S'il est un sujet qui frappe le profane à la vue des clichés
pris au début du siècle dernier, c'est bien l'omniprésence de la moustache. Ma
grand-mère Julia vivait dans un monde où les hommes, parvenus à l'âge adulte,
arboraient fièrement une splendide paire de bacchantes.
Son père, son mari, ses frères, ses cousins, tous rivalisaient
sur la longueur de leurs charmeuses, les plus jeunes avec un peu de retard sur
leurs aînés. Jugez-en plutôt :
Théodore Fourcade, père de Julia |
Maurice Maitreau, son époux |
Joseph et Jean Fourcade, ses frères |
Théodore et Henri Fourcade, ses frères |
Jean Fourcade, son frère, et Henri et Gaston Cazes, ses cousins |
J'imagine les accessoires de toilette nécessaires à
l'entretien de ces attributs : peignes, brosses, ciseaux, cire à
moustache, peut-être même une sorte de résille pour éviter les faux plis après
une nuit sur l'oreiller…
J'ai donc cherché à en savoir davantage sur cette mode et
j'ai découvert deux pépites.
La première est une nouvelle de Guy de Maupassant parue en
1883 dans Gil Blas et intitulée fort
opportunément La moustache. Une jeune
femme écrit à son amie pour lui raconter que son mari s'est rasé, afin de jouer
un rôle féminin dans une pièce de salon, au cours d'un été pluvieux.
Jeanne déplore la disparation de cet attribut, indispensable
selon elle aux bonnes relations entre époux : "Il n'y a point d'amour sans moustache !", déclare-t-elle
d'un ton péremptoire, non dépourvu de sous-entendus. Mais je vous laisserai
découvrir par vous-même le charme de ce texte(1).
Elle ajoute aussitôt : "À un tout autre point de vue, la moustache est essentielle. Elle
détermine la physionomie. Elle vous donne l'air doux, tendre, violent,
croquemitaine, bambocheur, entreprenant !" Le point d'exclamation
conclut d'ailleurs la plupart de ses phrases.
L'autre pépite, qui rejoint cette notion de l'apparence et
de la posture, est une étude(2) fort sérieuse sur l'image que les parlementaires français cherchent à donner
d'eux-mêmes sous la Troisième République, à partir de leurs portraits dans les
trombinoscopes de la Chambre des Députés.
L'auteur, l'historien Fabrice d'Almeida, est un spécialiste
de l'Allemagne, de l'Italie et de la France, notamment sous l'angle de la
propagande par l'image et de la manipulation. Il passe en revue les différentes
composantes des photos des parlementaires : maîtrise du visage,
"barbe républicaine", direction du regard, position des mains
lorsqu'elles sont visibles, tout fait sens.
Pour en revenir à nos moustachus, deux questions demeurent
après ces lectures. La première : combien de conquêtes féminines à mettre
à leur actif ? Et la seconde : l'entourage de ma grand-mère était-il plutôt
républicain, bonapartiste, radical, socialiste, modéré ou nationaliste ?
Il paraît qu'un œil exercé pourrait le dire, en décryptant simplement la taille
et la forme de ces moustaches…
(1) La moustache, nouvelle de Guy de
Maupassant, signée du pseudonyme de Maufrigneuse
(2) F. d'Almeida, La Politique au
naturel : comportement des hommes politiques et représentations publiques
en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle, Ecole française de Rome,
n°388, 2007, 525 pages
Chapitre 2 L'image
identitaire des parlementaires de la Belle Époque à la Seconde Guerre mondiale
Ah, la moustache... Mon mari la porte... Elle fait partie de sa personnalité et je ne l'imagine pas sans... ! ;-)
RépondreSupprimerJe n'imaginais pas que la forme de la moustache pouvais en dire si long ... je vais me replonger dans les photos de mes ancêtres. Merci de cette information.
RépondreSupprimerTrès intéressant !
RépondreSupprimerMaintenant que j'y pense, tous mes arrières-grands-pères arboraient en effet une fière moustache. Mais pas aussi impressionnantes que celles de tes ancêtres ;-)
Merci pour le partage !
Elise
Ils sont classes ! Les miens arboraient une moustache plus raisonnable... http://www.daieux-et-dailleurs.fr/blog-genealogique/ciel-mes-aieux/47-une-histoire-de-poils mais j'avoue un faible pour les rouflaquettes de Germain
RépondreSupprimerJe vais moi aussi me replonger dans les photos ... Mon arrière grand-père paternelle italie en portait une superbe.
RépondreSupprimerTrès belles photos pour illustrer ton article!
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