Je n'ai pas éprouvé trop de difficulté à choisir ce terme
pour illustrer la dernière lettre de l'alphabet et clore ainsi le challenge
AZ 2014, dédié à ma grand-mère Julia.
Comme chacun sait, le zoom est un objectif photographique à
focale variable, permettant de réaliser, notamment s'il s'agit d'un zoom
"trans-standard", aussi bien des portraits et des gros plans que des
vues plus générales, en passant du téléobjectif au grand-angle.
Et c'est bien ce que j'ai tenté de faire durant tout ce mois
de juin : tantôt, je me suis focalisée sur Julia, tantôt j'ai élargi mon
champ de vision à son entourage, son mari, ses frères, ses enfants, aux époques
qu'elle a traversées et aux lieux où elle a séjourné.
La référence à la photographie m'est venue tout
naturellement. Je suis dépositaire d'un grand nombre de clichés, dont certains
fort anciens, et c'est en partie par ce biais que je me suis intéressée à la
généalogie. Il s'agissait d'identifier ces inconnus, de mettre un nom sur ces
visages et de dater avec plus ou moins de certitude l'époque où les photos
avaient été prises.
J'ai alors réalisé que j'avais fort bien connu ma
grand-mère, qui était née au XIXe siècle, et que mes propres
petits-enfants étaient nés au XXIe siècle ! L'écart me
parut soudain considérable. Les modes de vie étaient, à mon sens, radicalement
différents. Je me trouvais entre les deux, en quelque sorte investie d'une
mission, celle de transmettre une mémoire qui risquait de s'effacer au fil du
temps. Vous connaissez l'histoire des bibliothèques qui brûlent lorsque
disparaissent les porteurs de traditions orales…
Mais revenons à la photographie. Je vous propose aujourd'hui
quatre portraits au format "carte de visite" et un dernier vraisemblablement
réalisé dans une cabine Photomaton.
Le portrait
"carte de visite"
Il fut inventé par le célèbre photographe français André
Adolphe Eugène Disdéri (1848-1889), qui avait ouvert un studio boulevard des
Italiens à Paris dès 1854. Nous étions alors sous le Second Empire, une
trentaine d'années après les premières expériences de Niepce et quinze ans
après les premiers daguerréotypes.
Disdéri cherchait à réduire les coûts de production, avec une
chambre munie de plusieurs objectifs, afin d'obtenir de quatre à huit portraits
sur une même plaque. Les portraits pouvaient être identiques, s'ils étaient
réalisés en une seule pose, ou différents, s'ils étaient réalisés en plusieurs
poses, grâce à un châssis mobile faisant glisser la plaque sensible au fond de
la chambre.
Une plaque de 18 cm sur 24 cm permettait ainsi
d'obtenir huit vues de 6 cm sur 9 cm en un seul tirage. Les clichés
étaient découpés et collés sur un carton rigide, de dimensions légèrement
supérieures, avec le nom et l'adresse du photographe, qui conservait par devers
lui les négatifs pour des retirages éventuels. Les tarifs étaient dégressifs.
Le procédé breveté par Disdéri fut bientôt repris par de
nombreux studios photographiques, en province comme à Paris. À l'origine plutôt
réservée à l'aristocratie, la mode du
portrait "carte de visite" fut bientôt imitée par la bourgeoisie,
avec un succès grandissant qui perdura jusqu'au moment où la carte postale prit
le relais.
Voici quatre portraits "carte de visite" de ma
grand-mère. Les deux premiers proviennent du studio Chilo, installé 47 rue
Porte Neuve à Pau : ils sont caractéristiques d'une époque où les temps de
pose étaient relativement longs et nécessitaient une certaine immobilité de la
part du sujet, d'où le guéridon sur lequel s'appuie la petite fille ou le
prie-Dieu sur lequel est agenouillée la communiante. Julia était née en mai
1882, ces portraits ont donc été vraisemblablement réalisés au tout début des
années 1890.
Julia Fourcade enfant |
Julia Fourcade jeune fille |
Julia Fourcade jeune femme |
J'aime beaucoup le troisième portrait, en léger profil, réalisé
par le studio Subercaze, un peu moins celui réalisé par le studio Véran. Je
trouve néanmoins dans ce dernier une sorte de mélancolie dans le regard, qui me
rappelle ma mère. Je pense qu'ils sont tous deux antérieurs au mariage de Julia,
en novembre 1900.
Les cabines
automatiques Photomaton
Là, plus de studio, plus de mise en scène, plus de
photographe opérant derrière un volumineux appareil sur pied. Le sujet "se
tire le portrait" sur un fond neutre, selon une pose standardisée.
Si le premier appareil de photographie automatique fut testé
à l'Exposition universelle de 1889, il faudra néanmoins attendre Anatol
Josepho, Américain d'origine russe, pour voir se développer la première cabine
photographique automatique payante. Le brevet en fut déposé en 1925 et la
cabine photo, qui délivrait une bande de huit portraits en huit minutes, contre
une pièce de 25 cents, connut un succès immédiat.
Les droits en furent acquis par un groupe d'investisseurs américains
dès 1927 et c'est de cette époque que date l'entreprise Photomaton.
Le succès phénoménal de la cabine automatique dans les
décennies suivantes provient à la fois de l'engouement pour la photographie en
général et du besoin de plus en plus fréquent de fournir des preuves de son
identité sur toutes sortes de documents administratifs. Le principe a évolué
avec la transformation de la société et de l'univers de la photo (passage du
noir et blanc à la couleur, apparition de la photo numérique, détournement à
des fins artistiques, développement de l'événementiel…).
Voici un portrait de ma grand-mère, réalisé vers la fin de
sa vie, dans une cabine automatique. Nous sommes alors dans la première moitié
de la décennie 1960. Il me permet un dernier clin d'œil : ce petit ruban de
gros-grain autour du cou que Julia affectionnait particulièrement, était-il
destiné à dissimuler les outrages du temps ?
Julia Fourcade vers la fin de sa vie |
Sources
Encylopædia Universalis, article sur André Adolphe Eugène
Disdéri
Bibliothèque nationale de France, exposition virtuelle
intitulée "Portraits/Visages-Double
face"
Site de l'entreprise Photomaton, page intitulée "Photomaton, plus de 75 ans
d'histoire(s) !"
Z comme Zut, c'est déjà fini.
RépondreSupprimerDominique, découvrir ce dictionnaire amoureux sous ta belle plume fut un plaisir. Un grand merci pour ta participation au challenge.
Vite d'autres histoires !
Bravo Dominique pour ce joli zoom sur la vie de ta grand-mère. J'ai beaucoup aimé tes articles :-) Et quelle chance d'avoir une si belle collection de photographies !
RépondreSupprimerA bientôt,
Elise
J'ai enfin le temps de lire en détail les articles que tu as consacré à ta grand-mère ; c'est passionnant et j'apprécie beaucoup ton approche. Un vrai plaisir de lecture ! Bravo ! Anne
RépondreSupprimerBonne continuation pour d'autres belles histoires.
RépondreSupprimerMerci pour tous vos commentaires qui font chaud au coeur !
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