jeudi 18 avril 2013

P comme piqueuse de bottines


C'est la profession de Victoire Marie Poirier lorsqu'elle épouse mon ancêtre Frédéric Chancé à la mairie du 5e arrondissement de Paris, en juin 1860.

À cette époque, ils demeurent au 301 de la rue Saint-Jacques, mais sont tous deux originaires de Notre-Dame du Touchet, dans l'extrême sud du département de la Manche.

Source Photopin
L'histoire de Victoire Poirier est plutôt triste. Dernière-née d'une famille de cinq enfants, elle a à peine quinze mois lorsque sa mère décède en 1835, à l'âge de trente et un ans. Son père, qui s'était entre temps remarié, décède à son tour en 1848. Voilà la jeune fille orpheline à quatorze ans. Ses grands-parents ne sont plus de ce monde depuis de nombreuses années. Est-ce pour cette raison qu'elle quitte sa Normandie natale et vient tenter sa chance à Paris ? Je l'ignore.

Frédéric Chancé, qui a trois mois de moins qu'elle, est le plus jeune d'une fratrie de sept enfants. Il semble qu'il ait suivi deux de ses frères, Louis et François, lorsque ceux-ci se sont installés à Paris pour y exercer l'un le métier de broyeur de couleurs et l'autre le métier de peintre en bâtiments.

Les deux époux, Frédéric et Victoire (ou Victorine, comme il est indiqué dans certains actes), ont des ancêtres communs : Gilles Poirier et Marie Hamon, qui se sont mariés vers 1710, avant de donner le jour à… dix-sept enfants ! Ce sont leurs arrière arrière-grands-parents. Autrement dit, Frédéric Chancé et Victoire Poirier sont parents au quatrième degré selon le droit canon, mais au huitième degré selon le droit civil.

Mais revenons au métier de piqueuse de bottines. Selon le Trésor de la langue française informatisé (TLFI), la bottine est une "chaussure de cuir fin, montant jusqu'au mollet et généralement fermée par de petits boutons ou des lacets". Les piqueuses de bottines sont les ouvrières qui les confectionnent à l'aide de machines.

Cela fleure bon la mode du XIXe siècle, à l'époque où il suffisait à un jeune homme d'entrevoir une cheville finement gainée de cuir pour que son imagination s'enflamme. Mais à quel prix ? Combien d'heures Victoire passait-elle chaque jour penchée sur sa machine, à s'user les yeux et s'abîmer les mains, et quel salaire recevait-elle en échange ?

J'ai dit que le couple s'était marié en juin 1860. Frédéric et Victoire ont sans doute régularisé une situation embarrassante, car la jeune femme entre à la maternité de Port-Royal cinq mois plus tard, le 14 novembre, pour y accoucher d'une petite Marie Léonie, à onze heures du soir. La mère décède le surlendemain d'une péritonite, selon la déclaration du médecin figurant dans les registres de l'hôpital. Elle avait vingt-six ans.

L'enfant sort de la maternité le 17 novembre et décède le 23, au domicile de son père, rue Saint-Jacques. Sa courte existence n'aura duré que neuf jours.

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