Je suis retournée aux Archives de Paris, mardi dernier,
alors qu'un brouillard d'eau enveloppait la capitale. J'avais deux
objectifs :
- Consulter le Bottin du Commerce à la recherche d'informations sur mes ancêtres peintres en bâtiments,
- Consulter les registres de catholicité pour compléter les lignes de vie de ces mêmes ancêtres parisiens.
Aucun succès avec le Bottin du Commerce. J'ai déroulé en
vain plusieurs bobines de microfilms, sans trouver trace de mes peintres, ni
aux différentes adresses où ils demeuraient, ni dans les listes par profession.
Étaient-ils salariés, installés à leur compte, travaillaient-ils à la
tâche ? Il va falloir que je me documente plus sérieusement sur l'exercice
de ce métier au XIXe siècle, ainsi que sur les conditions
d'inscription dans les pages du Bottin.
Peintres en bâtiment, par Gustave Caillebotte, 1877 |
Davantage de résultats en revanche du côté des registres de
catholicité. C'est ainsi que j'ai pu consulter, photographier et transcrire
quatre actes qui m'intéressaient.
1.
L'acte de baptême de Marie Augustine Chancé
C'est la fille de Louis, le broyeur de couleurs(1) qui décèdera six ans plus tard, à l'âge
de trente-sept ans, et de son épouse Rosalie Mabire.
L'enfant est porté sur les fonts baptismaux de l'église
Saint-Merri le dimanche 12 janvier 1851. Normal, les parents demeurent à
l'époque à quelques pas de là, au n°3 de la rue de la Coutellerie. Tout comme
la marraine, Marie Chalvet, qui n'est autre que la première épouse de François
Chancé, l'un des frères de Louis, et par conséquent la tante par alliance de
l'enfant.
Je note au passage que mes Normands ne s'étaient sans doute
pas complètement défaits de leur accent, car le vicaire a écrit
"Chauvet" et non "Chalvet".
Le parrain, Auguste Lemonnier, est jardinier… rue des Quatre
Jardiniers, "au petit Charonne", dit le vicaire. Rappelons qu'en 1851
la capitale n'avait pas encore absorbé tout ou partie des villages au-delà du
mur des Fermiers généraux.
Juste une question : pourquoi avoir attendu une semaine
pour baptiser la fillette née le 5 janvier ? À l'époque, le baptême
avait lieu le jour même ou le lendemain, tellement la mortalité était élevée.
Petit mystère, sans réponse pour l'instant.
2.
L'acte de mariage religieux de Frédéric Chancé et
Victoire Poirier
Mon arrière-grand-père du côté paternel se marie à la
paroisse Saint-Jacques du Haut-Pas, à quelques maisons du 301 de la rue
Saint-Jacques, le 5 juin 1860. Manifestement, Frédéric et Victoire,
originaires du même village normand, se sont déjà mis en ménage, puisque
l'adresse indiquée pour les deux futurs mariés est la même. Et que Victoire, la
jeune piqueuse de bottines dont j'ai déjà parlé dans un précédent billet(2), donnera le jour cinq mois plus tard à une petite Marie
Léonie, à la maternité Port-Royal, avant de décéder des suites de
l'accouchement.
Réprobation du vicaire pour l'état de la mariée ou volonté
de réduire les frais, il est indiqué dans la marge du registre que la cérémonie
est un mariage de… 8e classe ! Ici encore, certains patronymes
ou certains noms de rue sont écorchés, tant pis pour les futurs généalogistes.
3.
L'acte de mariage religieux de Frédéric Chancé et
Madeleine Laubret
Le jeune veuf se remarie le 9 novembre 1861.
Entre-temps, il a rejoint l'un de ses frères, installé dans le tout nouveau 18e
arrondissement de Paris, rue Feutrier. La cérémonie a donc lieu à l'église
Saint-Pierre de Montmartre, en haut de la butte où la basilique du Sacré-Cœur
n'a pas encore été édifiée (la première pierre ne sera posée qu'en juin 1875,
plusieurs années après les épisodes de la Commune).
Quelques imprécisions dans le registre paroissial, où le
patronyme de François Chancé, témoin et frère du marié, se voit transformé en
Chaussay.
4.
L'acte de mariage de Frédéric Chancé et Jenny
Letourneau
Il s'agit cette fois-ci de mon grand-père paternel, fils du
couple évoqué dans l'acte de mariage précédent. La bénédiction nuptiale est
donnée le 23 avril 1908 dans l'église Saint-Nicolas des Champs, proche du 226
rue Saint-Martin, où résidait ma grand-mère paternelle. En juin dernier, j'avais
publié la photo officielle(3), prise ce
jour-là.
Mariage Frédéric Chancé et Jenny Letourneau, Archives personnelles |
Et cette fois-ci, je butte sur la mention suivante :
"Vu la dispense du temps prohibé".
Allons bon, de quoi s'agit-il ? Brigitte, assise à côté de moi dans la grande
salle de lecture des Archives de Paris, me rappelle gentiment qu'il est des
périodes dans l'année où l'église ne célèbre pas de mariage, ce qui explique a
contrario les "pics" des mois de novembre, d'une part, et
janvier-février, d'autre part, dans les registres paroissiaux de l'Ancien
Régime. Question à creuser.
Commençons par le calendrier : le 23 avril 1908 est un
jeudi, le premier qui suit les fêtes de Pâques, célébrées cette année-là le
dimanche 19 avril. Dans mon souvenir, les temps prohibés étant l'Avent et
le Carême, il va falloir pousser plus loin mes recherches.
Je consulte cette fois le catéchisme de Saint Pie X
(que ne ferait-on pas pour la généalogie), qui explique notamment les préceptes
de l'église catholique par un jeu de questions et de réponses. J'y découvre la
phrase suivante : "Par le 5e précepte, l'Église ne
défend pas la célébration du sacrement de Mariage, mais seulement la solennité
des mariages, du premier dimanche de l'Avent à l'Épiphanie et du premier jour
du Carême à l'Octave de Pâques."
Nous y voilà. Contrairement aux croyances généralement
admises, les temps prohibés vont au-delà de Noël et de Pâques. Toutefois, le
mariage peut être célébré, mais sans solennité et sans pompe extraordinaire.
Les dispenses sont vraisemblablement accordées moyennant une modeste contribution
aux frais de l'évêché, je n'ai aucune illusion en ce domaine.
Reste une question : quel motif ont invoqué mes
grands-parents pour choisir pareille date ? Nouvel aller et retour sur le
calendrier : mon père est né quarante semaines après le mariage de ses
parents, ce qui semble écarter la raison de l'urgence. Alors, s'agissait-il
d'éviter des frais jugés excessifs et superfétatoires ? les grandes
orgues, les fleurs, les cloches, le bedeau et tout le toutim ? Pingres,
mes grands-parents ? tout est possible !
Vous l'aurez compris, la lecture des registres de
catholicité disponibles aux Archives de Paris réserve quelques surprises.
Un dernier point : pour trouver facilement un acte, il
faut disposer de deux éléments, une date (au moins approximative) et le nom
d'une paroisse. Un seul hic, j'en ai dénombré environ quatre-vingts !
C'est pourquoi je vous recommande un petit livre fort utile, que j'ai trouvé
aux dernières Généalogiques, le 10 novembre dernier : le "Plan
itinéraire de Paris par arrondissements en 1850"(4), qui permet de découvrir les anciens arrondissements, les
anciens noms de rues et leur localisation sur un plan, les paroisses, les
études de notaires… bref, une mine d'informations.
(1) Voir "B
comme broyeur de couleurs", publié le 2 avril 2013, et "Retour à
la terre", publié le 9 septembre 2013.
(2) Voir "P
comme piqueuse de bottines", publié le 18 avril 2013.
(3) Voir
"Autre mariage, autre photo", publié le 24 juin 2013.
(4) Marie-Odile Mergnac, Plan itinéraire de Paris par arrondissements en 1850, 96 pages, Archives et Culture, 2007.
(4) Marie-Odile Mergnac, Plan itinéraire de Paris par arrondissements en 1850, 96 pages, Archives et Culture, 2007.
Y'a pas faut que je m'en retrourne aussi aux archies parisiennes...
RépondreSupprimerBonne description des désillusions et plaisirs d'un passage aux archives.
Et si vous progressez dans les liasses où fouiller pour les artisans parisiens, je prends aussi
;-)
J'ai fait le même pélerinage il y a peu, la prochaine, il faut qu'on s'organise ;-)
RépondreSupprimerJ'ai constaté comme toi pour la même période, un décalage entre la naissance et le baptême, une singularité de parisiens ?
Amitiés.
Cela pourrait s'expliquer si la mère accouche dans une maternité et non pas à domicile. Tu viens de me donner une idée, il va falloir que je vérifie. Et la prochaine fois que tu viens à Paris, fais-moi signe, on tâchera d'organiser quelque chose avec les blogueurs parisiens !
SupprimerVraiment intéressant tout ce que l'on peut découvrir dans les registres de catholicité ...et surtout pour la mise en perspective. Un plaisir !
RépondreSupprimerTrès intéressant, comme toujours... Lu après mon article sur le mariage en temps prohibé... mais j'aurais ainsi découvert par moi-même de quoi il s'agissait.
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