lundi 28 mars 2016

Trêve pascale

J'ai trouvé le dernier numéro de la Revue française de généalogie et son supplément consacré à l'organisation du travail dans la boîte aux lettres, j'ai entamé la rédaction des billets pour le challenge AZ 2016, je prépare une prochaine visite aux Archives de Paris. Bref, l'ennui n'est pas au programme…



Et si on se faisait une petite pause, là, le temps de finir les chocolats ? À lundi prochain ! D'ici là, portez-vous bien.

lundi 21 mars 2016

Vingt-quatre heures dans les tranchées

Je viens d'achever la lecture d'un très court livre, intitulé Les obus jouaient à pigeon vole(1). Il décrit la vie de Guillaume Apollinaire et de ses camarades de tranchée, face aux lignes allemandes, au Bois des Buttes (Aisne) en mars 1916.


Rappelons que le poète, né en Italie en 1880 mais d'origine polonaise, s'était porté volontaire pour servir dans l'armée française. Il fut naturalisé le 9 mars 1916, huit jours avant d'être blessé à la tempe par un éclat d'obus, alors qu'il lisait un exemplaire du Mercure de France(2). Vous connaissez sûrement ces portraits de l'homme en uniforme, la tête bandée ou le front ceint d'une courroie de cuir…

Le livre reprend le compte à rebours des vingt-quatre heures qui précèdent la blessure. Il décrit sobrement le quotidien misérable de l'infanterie dans les tranchées et constitue un intéressant contrepoint aux innombrables ouvrages savants sur la Première Guerre mondiale.

Guillaume Apollinaire sera emporté par la grippe espagnole le 9 novembre 1918, deux jours avant l'armistice, et il sera enterré au cimetière du Père-Lachaise. Les cinq mille ouvrages de sa bibliothèque seront acquis par la Bibliothèque historique de la ville de Paris en 1990.



(1) Raphaël Jerusalmy, Les obus jouaient à pigeon vole, Editions Bruno Doucey, 2016, 184 pages, ISBN 978-2-36229-094-7

(2) À l'époque, revue bimensuelle qui publiait des poèmes et des textes littéraires. Disponible en ligne sur le site de Gallica.

lundi 14 mars 2016

La blessure d'Achille Maitreau

L'un de mes arrière-grands-pères, militaire de carrière, fut blessé le 1er septembre 1870, aux environs de Sedan. Bataille qui provoqua la reddition de l'armée française et la chute du Second Empire.

J'ai d'abord eu connaissance de cette blessure en effectuant une recherche sur le patronyme Maitreau dans Gallica. Je tombai sur un ouvrage intitulé Français et Allemands, histoire anecdotique de la guerre de 1870-1871(1), dans lequel je lus ce paragraphe :

"Le 58e de ligne bat en retraite en tirailleurs et par échelon, vu le grand nombre de projectiles ennemis qui balaient le terrain, et perd un officier tué, le capitaine Lesbros, et sept blessés ; le commandant Bellegarrigue ; le capitaine adjudant-major Ballite ; les capitaines Maitreau, Haraucourt ; les lieutenants Lombarès, Cabaret, et le chef de musique Sonnier."

Récit factuel, qui ne donne aucun détail sur la nature et la gravité des blessures.

Source Gallica

J'en apprendrai un peu plus en consultant le dossier de pension d'Achille Maitreau au Service historique de la Défense, à Vincennes. Un premier feuillet, intitulé Situation militaire de M. Maitreau Achille André, capitaine, depuis l'origine de la guerre jusqu'à la fin de la lutte contre l'insurrection fournit ces précisions : "Etait au combat de Mouzon. Etait à la bataille de Sedan. A eu le bras droit brisé par une balle à cette dernière affaire le 1er 7bre."

Et, au-dessous, à la rubrique Situation de l'officier durant l'insurrection de Paris : "Etait aux ambulances pendant l'insurrection." Le tout peut-être de la main d'Achille Maitreau, en tout état de cause signé par lui et contresigné par un lieutenant-colonel.

Dans le même dossier de pension, je trouve un extrait du cahier de notes daté de juillet 1871, où figure ce paragraphe : "Caractère énergique, s'est parfaitement montré pendant la campagne où il a été blessé grièvement au bras droit, ce qui le gêne probablement dans le service actif."

L'année suivante, dans le document daté d'août 1872 : "Est en ce moment aux Eaux pour la blessure qu'il a reçue à Mouzon et demande sa retraite." Un autre feuillet ajoute cette précision : "Atteint le 1er septembre à la bataille de Sedan d'une balle au bras droit qui est sortie en lésant les os sur son passage."

Je commençais à me faire une idée plus précise de la blessure. Et puis, le mois dernier, en explorant les richesses inattendues de la presse locale et régionale, j'ai déniché cet article dans L'Indépendant des Basses Pyrénées daté du 12 septembre 1870 :

"On nous communique la lettre suivante d'un brave officier du 58e :

Monsieur,
J'ai reçu la douloureuse mission de vous informer que M. Maitreau a été blessé à la bataille de Sedan, au bras droit à 15 centimètres de l'épaule. Cet accident quoique grave, n'a nullement affecté le moral de mon brave capitaine. Je suis allé le voir à l'ambulance du collège à Sedan, où il restera probablement jusqu'à sa guérison. Le docteur Didelot lui a posé un appareil : suivant la remarque que j'ai pu faire en allant le voir deux ou trois fois avant de partir en captivité, il y a lieu d'espérer que sous peu de jours il ira très bien. La guérison sera longue mais elle est certaine."

La lettre se poursuit sur les malheurs du temps. Elle est signée Clapot, sous-lieutenant à la 2e compagnie du 1er bataillon du 58e de ligne, prisonnier de guerre. C'est peut-être cette dernière pièce du puzzle qui permet d'avoir une vision d'ensemble de l'affaire.




(1) Dick de Lonlay, Français et Allemands, histoire anecdotique de la guerre de 1870-1871, Paris, Garnier frères, 1887

lundi 7 mars 2016

Des pistes à explorer

En janvier dernier, j'ai profité d'une journée ensoleillée pour aller photographier la tombe du sculpteur Alexandre Falguière (1831-1900) au cimetière du Père Lachaise. Pourquoi, me direz-vous ? parce que ma marraine y est enterrée au côté de son mari, le commandant Falguière, chef d'escadron au 4e hussards, officier de la Légion d'honneur, Croix de guerre et, accessoirement, fils du sculpteur.

Tombe Falguière au cimetière du Père Lachaise
Collection personnelle

Si j'ai bien connu cette dame qui aimait à raconter qu'elle avait le même âge que la Tour Eiffel, je savais peu de choses sur son époux, décédé en décembre 1925, à l'âge de cinquante ans, laissant une jeune veuve avec quatre enfants en bas âge. L'un d'eux épousera la plus jeune sœur de ma mère vingt ans plus tard, nouant ainsi des liens entre nos deux familles.

Poussée par la curiosité, j'ai donc entamé des recherches généalogiques sur le sculpteur et sur sa descendance, aidée en cela par les dossiers numérisés de la Légion d'honneur, accessibles sur la base Léonore. Une excellente porte d'entrée pour des recherches plus approfondies.

Je m'arrête aujourd'hui sur le mariage de Maurice Alexandre Falguière et d'Yvonne Guéroult. Outre le fait qu'il fut célébré le 7 novembre 1918, quatre jours avant l'armistice de la Première Guerre mondiale, il est également remarquable en raison des témoins qui apposent leur signature au bas de l'acte. Jugez plutôt.

Henri Blacque-Bélair, tout d'abord. À l'époque général de brigade, officier de la Légion d'honneur, il fut écuyer en chef de l'Ecole de cavalerie de Saumur, le fameux Cadre noir, de 1909 à 1914. Il rédigea plusieurs ouvrages sur l'art équestre, dont en 1912 Réponses au questionnaire d'équitation de l'école de cavalerie, principes et directives classiques(1). Je parcours la dédicace et j'y retrouve le nom du lieutenant Falguière, parmi les écuyers qui ont servi sous ses ordres.

André Barbet-Massin, ensuite. Chef de bataillon d'infanterie à l'état-major d'un corps d'armée, chevalier de la Légion d'honneur. En 1917, il était au service de l'état-major du 5e corps d'armée, tout comme le capitaine Falguière.

Manifestement, ces deux militaires sont donc les témoins du mari. J'ai tendance à penser que les deux autres sont les témoins de l'épouse. Sur Anne Marie Doré Graslin, propriétaire à Nantes, je n'ai pas d'information particulière. Yvonne Guéroult était bretonne, au moins par sa mère, mais je n'ouvrirai pas ici un débat sur le fait de savoir si la ville de Nantes est ou non rattachée à la Bretagne.

Passons au dernier témoin : Emile Fabre, quarante-cinq ans, administrateur général de la Comédie française(2)officier de la Légion d'honneur à l'époque du mariage. Il accèdera au grade de commandeur en septembre 1920 et son dossier en ligne sur la base Léonore ne comprend pas moins de trente-neuf pages ! En le feuilletant, je constate que sa nomination au grade de chevalier en 1904 rencontra une réticence certaine, car je tombe sur un document portant le tampon de la Grande Chancellerie où figurent ces quelques lignes : "Renseignements Emile Fabre, Mœurs privées douteuses, Honorabilité nulle avec les femmes, Le rouge n'est pas sa couleur" !

Portrait d'Emile Fabre en 1917
Source Wikimedia Commons

Mais voyons cela de plus près. Emile Fabre (1869-1955) est d'abord connu comme auteur dramatique et comme metteur en scène, partisan du Théâtre-Libre. Nommé administrateur général de la Comédie française en décembre 1915 pour la durée de la guerre, il restera finalement en poste jusqu'en 1936.

Dans le dossier fourni à l'appui du projet de nomination au grade de commandeur en 1920, je trouve la liste des pièces qu'il a écrites et à la rubrique "Détails sur les services extraordinaires rendus par le candidat" un long paragraphe sur le théâtre aux armées. Emile Fabre en est le fondateur et, à ce titre, aurait donné plus de 1 200 représentations sur le front. Tiens, tiens ! Voilà qui accréditerait ce que je prenais jusqu'à présent plus ou moins pour une légende familiale : ma marraine aurait fait du théâtre et elle aurait peut-être même figuré dans certains films du temps du cinéma muet ! Si elle a sollicité Emile Fabre pour être témoin à son mariage, c'est sans aucun doute qu'elle le connaissait bien et peut-être qu'elle l'avait côtoyé professionnellement parlant.

Je me demande même dans quelle mesure elle n'a pas rencontré son futur mari à cette occasion ? Pour en savoir davantage, il me faudrait au moins deux éléments : quel était le nom de théâtre d'Yvonne Guéroult et où trouver des informations sur les représentations du théâtre aux armées durant la Grande Guerre. Si vous avez des pistes à me proposer…



(1) Henri Blacque-Bélair, Réponses au questionnaire d'équitation de l'école de cavalerie, principes et directives classiques, J. B. Robert, libraire éditeur 46, rue d'Orléans, Saumur 1912, disponible sur le site du fonds ancien des bibliothèques équestres de Saumur.

(2) L'administrateur général de la Comédie française décide notamment de la programmation des pièces, avec l'assistance d'un comité de lecture.