux frères peintres.

Louis et Rosalie ont-ils eu des enfants ? Vous n'ignorez pas que les archives de l'état civil de Paris antérieures à 1860 ont été détruites lors des incendies de la Commune, qui ont ravagé l'Hôtel de Ville et le Palais de Justice où elles étaient entreposées. Ce qui complique quelque peu les recherches ! Elles ont été partiellement reconstituées, notamment à partir des documents apportés par les particuliers, lorsque ceux-ci avaient besoin d'une pièce officielle, mais sont très loin d'être complètes. J'y ai vainement cherché la naissance d'un ou de plusieurs enfants du couple formé par Louis Chancé et Rosalie Mabire…

Mais j'y ai trouvé mention du décès de Louis, en 1857. Une visite aux Archives de Paris, boulevard Sérurier, m'a permis de récupérer une copie du document utilisé par la Commission de reconstitution : Louis Chancé est décédé le 17 mai 1857 à dix heures du matin, en son domicile alors situé au n°19 de la rue des Amandiers Saint-Jacques (dans l'ancien 12e arrondissement devenu aujourd'hui le 5e), sur la rive gauche de la Seine. Un médecin constate le décès. Louis n'avait alors que trente-sept ans.

Il était pourtant bien père : une petite Marie Augustine était née six ans auparavant, en janvier 1851. Je l'ai retrouvée dans les tables décennales de Notre-Dame-du-Touchet, à l'occasion de son mariage avec Victor Louis Restoux, un cultivateur de trente-trois ans. La mort prématurée de Louis avait-elle incité ou contraint Rosalie et sa fille à retourner au pays ?

Le mariage a lieu le 11 novembre 1869. La jeune fille, qui a maintenant dix-huit ans, est accompagnée de sa mère (qui réside à nouveau dans le village où elle est née). Marie Augustine s'installe à Virey, au lieu-dit de la Coignière, d'où son mari est originaire. Le bourg est situé à une quinzaine de kilomètres à l'ouest de Notre-Dame-du-Touchet. Quatre enfants vont naître de cette union : une fille en 1870, puis trois garçons, respectivement en 1872, 1874 et 1878. Marie Augustine est désormais qualifiée de cultivatrice dans tous les actes officiels.

Las, le 22 décembre 1883, l'instituteur et son adjoint se présentent à la mairie de Virey pour y déclarer le décès de Victor Louis Restoux. Voilà Marie Augustine veuve à trente-deux ans, avec quatre enfants ! Mais l'histoire ne s'arrête pas là.

En juin 1890, Marie Augustine, qui a trente-neuf ans mais n'en avoue que trente-six, fait publier les bans de son prochain mariage avec François Gillet. Ce dernier, journalier, a tout juste vingt-trois ans. Travaille-t-il sur les terres cultivées par sa future épouse ? Toujours est-il qu'à peine deux mois plus tard naît à la Coignière le petit François Victor Marie Gillet. Il est reconnu par son père dans l'acte de naissance, mais nulle trace de mariage dans les registres…

Les archives de la Manche sont actuellement numérisées jusqu'à l'année 1892 incluse. Il me faudra donc patienter pour connaître la suite. Mais j'ai d'ores et déjà découvert parmi mes ancêtres un cas peu banal de retour à la terre, à une époque où les migrations se faisaient plutôt des campagnes vers les villes ! Marie Augustine, en avance sur son époque ?

(1) Voir "Une histoire de bastion" en juin 2013
(2) Voir "B comme broyeur de couleurs" en avril 2013

lundi 2 septembre 2013

Une guerre oubliée ?


J'ai parmi mes ancêtres quelques militaires. L'un d'eux, Achille Maitreau, né à Concourson le 5 janvier 1821, a rendu l'âme à Pau le 4 décembre 1914, un mois avant de fêter son quatre-vingt-quatorzième anniversaire.

Je n'ai pas encore consulté son dossier au Service historique de la Défense (honte à moi, c'est à dix minutes à pied de mon camp de base !), mais je sais déjà qu'il fit partie du 3e régiment de voltigeurs de la garde impériale de Napoléon III.

Il fut nommé chevalier de la Légion d'honneur par décret du 4 juillet 1862 ; pour quel motif ? je l'ignore. Le dossier consultable dans la base Léonore ne comporte que quatre feuillets, dont deux relatifs au paiement d'un traitement annuel de 250 francs. L'extrait du registre d'état civil, qui y figure également, m'a néanmoins permis de préciser la date de son décès, que je situais après le 1er juillet 1914, sans en être tout à fait sûre.

Le bulletin des lois relatif à sa nomination au grade de chevalier en juillet 1862 indique qu'à cette date, il comptait vingt ans de service actif et une campagne. Une seule ? cela me paraît peu au regard de certaines autres nominations.

Quelles sont les campagnes dans lesquelles des troupes françaises furent engagées durant cette période ? Un coup d'œil à Wikipédia permet de répondre en partie à cette question :
  • La conquête de l'Algérie à partir de 1830,
  • La guerre de Crimée de 1853 à 1856,
  • La campagne d'Italie de 1859,
  • L'expédition du Mexique à partir de 1861.

Achille Maitreau a-t-il participé à l'une d'elles ? Il n'y a pas de doute, il faut que je demande communication de son dossier au SHD. En attendant, je me suis tournée vers Gallica et j'ai découvert un autre élément, à ajouter à la biographie de mon arrière-grand-père : la guerre franco-prussienne de 1870. Dans ma naïveté, j'avais oublié cet épisode.

Je savais que, lors de son mariage à Pau en 1868, avec la fille d'un médecin-major en retraite, Achille Maitreau était désormais capitaine au 58e régiment d'infanterie de ligne. Je savais que son fils Maurice était né le 31 octobre 1869 rue Marca, cette artère qui monte du gave vers la Haute-Plante (aujourd'hui la place de Verdun), en laissant le château sur sa droite. Mais j'avais oublié que c'était un officier d'active.

Le conflit qui allait entraîner la chute du Second Empire éclate en juillet 1870. Une sombre histoire de candidature d'un prince de Hohenzollern au trône espagnol : Napoléon III s'y opposait, apparemment. Toujours est-il que les troupes françaises se retrouvent face aux troupes prussiennes. Les défaites et les retraites se succèdent durant tout le mois d'août dans l'extrême nord-est de la France, jusqu'au désastre de Sedan, le 1er septembre, et à la capitulation de l'empereur le 2.

Carte de la bataille de Sedan
Source Gallica

Le 58e régiment d'infanterie de ligne est pris sous le feu de l'artillerie allemande dans la zone du calvaire d'Illy, au nord de Sedan. Voici le texte(1) que j'ai trouvé sur Gallica :

"La position n'est plus tenable : nos troupes, mitraillées de flanc et de face, évacuent le calvaire d'Illy.
Le 58e de ligne bat en retraite en tirailleurs et par échelon, vu le grand nombre de projectiles ennemis qui balaient le terrain, et perd un officier tué, le capitaine Lesbros, et sept blessés : le commandant Bellegarrigue ; le capitaine adjudant-major Balite ; les capitaines Maitreau, Haraucourt ; les lieutenants Lombarès, Cabaret, et le chef de musique Sonnier."

Quelle était la gravité de la blessure du capitaine Maitreau ? fut-il évacué vers un hôpital ? si oui, lequel ? qu'advint-il de lui ensuite ? Autant de questions qui devraient trouver réponse dans son dossier. Quoi qu'il en soit, il était de retour à Pau en avril 1871, puisqu'il se présente à la mairie pour y déclarer la naissance de sa fille Jeanne Marie Clarisse.

Évidemment, on commémore plus souvent les victoires, même si elles furent parfois longues à venir, que les défaites. C'est pourquoi, sans doute, je n'avais pas imaginé que mon arrière-grand-père avait participé à cette guerre de 1870, beaucoup moins souvent évoquée que celle qui lui succéda en 1914 et qui fut d'une autre ampleur, il va sans dire.

(1) Dick de Lonlay, Français et Allemands, histoire anecdotique de la guerre de 1870-1871, Paris, Garnier frères, 1887