lundi 25 novembre 2013

Première visite au SHD


Ça y est, j'ai ma carte de chercheur au Service historique de la Défense !

Je vais pouvoir cocher une rubrique sur ma "to do list" généalogique. Cela devenait d'autant plus ridicule qu'il m'a fallu à peine quinze minutes, à pied, montre en main, pour atteindre le Pavillon du Roi. Comme vous le savez sans doute, c'est là qu'est installé le SHD, dans l'aile ouest du château de Vincennes, côté Bois.

Le Pavillon du Roi est au premier plan
à gauche (toit gris sombre)
Peu de promeneurs dans l'enceinte du château, en ce morne lundi de novembre, à l'exception d'un groupe d'enfants (activité périscolaire dans le cadre des nouveaux horaires ?).

Le bureau où s'effectue l'inscription des lecteurs et la délivrance des cartes est situé à droite en entrant dans le hall. Il est demandé de frapper avant d'entrer, je m'exécute. Deux personnes avant moi, l'une prise en charge par la personne chargée des dossiers d'inscription, l'autre en train de compléter des formulaires. Je me plie aux exigences : remplir une fiche de renseignements recto verso (penser à se munir d'une carte d'identité), plus un formulaire par lequel je m'engage à respecter le code du patrimoine sur la communication des archives et le règlement intérieur de la salle de lecture. On ne plaisante pas avec les archives de l'armée.

On me délivre immédiatement une carte provisoire de chercheur. Las, le système informatique a une légère défaillance, il ne sera pas possible de faire la photo d'identité aujourd'hui. Ce n'est pas grave, je reviendrai.

Suivent les recommandations habituelles : dépôt des affaires personnelles au vestiaire, usage exclusif du "crayon à papier" (éventuellement fourni en cas d'oubli), utilisation de feuilles volantes pour prendre des notes. Je vais quelque peu me battre avec la clef du casier, jusqu'à ce que je découvre qu'il faut mettre une pièce de 1 € (qui me sera rendue au retour) dans la serrure. Comme si j'allais partir avec la clef, en laissant sur place manteau, sac, portefeuille, cartes de crédit, téléphone… Passons sur cette logique un peu bizarre !

Je grimpe ensuite les superbes volées d'escaliers dans une ambiance feutrée. Contrôle de ma carte à l'entrée de la première salle, dite "salle de références", où sont rangés les instruments de recherche. Deux personnes se tiennent à la disposition des visiteurs pour les orienter, en cas de besoin. J'explique mon cas, en montrant la fiche individuelle d'Achille Maitreau, que j'avais imprimée : y figurent de précieuses indications sur les grades successifs et les affectations de mon arrière-grand-père entre 1851 et 1873, déjà glanées sur Internet.

Les premières minutes ne sont pas concluantes, en dépit de l'extrême gentillesse de mon guide, qui consulte avec moi les répertoires des officiers en série Ye. Sans succès. Il me réoriente vers la série Yf relative aux dossiers de pension militaire. Et là, bingo, je tombe immédiatement sur lui : Maitreau Achille André, pensionné en 1873. Je n'ai plus qu'à relever le numéro du dossier.

Étape suivante, je me rends en salle de lecture, avec un nouveau formulaire, pour commander ce fameux dossier et prendre date, auprès de la présidente de salle : il faut compter environ quatre semaines pour pouvoir le consulter. Bah ! je peux bien patienter encore quelques jours, après avoir sans cesse reporté cette visite au SHD, depuis quand déjà ?

Je sors satisfaite, non sans avoir montré à la personne en faction à la porte de la première salle le sac transparent trouvé dans le vestiaire, pour les indispensables papiers et crayon : la preuve que je n'ai piqué aucun document !

Un petit tour sur le site du SHD, une fois rentrée à mon camp de base, m'a permis de vérifier que les répertoires évoqués ci-dessus sont consultables en ligne. J'y ai aussitôt relevé le numéro de dossier de François Morel, je pourrai même faire une réservation à distance, si cela me chante… et bientôt en savoir davantage sur mes ancêtres militaires.

lundi 18 novembre 2013

Nouvelle visite aux Archives de Paris


Je suis retournée aux Archives de Paris, mardi dernier, alors qu'un brouillard d'eau enveloppait la capitale. J'avais deux objectifs :
  • Consulter le Bottin du Commerce à la recherche d'informations sur mes ancêtres peintres en bâtiments,
  • Consulter les registres de catholicité pour compléter les lignes de vie de ces mêmes ancêtres parisiens.

Aucun succès avec le Bottin du Commerce. J'ai déroulé en vain plusieurs bobines de microfilms, sans trouver trace de mes peintres, ni aux différentes adresses où ils demeuraient, ni dans les listes par profession. Étaient-ils salariés, installés à leur compte, travaillaient-ils à la tâche ? Il va falloir que je me documente plus sérieusement sur l'exercice de ce métier au XIXe siècle, ainsi que sur les conditions d'inscription dans les pages du Bottin.

Peintres en bâtiment, par Gustave Caillebotte, 1877

Davantage de résultats en revanche du côté des registres de catholicité. C'est ainsi que j'ai pu consulter, photographier et transcrire quatre actes qui m'intéressaient.

1.   L'acte de baptême de Marie Augustine Chancé

C'est la fille de Louis, le broyeur de couleurs(1) qui décèdera six ans plus tard, à l'âge de trente-sept ans, et de son épouse Rosalie Mabire.

L'enfant est porté sur les fonts baptismaux de l'église Saint-Merri le dimanche 12 janvier 1851. Normal, les parents demeurent à l'époque à quelques pas de là, au n°3 de la rue de la Coutellerie. Tout comme la marraine, Marie Chalvet, qui n'est autre que la première épouse de François Chancé, l'un des frères de Louis, et par conséquent la tante par alliance de l'enfant.

Je note au passage que mes Normands ne s'étaient sans doute pas complètement défaits de leur accent, car le vicaire a écrit "Chauvet" et non "Chalvet".

Le parrain, Auguste Lemonnier, est jardinier… rue des Quatre Jardiniers, "au petit Charonne", dit le vicaire. Rappelons qu'en 1851 la capitale n'avait pas encore absorbé tout ou partie des villages au-delà du mur des Fermiers généraux.

Juste une question : pourquoi avoir attendu une semaine pour baptiser la fillette née le 5 janvier ? À l'époque, le baptême avait lieu le jour même ou le lendemain, tellement la mortalité était élevée. Petit mystère, sans réponse pour l'instant.

2.   L'acte de mariage religieux de Frédéric Chancé et Victoire Poirier

Mon arrière-grand-père du côté paternel se marie à la paroisse Saint-Jacques du Haut-Pas, à quelques maisons du 301 de la rue Saint-Jacques, le 5 juin 1860. Manifestement, Frédéric et Victoire, originaires du même village normand, se sont déjà mis en ménage, puisque l'adresse indiquée pour les deux futurs mariés est la même. Et que Victoire, la jeune piqueuse de bottines dont j'ai déjà parlé dans un précédent billet(2), donnera le jour cinq  mois plus tard à une petite Marie Léonie, à la maternité Port-Royal, avant de décéder des suites de l'accouchement.

Réprobation du vicaire pour l'état de la mariée ou volonté de réduire les frais, il est indiqué dans la marge du registre que la cérémonie est un mariage de… 8e classe ! Ici encore, certains patronymes ou certains noms de rue sont écorchés, tant pis pour les futurs généalogistes.

3.   L'acte de mariage religieux de Frédéric Chancé et Madeleine Laubret

Le jeune veuf se remarie le 9 novembre 1861. Entre-temps, il a rejoint l'un de ses frères, installé dans le tout nouveau 18e arrondissement de Paris, rue Feutrier. La cérémonie a donc lieu à l'église Saint-Pierre de Montmartre, en haut de la butte où la basilique du Sacré-Cœur n'a pas encore été édifiée (la première pierre ne sera posée qu'en juin 1875, plusieurs années après les épisodes de la Commune).

Quelques imprécisions dans le registre paroissial, où le patronyme de François Chancé, témoin et frère du marié, se voit transformé en Chaussay.

4.   L'acte de mariage de Frédéric Chancé et Jenny Letourneau

Il s'agit cette fois-ci de mon grand-père paternel, fils du couple évoqué dans l'acte de mariage précédent. La bénédiction nuptiale est donnée le 23 avril 1908 dans l'église Saint-Nicolas des Champs, proche du 226 rue Saint-Martin, où résidait ma grand-mère paternelle. En juin dernier, j'avais publié la photo officielle(3), prise ce jour-là.

Mariage Frédéric Chancé et Jenny Letourneau,
Archives personnelles

Et cette fois-ci, je butte sur la mention suivante : "Vu la dispense du temps prohibé". Allons bon, de quoi s'agit-il ? Brigitte, assise à côté de moi dans la grande salle de lecture des Archives de Paris, me rappelle gentiment qu'il est des périodes dans l'année où l'église ne célèbre pas de mariage, ce qui explique a contrario les "pics" des mois de novembre, d'une part, et janvier-février, d'autre part, dans les registres paroissiaux de l'Ancien Régime. Question à creuser.

Commençons par le calendrier : le 23 avril 1908 est un jeudi, le premier qui suit les fêtes de Pâques, célébrées cette année-là le dimanche 19 avril. Dans mon souvenir, les temps prohibés étant l'Avent et le Carême, il va falloir pousser plus loin mes recherches.

Je consulte cette fois le catéchisme de Saint Pie X (que ne ferait-on pas pour la généalogie), qui explique notamment les préceptes de l'église catholique par un jeu de questions et de réponses. J'y découvre la phrase suivante : "Par le 5e précepte, l'Église ne défend pas la célébration du sacrement de Mariage, mais seulement la solennité des mariages, du premier dimanche de l'Avent à l'Épiphanie et du premier jour du Carême à l'Octave de Pâques."

Nous y voilà. Contrairement aux croyances généralement admises, les temps prohibés vont au-delà de Noël et de Pâques. Toutefois, le mariage peut être célébré, mais sans solennité et sans pompe extraordinaire. Les dispenses sont vraisemblablement accordées moyennant une modeste contribution aux frais de l'évêché, je n'ai aucune illusion en ce domaine.

Reste une question : quel motif ont invoqué mes grands-parents pour choisir pareille date ? Nouvel aller et retour sur le calendrier : mon père est né quarante semaines après le mariage de ses parents, ce qui semble écarter la raison de l'urgence. Alors, s'agissait-il d'éviter des frais jugés excessifs et superfétatoires ? les grandes orgues, les fleurs, les cloches, le bedeau et tout le toutim ? Pingres, mes grands-parents ? tout est possible !

Vous l'aurez compris, la lecture des registres de catholicité disponibles aux Archives de Paris réserve quelques surprises.

Un dernier point : pour trouver facilement un acte, il faut disposer de deux éléments, une date (au moins approximative) et le nom d'une paroisse. Un seul hic, j'en ai dénombré environ quatre-vingts ! C'est pourquoi je vous recommande un petit livre fort utile, que j'ai trouvé aux dernières Généalogiques, le 10 novembre dernier : le "Plan itinéraire de Paris par arrondissements en 1850"(4), qui permet de découvrir les anciens arrondissements, les anciens noms de rues et leur localisation sur un plan, les paroisses, les études de notaires… bref, une mine d'informations.




(1) Voir "B comme broyeur de couleurs", publié le 2 avril 2013, et "Retour à la terre", publié le 9 septembre 2013.
(2) Voir "P comme piqueuse de bottines", publié le 18 avril 2013.
(3) Voir "Autre mariage, autre photo", publié le 24 juin 2013.
(4) Marie-Odile Mergnac, Plan itinéraire de Paris par arrondissements en 1850, 96 pages, Archives et Culture, 2007.

lundi 11 novembre 2013

Mieux que la légende familiale


De façon tout à fait logique, le généathème de ce mois de novembre a trait à la Première Guerre mondiale, mais, curieusement, aucun de mes ancêtres directs n'a été engagé dans ce conflit si meurtrier.

Mon grand-père paternel, né en 1865 et classé dans les services auxiliaires en 1888 pour faiblesse de constitution, était libéré de ses obligations militaires depuis 1911. Mon grand-père maternel, né en 1869, avait déjà près de quarante-cinq ans et quatre enfants lors de la mobilisation générale : il devait sans doute faire partie de la réserve de l'armée territoriale, à plusieurs centaines de kilomètres de la ligne de front. Tout cela me paraît cohérent.

Voyons maintenant les branches collatérales : Frédéric Chancé n'avait ni frère ni soeur, son épouse non plus. Maurice Maitreau avait bien une soeur, mariée, mais l'époux de celle-ci approchait de la cinquantaine lors de la déclaration de guerre.

Reste ma grand-mère Julia : sur ses quatre frères, trois se sont sans doute retrouvés sous les drapeaux, compte tenu de leurs âges respectifs. Je possède d'ailleurs une photo où les deux premiers, Joseph et Jean, sont en uniforme ; il faudra que je consulte leurs registres matricules, lorsque j'irai aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques (à 800 km tout de même de mon camp de base). En attendant, je peux déjà dire qu'ils sont passés de vie à trépas beaucoup plus tard, après la Seconde Guerre mondiale.

Joseph et Jean Fourcade sous l'uniforme, Archives personnelles

C'est pourquoi j'ai choisi de vous parler aujourd'hui d'Henri Horment, un grand-oncle de mes cousines paloises. Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, je crois bien qu'une de mes tantes fut un temps amoureuse de lui. Ensuite, j'ai passé tout un été de mon enfance dans le château où il était né. Je garde d'ailleurs un merveilleux souvenir de sa plus jeune sœur, la grand-mère de mes cousines, qui avait le bonheur d'y habiter et qui s'occupa de moi avec tendresse. Enfin, un de ses frères, notaire, a rédigé le contrat de mariage de mes parents. Bref, Henri Horment fait presque partie de la famille !

Château de Féas, Archives personnelles
Un seul hic, les témoignages que j'avais recueillis jusqu'ici sur son compte n'étaient pas concordants : ma mère en parlait comme d'un héros de l'aviation, évoquant à son sujet l'escadrille des Cigognes(1), alors que mes cousines affirmaient qu'il était avant tout un excellent cavalier et qu'il écumait tous les concours hippiques de France et de Navarre. Qui croire ?

J'ai donc sollicité Internet et trouvé réponse à ma question, au-delà de ce que j'imaginais. Jugez plutôt.

Le lieutenant Henri Horment a trente et un ans lorsqu'éclate la guerre en août 1914. Il est alors chef d'escadron au 7e hussards et, selon le journal de marche de son régiment, il est blessé dès le 12 août, lors d'une opération de reconnaissance dans la région de Nomény (Meurthe-et-Moselle). Je n'ai guère plus d'informations sur cette période, mais je constate qu'il est nommé au grade de chevalier de la Légion d'honneur le 3 janvier 1915.

Première page du dossier Henri Horment sur le site Leonore

Il réapparaît, dans l'aviation cette fois-ci, en août de la même année, à la tête de l'escadrille MF 62, dotée de biplans Maurice Farman. Il a passé dans l'intervalle le brevet de pilote militaire et va s'illustrer dans ses nouvelles fonctions. L'emblème de l'escadrille n'est pas la cigogne, comme le pensait ma mère, mais le coq gaulois, symbole d'un esprit combatif.

Biplan Maurice Farman MF 11, source Wikimedias Commons

Au cours du premier semestre 1916, l'escadrille reçoit de nouveaux modèles d'avion, des Nieuport, pour assurer la couverture des missions de reconnaissance et d'observation : elle prend logiquement le nom de N 62. J'ignore quand a eu lieu sa promotion, mais c'est sous le grade de capitaine qu'Henri Horment est grièvement blessé au cou et à la poitrine lors d'une patrouille, le 17 juillet 1916. Il ne reprendra le commandement de l'escadrille que trois mois plus tard.

Je perds ensuite sa trace jusqu'à la fin de la guerre, pour le retrouver… aux Jeux olympiques d'Anvers en 1920. Il a manifestement renoué avec l'équitation, puisqu'il participe au saut d'obstacles par équipes : l'épreuve se déroule le 12 septembre et la France termine quatrième, derrière la Suède, la Belgique et l'Italie. Pas de médaille olympique donc, pour notre cavalier. Mais l'important, disait Pierre de Coubertin…

L'aventure continue jusqu'à ce funeste jour de 1924, où il est, paraît-il, écrasé par son cheval, lors d'un concours hippique à la Roche-sur-Yon. Il décède le 6 juillet 1924, à l'âge de quarante et un ans. Il repose désormais dans le caveau familial, dans un village de la vallée de Barétous, non loin du château où il avait vu le jour. Lorsque j'étais enfant, j'avais pu admirer sur les portes des écuries les plaques de métal, preuves de ses innombrables victoires en concours hippique. Que sont-elles devenues aujourd'hui ?

Et quelle ne fut pas ma surprise, en fouillant dans les arcanes d'Internet à la recherche de plus amples informations, de tomber sur un site qui recense les albums d'images publicitaires. Figurez-vous que l'entreprise Félix Potin(2) lança plusieurs collections de ce genre. La troisième, intitulée 510 célébrités contemporaines, diffusée à partir de 1922, comporte page 31 une photo d'Henri Horment (rubrique Sports, hippisme, France).

Voici éclaircie une légende familiale : ma mère et ma cousine détenaient chacune une part de vérité, il a suffi de consulter quelques sources pour assembler les différentes pièces du puzzle.


Sources

Base SGA/Mémoire des hommes, Première Guerre mondiale, Journaux des unités, journal de marche des 7e hussards, 2 août 1914-10 juin 1915

Base SGA/ Mémoire des hommes, Première Guerre mondiale, Personnel de l'aéronautique militaire

Base Leonore, dossier LH/1308/45

Historique du 7e Régiment de hussards pendant la guerre 1914-1918, Imprimerie Berger-Levrault

http://albindenis.free.fr/ site très documenté sur l'aviation militaire de la Première Guerre mondiale

http://imagivore.fr/index.html site dédié aux albums d'images publicitaires



(1) Sans doute la plus célèbre unité aéronautique française de la Première Guerre mondiale, dans laquelle s'illustra notamment Georges Guynemer.

(2) Enseigne française de distribution, créée par l'épicier du même nom sous le Second Empire, à l'origine du concept de la marque de distributeur.

lundi 4 novembre 2013

Les risques du métier


En ces temps de contestation fiscale, je vous propose aujourd'hui deux documents relevés dans le registre paroissial de Notre-Dame-du-Touchet. Ils tendraient à prouver que le métier de collecteur d'impôts n'a jamais été de tout repos.

Je feuilletais virtuellement le registre lorsque, au détour d'une page, un acte de sépulture anormalement long a attiré mon attention. Jugez plutôt :

Source AD Manche 5Mi 2034 1776-1780

"Le corps de François Fouqué originaire de la paroisse de
chansegré près domfront, et demeurant en cette paroisse en
qualité d'emploïé dans les fermes du roi, decedé d'hier chez
jacques osouf cabartier où il s'était retiré avant hier après avoir
été battu et maltraité de maniere qu'il est mort de ses blessures
suivant qu'il la été atesté par les chirugiens Roïaux de Mortain
suivant le proces verbal qu'ils en ont dressés aujourdhui en visitant
le cadavre dudit Fouqué, qui est mort muni des sacrements de penitence
et d'extrême onction, agé d'environ trente six ans ; a été inh-
umé dans le cimtiere de cette paroisse par la permission du sieur
Loüis L'evêque conseiller du roi president en l'élection de Mortain, et du
consentement de Me Mathurin boursin avocat au bailliage de Mortain
representant le procureur du roi de laditte election, en datte de ce jour et
signé L'eveque, boursin, lecomte greffier tous avec paraphe, par moy
jean-baptiste Morel prêtre de la paroisse de Vilchien, aux présences de
maîtres guillaume Mauduit curé de ce lieu, de pierre yver vicaire, René
Millet prêtre et autres le quatriême jour de decembre janvier mil sept
cent soixante dix neuf. Un mot bifé nul."

Suivent les signatures. J'ai respecté l'orthographe du texte, ainsi que l'usage ou l'absence de majuscules, même si je déconseille fortement à mes petits-enfants d'en faire autant !

La paroisse citée au début de l'acte de sépulture est vraisemblablement celle de Champsecret, à une dizaine de kilomètres à l'est de Domfront, dans l'actuel département de l'Orne, et à une quarantaine de kilomètres donc de Notre-Dame-du-Touchet.

Le permis d'inhumer est inséré entre les pages du registre paroissial :

Source AD Manche 5Mi 2034 1776-1780

"Nous Loüis Levesque Conseiller du Roy
President en Lélection de Mortain Et Subdelegué
De la Commission Royale Et Souveraine Etablie
A Caën Vu ce qui Resulte De notre procès verbal
Ensemble de Celui Des Sieurs thomas henry Leverdays Et
charles robbes Chirurgïens de la ville De Mortain amenés
Exprès avec nous, Du Consentement De Me Mathurin boursin
avocat au Bailliage de Mortain faisant les fonctions De
procureur Du Roy pour Labsence De Lordinaire, nous avons
Permis au Sieur Mauduit curé de la paroisse de Touchet
De faire L Inhumation du Cadavre de françois fouqué Les
ceremonies De Leglise observées Donné au Bourg de Touchet
ce quatre Janvier mil sept cent soixante dix neuf"

Même remarque pour l'orthographe, même si le sieur Levesque est nettement moins avare en termes de majuscules.

Mais revenons au fond de l'affaire. Comme vous le savez peut-être, les Fermes du roi étaient des compagnies financières chargées de la levée de l'impôt, moyennant le versement d'un montant forfaitaire au Trésor : un tel système avait toutes les chances d'engendrer des abus et, quelles que fussent les circonstances, les collecteurs de l'impôt n'étaient certainement pas accueillis à bras ouverts. J'ajouterai qu'en 1779, nous sommes à dix ans du grand bouleversement qui va secouer tout le royaume et mettre fin à l'Ancien Régime.

Bref, les Normands, comme les Bretons, ne sont pas gens à se laisser plumer facilement. Le malheureux Fouqué l'a appris à ses dépens !