Durant la belle saison, Maurice Maitreau et son épouse Julia
séjournaient parfois dans une des stations balnéaires de la côte
atlantique : ils étaient en villégiature. Le mot a son importance.
Rien à voir avec les congés payés, qui ne furent instaurés qu'en 1936 par le
gouvernement du Front populaire et qui permirent aux classes laborieuses de
découvrir les joies simples du camping et du vélo. Mes grands-parents avaient
des goûts plus élitistes.
Ce terme de villégiature viendrait de l'italien villeggiare, vivre dans une maison
champêtre, au sens de prendre ses quartiers d'été, en délaissant pour un temps
sa résidence principale.
À la Belle Époque
Le mot est utilisé par mon arrière-grand-père Achille
Maitreau lorsqu'il écrit à son fils. La lettre, datée du 7 septembre 1907
et postée le même jour, est adressée à "Monsieur Maitreau Greffier du tribunal civil d'Oloron en villégiature à
Anglet". N'oubliez pas de faire sonner le "t" (Anglette), nous
sommes dans le sud-ouest.
Archives personnelles |
Une réflexion, au passage : les estivants devaient être
vraiment peu nombreux et les facteurs de l'époque particulièrement performants,
ou bien mon grand-père passait régulièrement au bureau de poste relever son
courrier. Toujours est-il que la missive est parvenue sans encombre à son
destinataire !
Elle s'achève par ces mots : "Mes baisers les plus affectueux à ta charmante femme et à tes beaux
enfants, à toi une chaleureuse poignée de main, ton vieux père qui vous aime
bien tous". Achille Maitreau avait alors quatre-vingt-six ans et ne
s'éteindrait que sept ans plus tard, en décembre 1914.
À ma connaissance, aucune photo n'est venue immortaliser ce
séjour estival.
Dans
l'entre-deux-guerres
J'ai en revanche dans mes cartons plusieurs clichés
illustrant un séjour en famille à Biarritz.
L'un d'eux nous montre Julia et ses trois filles en robes
claires sur les marches d'un escalier qui descend, à travers les tamaris et les
hortensias, vers les avenues des bords de mer. Ma grand-mère arbore gants,
chapeau, sac à main et ombrelle et, si les jupes ont raccourci, pas question de
sortir sans bas. Seules les deux plus jeunes, Marie-Thérèse et Jacqueline, sont
jambes nues dans de légères chaussures de plage.
Julia et ses trois filles à Biarritz Archives personnelles |
Paul, le fils de Maurice et de Julia, a pour sa part choisi
de poser à l'entrée de la jetée qui conduit au Rocher de la Vierge. Avec une nonchalance
qui me fait irrésistiblement penser aux photos de Jacques-Henri Lartigue. Au
dos du tirage, une main anonyme a laissé cette précieuse indication à la
plume : "Biarritz, le
19 septembre 1926". Paul avait donc vingt-trois ans.
Paul Maitreau à Biarritz Archives personnelles |
Pour illustrer ces temps heureux, je détiens également
plusieurs séries de photos, saisies à la volée dans les rues de Royan par un
photographe professionnel(1).
J'en extrais celle-ci, où Maurice et Julia se promènent en compagnie de leurs
quatre enfants.
La famille Maitreau en villégiature à Royan Archives personnelles |
Jusqu'à présent, je datais ce séjour de la fin des années
1920, sans autre précision… jusqu'à ce que je m'avise que ma grand-mère porte
une tenue bien sombre pour la saison. Serait-elle en deuil d'un proche
parent ? Son père est décédé en octobre 1928, ces photos ont donc été vraisemblablement
prises durant l'été 1929.
Maurice se permet des tenues claires plus estivales.
N'est-il pas fier d'accompagner ses deux plus jeunes filles, Marie-Thérèse et
Jacqueline, à une partie de tennis ? Hum, les chaussures de ma mère ne
sont pas vraiment adaptées, me semble-t-il !
Maurice Maitreau, Marie-Thérèse et Jacqueline à Royan Archives personnelles |
Les années cinquante
Je terminerai ce billet par une photo prise à Biarritz en
1951. Les familiers de la Grande Plage reconnaîtront sans peine l'esplanade
devant le salon de thé Dodin (ahhh, ses glaces à la pistache qui ravissaient
mes yeux d'enfant et mes papilles).
Julia et Geneviève à Biarritz Archives personnelles |
Julia est désormais veuve. Tous ses enfants sont mariés.
Elle suit les uns ou les autres dans leurs vacances au bord de la mer ;
sur ce cliché, elle est accompagnée de l'aînée de ses petites-filles.
Nous dirons que ma grand-mère fait ici preuve d'une élégance
décontractée : ni gants, ni chapeau, mais elle a conservé le sac à main et
l'ombrelle, et ce tailleur aux rayures tennis que j'avais déjà repéré sur une
autre photo(2).
Le terme de villégiature n'est plus tout à fait d'actualité, sans doute, mais
le choix de la destination n'a pas changé. Les stations balnéaires de la côte
atlantique étaient encore privilégiées par la famille.
Certains membres des générations suivantes seront plus aventureux…
(1) Cinésport, Bains des Sports, boulevard Botton, Royan
(2) Voir le billet posté en octobre 2013, intitulé "Rayures estivales" http://degresdeparente.blogspot.fr/2013_10_01_archive.html
Bonjour
RépondreSupprimerBel article, un brin nostalgique !
Merci pour le partage des photos
Nésida