De façon tout à fait logique, le généathème de ce mois de
novembre a trait à la Première Guerre mondiale, mais, curieusement, aucun de
mes ancêtres directs n'a été engagé dans ce conflit si meurtrier.
Mon grand-père paternel, né en 1865 et classé dans les
services auxiliaires en 1888 pour faiblesse de constitution, était libéré de
ses obligations militaires depuis 1911. Mon grand-père maternel, né en 1869,
avait déjà près de quarante-cinq ans et quatre enfants lors de la mobilisation
générale : il devait sans doute faire partie de la réserve de l'armée
territoriale, à plusieurs centaines de kilomètres de la ligne de front. Tout
cela me paraît cohérent.
Voyons maintenant les branches collatérales : Frédéric
Chancé n'avait ni frère ni soeur, son épouse non plus. Maurice Maitreau avait
bien une soeur, mariée, mais l'époux de celle-ci approchait de la cinquantaine
lors de la déclaration de guerre.
Reste ma grand-mère Julia : sur ses quatre frères, trois se
sont sans doute retrouvés sous les drapeaux, compte tenu de leurs âges
respectifs. Je possède d'ailleurs une photo où les deux premiers, Joseph et Jean, sont en
uniforme ; il faudra que je consulte leurs registres matricules, lorsque
j'irai aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques (à 800 km
tout de même de mon camp de base). En attendant, je peux déjà dire qu'ils sont
passés de vie à trépas beaucoup plus tard, après la Seconde Guerre mondiale.
Joseph et Jean Fourcade sous l'uniforme, Archives personnelles |
C'est pourquoi j'ai choisi de vous parler aujourd'hui
d'Henri Horment, un grand-oncle de mes cousines paloises. Plusieurs raisons à
cela. Tout d'abord, je crois bien qu'une de mes tantes fut un temps amoureuse
de lui. Ensuite, j'ai passé tout un été de mon enfance dans le château où il
était né. Je garde d'ailleurs un merveilleux souvenir de sa plus jeune sœur, la
grand-mère de mes cousines, qui avait le bonheur d'y habiter et qui s'occupa de
moi avec tendresse. Enfin, un de ses frères, notaire, a rédigé le contrat de
mariage de mes parents. Bref, Henri Horment fait presque partie de la famille !
Château de Féas, Archives personnelles |
Un seul hic, les témoignages que j'avais recueillis
jusqu'ici sur son compte n'étaient pas concordants : ma mère en parlait
comme d'un héros de l'aviation, évoquant à son sujet l'escadrille des Cigognes(1), alors que mes cousines affirmaient
qu'il était avant tout un excellent cavalier et qu'il écumait tous les concours
hippiques de France et de Navarre. Qui croire ?
J'ai donc sollicité Internet et trouvé réponse à ma
question, au-delà de ce que j'imaginais. Jugez plutôt.
Le lieutenant Henri Horment a trente et un ans lorsqu'éclate
la guerre en août 1914. Il est alors chef d'escadron au 7e hussards
et, selon le journal de marche de son régiment, il est blessé dès le
12 août, lors d'une opération de reconnaissance dans la région de Nomény
(Meurthe-et-Moselle). Je n'ai guère plus d'informations sur cette période, mais
je constate qu'il est nommé au grade de chevalier de la Légion d'honneur le
3 janvier 1915.
Première page du dossier Henri Horment sur le site Leonore |
Il réapparaît, dans l'aviation cette fois-ci, en août de la
même année, à la tête de l'escadrille MF 62, dotée de biplans Maurice
Farman. Il a passé dans l'intervalle le brevet de pilote militaire et va
s'illustrer dans ses nouvelles fonctions. L'emblème de l'escadrille n'est pas
la cigogne, comme le pensait ma mère, mais le coq gaulois, symbole d'un esprit
combatif.
Au cours du premier semestre 1916, l'escadrille reçoit de
nouveaux modèles d'avion, des Nieuport, pour assurer la couverture des missions
de reconnaissance et d'observation : elle prend logiquement le nom de
N 62. J'ignore quand a eu lieu sa promotion, mais c'est sous le grade de
capitaine qu'Henri Horment est grièvement blessé au cou et à la poitrine lors
d'une patrouille, le 17 juillet 1916. Il ne reprendra le commandement de
l'escadrille que trois mois plus tard.
Je perds ensuite sa trace jusqu'à la fin de la guerre, pour
le retrouver… aux Jeux olympiques d'Anvers en 1920. Il a manifestement renoué
avec l'équitation, puisqu'il participe au saut d'obstacles par équipes :
l'épreuve se déroule le 12 septembre et la France termine quatrième, derrière
la Suède, la Belgique et l'Italie. Pas de médaille olympique donc, pour notre
cavalier. Mais l'important, disait Pierre de Coubertin…
L'aventure continue jusqu'à ce funeste jour de 1924, où il
est, paraît-il, écrasé par son cheval, lors d'un concours hippique à la
Roche-sur-Yon. Il décède le 6 juillet 1924, à l'âge de quarante et un ans.
Il repose désormais dans le caveau familial, dans un village de la vallée de
Barétous, non loin du château où il avait vu le jour. Lorsque j'étais enfant,
j'avais pu admirer sur les portes des écuries les plaques de métal, preuves de
ses innombrables victoires en concours hippique. Que sont-elles devenues
aujourd'hui ?
Et quelle ne fut pas ma surprise, en fouillant dans les
arcanes d'Internet à la recherche de plus amples informations, de tomber sur un
site qui recense les albums d'images publicitaires. Figurez-vous que
l'entreprise Félix Potin(2) lança
plusieurs collections de ce genre. La troisième, intitulée 510 célébrités
contemporaines, diffusée à partir de 1922,
comporte page 31 une photo d'Henri Horment (rubrique Sports, hippisme,
France).
Voici éclaircie une légende familiale : ma mère et ma
cousine détenaient chacune une part de vérité, il a suffi de consulter quelques
sources pour assembler les différentes pièces du puzzle.
Sources
Base SGA/Mémoire des hommes, Première Guerre mondiale,
Journaux des unités, journal de marche des 7e hussards, 2 août
1914-10 juin 1915
Base SGA/ Mémoire des hommes, Première Guerre mondiale,
Personnel de l'aéronautique militaire
Base Leonore, dossier LH/1308/45
Historique du 7e Régiment de hussards pendant la
guerre 1914-1918, Imprimerie Berger-Levrault
http://albindenis.free.fr/
site très documenté sur l'aviation militaire de la Première Guerre mondiale
http://imagivore.fr/index.html
site dédié aux albums d'images publicitaires
(1) Sans doute
la plus célèbre unité aéronautique française de la Première Guerre mondiale,
dans laquelle s'illustra notamment Georges Guynemer.
(2) Enseigne
française de distribution, créée par l'épicier du même nom sous le Second
Empire, à l'origine du concept de la marque de distributeur.
Whaouh, quel homme, quelle vie ....
RépondreSupprimerDominique, c'est un très bel article ! Merci pour ce partage ! Au plaisir de te revoir :)
RépondreSupprimerBel article sur cet interessant personnage. Les registres matricules des Pyrénnées-Atlantique ne sont pas en ligne? Dommage, nous sommes en 49 plus chanceux !
RépondreSupprimerVotre mère n'avait pas tout à fait tort puisque sur le site albaindenis que vous mentionnez la MF62 fut surnommée par la suite l'escradille des cigognes.
RépondreSupprimer