lundi 18 novembre 2013

Nouvelle visite aux Archives de Paris


Je suis retournée aux Archives de Paris, mardi dernier, alors qu'un brouillard d'eau enveloppait la capitale. J'avais deux objectifs :
  • Consulter le Bottin du Commerce à la recherche d'informations sur mes ancêtres peintres en bâtiments,
  • Consulter les registres de catholicité pour compléter les lignes de vie de ces mêmes ancêtres parisiens.

Aucun succès avec le Bottin du Commerce. J'ai déroulé en vain plusieurs bobines de microfilms, sans trouver trace de mes peintres, ni aux différentes adresses où ils demeuraient, ni dans les listes par profession. Étaient-ils salariés, installés à leur compte, travaillaient-ils à la tâche ? Il va falloir que je me documente plus sérieusement sur l'exercice de ce métier au XIXe siècle, ainsi que sur les conditions d'inscription dans les pages du Bottin.

Peintres en bâtiment, par Gustave Caillebotte, 1877

Davantage de résultats en revanche du côté des registres de catholicité. C'est ainsi que j'ai pu consulter, photographier et transcrire quatre actes qui m'intéressaient.

1.   L'acte de baptême de Marie Augustine Chancé

C'est la fille de Louis, le broyeur de couleurs(1) qui décèdera six ans plus tard, à l'âge de trente-sept ans, et de son épouse Rosalie Mabire.

L'enfant est porté sur les fonts baptismaux de l'église Saint-Merri le dimanche 12 janvier 1851. Normal, les parents demeurent à l'époque à quelques pas de là, au n°3 de la rue de la Coutellerie. Tout comme la marraine, Marie Chalvet, qui n'est autre que la première épouse de François Chancé, l'un des frères de Louis, et par conséquent la tante par alliance de l'enfant.

Je note au passage que mes Normands ne s'étaient sans doute pas complètement défaits de leur accent, car le vicaire a écrit "Chauvet" et non "Chalvet".

Le parrain, Auguste Lemonnier, est jardinier… rue des Quatre Jardiniers, "au petit Charonne", dit le vicaire. Rappelons qu'en 1851 la capitale n'avait pas encore absorbé tout ou partie des villages au-delà du mur des Fermiers généraux.

Juste une question : pourquoi avoir attendu une semaine pour baptiser la fillette née le 5 janvier ? À l'époque, le baptême avait lieu le jour même ou le lendemain, tellement la mortalité était élevée. Petit mystère, sans réponse pour l'instant.

2.   L'acte de mariage religieux de Frédéric Chancé et Victoire Poirier

Mon arrière-grand-père du côté paternel se marie à la paroisse Saint-Jacques du Haut-Pas, à quelques maisons du 301 de la rue Saint-Jacques, le 5 juin 1860. Manifestement, Frédéric et Victoire, originaires du même village normand, se sont déjà mis en ménage, puisque l'adresse indiquée pour les deux futurs mariés est la même. Et que Victoire, la jeune piqueuse de bottines dont j'ai déjà parlé dans un précédent billet(2), donnera le jour cinq  mois plus tard à une petite Marie Léonie, à la maternité Port-Royal, avant de décéder des suites de l'accouchement.

Réprobation du vicaire pour l'état de la mariée ou volonté de réduire les frais, il est indiqué dans la marge du registre que la cérémonie est un mariage de… 8e classe ! Ici encore, certains patronymes ou certains noms de rue sont écorchés, tant pis pour les futurs généalogistes.

3.   L'acte de mariage religieux de Frédéric Chancé et Madeleine Laubret

Le jeune veuf se remarie le 9 novembre 1861. Entre-temps, il a rejoint l'un de ses frères, installé dans le tout nouveau 18e arrondissement de Paris, rue Feutrier. La cérémonie a donc lieu à l'église Saint-Pierre de Montmartre, en haut de la butte où la basilique du Sacré-Cœur n'a pas encore été édifiée (la première pierre ne sera posée qu'en juin 1875, plusieurs années après les épisodes de la Commune).

Quelques imprécisions dans le registre paroissial, où le patronyme de François Chancé, témoin et frère du marié, se voit transformé en Chaussay.

4.   L'acte de mariage de Frédéric Chancé et Jenny Letourneau

Il s'agit cette fois-ci de mon grand-père paternel, fils du couple évoqué dans l'acte de mariage précédent. La bénédiction nuptiale est donnée le 23 avril 1908 dans l'église Saint-Nicolas des Champs, proche du 226 rue Saint-Martin, où résidait ma grand-mère paternelle. En juin dernier, j'avais publié la photo officielle(3), prise ce jour-là.

Mariage Frédéric Chancé et Jenny Letourneau,
Archives personnelles

Et cette fois-ci, je butte sur la mention suivante : "Vu la dispense du temps prohibé". Allons bon, de quoi s'agit-il ? Brigitte, assise à côté de moi dans la grande salle de lecture des Archives de Paris, me rappelle gentiment qu'il est des périodes dans l'année où l'église ne célèbre pas de mariage, ce qui explique a contrario les "pics" des mois de novembre, d'une part, et janvier-février, d'autre part, dans les registres paroissiaux de l'Ancien Régime. Question à creuser.

Commençons par le calendrier : le 23 avril 1908 est un jeudi, le premier qui suit les fêtes de Pâques, célébrées cette année-là le dimanche 19 avril. Dans mon souvenir, les temps prohibés étant l'Avent et le Carême, il va falloir pousser plus loin mes recherches.

Je consulte cette fois le catéchisme de Saint Pie X (que ne ferait-on pas pour la généalogie), qui explique notamment les préceptes de l'église catholique par un jeu de questions et de réponses. J'y découvre la phrase suivante : "Par le 5e précepte, l'Église ne défend pas la célébration du sacrement de Mariage, mais seulement la solennité des mariages, du premier dimanche de l'Avent à l'Épiphanie et du premier jour du Carême à l'Octave de Pâques."

Nous y voilà. Contrairement aux croyances généralement admises, les temps prohibés vont au-delà de Noël et de Pâques. Toutefois, le mariage peut être célébré, mais sans solennité et sans pompe extraordinaire. Les dispenses sont vraisemblablement accordées moyennant une modeste contribution aux frais de l'évêché, je n'ai aucune illusion en ce domaine.

Reste une question : quel motif ont invoqué mes grands-parents pour choisir pareille date ? Nouvel aller et retour sur le calendrier : mon père est né quarante semaines après le mariage de ses parents, ce qui semble écarter la raison de l'urgence. Alors, s'agissait-il d'éviter des frais jugés excessifs et superfétatoires ? les grandes orgues, les fleurs, les cloches, le bedeau et tout le toutim ? Pingres, mes grands-parents ? tout est possible !

Vous l'aurez compris, la lecture des registres de catholicité disponibles aux Archives de Paris réserve quelques surprises.

Un dernier point : pour trouver facilement un acte, il faut disposer de deux éléments, une date (au moins approximative) et le nom d'une paroisse. Un seul hic, j'en ai dénombré environ quatre-vingts ! C'est pourquoi je vous recommande un petit livre fort utile, que j'ai trouvé aux dernières Généalogiques, le 10 novembre dernier : le "Plan itinéraire de Paris par arrondissements en 1850"(4), qui permet de découvrir les anciens arrondissements, les anciens noms de rues et leur localisation sur un plan, les paroisses, les études de notaires… bref, une mine d'informations.




(1) Voir "B comme broyeur de couleurs", publié le 2 avril 2013, et "Retour à la terre", publié le 9 septembre 2013.
(2) Voir "P comme piqueuse de bottines", publié le 18 avril 2013.
(3) Voir "Autre mariage, autre photo", publié le 24 juin 2013.
(4) Marie-Odile Mergnac, Plan itinéraire de Paris par arrondissements en 1850, 96 pages, Archives et Culture, 2007.

5 commentaires:

  1. Y'a pas faut que je m'en retrourne aussi aux archies parisiennes...
    Bonne description des désillusions et plaisirs d'un passage aux archives.

    Et si vous progressez dans les liasses où fouiller pour les artisans parisiens, je prends aussi
    ;-)

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  2. J'ai fait le même pélerinage il y a peu, la prochaine, il faut qu'on s'organise ;-)
    J'ai constaté comme toi pour la même période, un décalage entre la naissance et le baptême, une singularité de parisiens ?
    Amitiés.

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    1. Cela pourrait s'expliquer si la mère accouche dans une maternité et non pas à domicile. Tu viens de me donner une idée, il va falloir que je vérifie. Et la prochaine fois que tu viens à Paris, fais-moi signe, on tâchera d'organiser quelque chose avec les blogueurs parisiens !

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  3. Vraiment intéressant tout ce que l'on peut découvrir dans les registres de catholicité ...et surtout pour la mise en perspective. Un plaisir !

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  4. Très intéressant, comme toujours... Lu après mon article sur le mariage en temps prohibé... mais j'aurais ainsi découvert par moi-même de quoi il s'agissait.

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