La paroisse de la Pouëze présente une particularité :
le prêtre qui en assume la charge est à la fois curé et seigneur temporel de la
paroisse, grâce à Louis XI qui acquit le fief dépendant du manoir
d'Arquenay et en fit don à la cure.
Il s'agit d'une sombre histoire de colique, survenue durant
une chasse du souverain dans la forêt de Longuenée voisine et guérie grâce aux
prières à Sainte Emérance, vénérée dans une chapelle proche. C'est du moins ce
que rapporte la légende. Quoi qu'il en soit, voilà nos curés successifs à la
tête d'un véritable domaine qu'ils vont s'efforcer d'aménager, d'entretenir et
d'embellir jusqu'à la Révolution.
Le premier dont nous ayons connaissance, Pierre Verdon, curé
de la Pouëze de 1680 à 1715 (sous le règne de Louis XIV, donc), se lance
dans de grands travaux : construction d'un pavillon qui abrite un salon et
un cabinet de travail, construction d'une étable et d'un grenier à la métairie
d'Arquenay, ainsi que d'une écurie et d'une étable attenantes à la grange de la
cure.
Son successeur, Jacques Ragot, fait installer un bâtiment
pour les volailles dans la basse cour derrière le presbytère et aménage le
terrain alentour : plantation de noyers, plantation d'une allée de charmes
dans le jardin… cet homme avait sans doute la main verte.
Il semble que le suivant, Joseph Buffebran du Coudray, curé
de 1730 à 1732 avant d'être emporté prématurément à l'âge de vingt-sept ans,
n'ait pas eu le temps de laisser sa marque sur le domaine.
Puis arrive Louis Maugars. C'est lui qui résume, année après
année, dans les dernières pages du registre paroissial mais aussi dans les
remarques particulières figurant en tête de chaque volume, les travaux
effectués, leur coût et leur financement. J'avais évoqué ici même, la semaine
dernière, les aménagements et les embellissements qui concernaient l'église.
Voyons maintenant le presbytère et ses dépendances.
En 1740, Louis Maugars "refait à neuf le petite chambre au-dessus de la boulangerie de la cure",
moyennant deux cent trente trois livres, et les "toits à porcs près le jardin de la garenne", moyennant
cinquante quatre livres. Il fait également installer des barrières entre les
cours, les jardins, la garenne et la prairie, et nettoyer les douves qui
entourent le presbytère, expliquant qu'elles étaient engorgées de vase et qu'il
ne s'y trouvait plus aucun poisson !
En 1741, Il plante un berceau de lauriers autour de la douve
du grand jardin. En 1742, il fait construire des pilastres pour encadrer la
porte d'entrée du jardin : l'ancienne porte, trop petite et trop étroite,
ne permettait ni d'entrer à cheval, ni de passer des provisions ! Il aménage également la vigne : allée
d'arbres, charmille, barrières, promenade de saules au coin de la prairie et de
la garenne… En 1745, deux autres pilastres au milieu du jardin, encore deux
pilastres et un nouveau pont pour passer du jardin dans la prairie. En 1747,
réfection des bondes qui régulent l'alimentation en eau des douves à partir du
carré d'eau de la métairie d'Arquenay.
Les années suivantes, Louis Maugars fera planter des arbres
fruitiers "taillés en forme
d'orangers" et soigneusement alignés, de façon à pouvoir semer des
légumes dans l'espace ainsi dégagé. Il fera également élaguer la charmille et
les buis. Enfin, en 1767, il fera encore ériger dans les jardins quatre
pilastres en tuffeau, de cinq ou six pieds de haut. Ce n'était pas Versailles,
sans doute, mais la lecture des registres y fait irrésistiblement penser !
L'article de Wikipédia sur La Pouëze, fortement inspiré de
celui du Dictionnaire historique de Célestin Port, nous permet une fois encore
d'enrichir notre vocabulaire. Il indique que le domaine du presbytère
comprenait "boulangerie, basse-cour,
fuye, étable, écurie, potager, verger, charmille, vigne, garenne, prairie".
La fuye ou fuie est une "petite volière à volet où l'on nourrit les pigeons domestiques",
nous dit le Dictionnaire des mots rares et précieux.
La charmille, vous l'aviez compris, est une allée
plantée de charmes.
Enfin, la garenne est un espace herbeux ou boisé où
vivent les lapins sauvages, mais également un espace où le seigneur se réserve
le droit de chasser (droit qui ne sera aboli que dans la nuit du 4 août
1789, en même temps que d'autres privilèges).
Les derniers registres paroissiaux, qui couvrent la période qui
s'étend de 1768 à l'an III de la République française une et indivisible,
ne comportent ni tables ni commentaires. Les préoccupations étaient sans doute d'un
autre ordre en cette époque troublée.
Mairie de La Pouëze Source Wikimedia Commons |
Aujourd'hui, l'ancien bâtiment principal du presbytère, un
peu trop rénové à mon goût si j'en juge par la photographie, abrite désormais les
bureaux de la mairie. Sic transit gloria
mundi…
Faute d'illustrations d'époque, les descriptions de travaux que tu as retrouvées dans les registres (quelle chance !) et que tu nous livres sur ton blog nous permettent de mieux nous représenter la vie dans ce village autrefois. Bravo pour ces recherches !
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