lundi 15 septembre 2014

La peste au Louroux

J'évoquais ici même la semaine dernière les registres paroissiaux du Louroux-Béconnais, dont les plus anciens parvenus jusqu'à nous furent rédigés en 1500.

Mes plus lointains ancêtres identifiés étant originaires de cette paroisse, j'ai cherché à en savoir davantage et j'ai commencé par la notice du Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, de Célestin Port. Dénominations successives, situation géographique, énumération des villages et des hameaux qui forment le territoire de la commune, superficie, population, description de divers monuments, longue liste des curés et des maires… bref, une mine d'informations.

Je note au passage qu'une épidémie de peste fit des ravages en 1638. Comment cela transparaît-il dans les registres paroissiaux ?

Source Photo Pin

À cette époque, les baptêmes, les mariages et les sépultures sont consignés dans des registres différents. Commençons par les sépultures. Une quarantaine de décès pour les six premiers mois de l'année, rien qui permette à première vue de penser à une épidémie.

Les premiers jours de juillet ne sont pas plus révélateurs, puis soudain, à partir du 10 juillet, les événements semblent se précipiter : quatre enterrements le même jour, le lendemain un seul acte de sépulture pour deux personnes, Magdelon Besnyer et sa fille Marie, un seul acte également pour Pierre Thierry et sa belle-sœur Julianne Françoys, le 13 juillet Jean Fourier et deux de ses enfants (sans plus de précision), le 15 Jeanne Jallot et sa fille Renée Madiot, le 16 deux autres enfants de Jean Fourier précédemment décédé… la liste n'en finit plus de s'allonger et les ecclésiastiques semblent quelque peu débordés.

Ils ne sont d'ailleurs pas épargnés : inhumation du vicaire Mathurin Mengeard le 9 août, du curé Estienne Baudard le 24 août, du chapelain Jean Richard le 26, d'un autre vicaire, Estienne Leprestre, le 27, du sacristain Jullian Lair le 29. On imagine aisément la confusion qui devait régner dans le bourg.

À partir du 31 juillet, un seul prêtre signe tous les actes de sépulture : Jean Bourgeoys, qui devait être d'une constitution particulièrement robuste, car on relève encore sa signature dans les registres, de façon plus épisodique, jusqu'en 1641.

AD Maine-et-Loire, signature de Jean Bourgeoys, prêtre

Pour le seul trimestre de juillet à septembre, soixante-quinze ou soixante-seize décès. Bref, une hécatombe. Parmi les victimes, le fils du notaire, le sergent royal et son épouse, un meunier, "un pauvre manant en voyage" et "Julliane Trillot veufve du defct. Gilles Martin laquelle m'a déclaré estre de la paroisse du Pin pays de Bretaigne passant par le bourg est demeurée mallade de maladye contagieuse et décédée", nous dit le prêtre qui a rédigé l'acte.

Passons au registre des baptêmes. Les actes sont difficiles à déchiffrer, mais rien de particulier à signaler jusqu'au 24 juillet inclus, dernier baptême administré par le curé Estienne Baudard qui succombera un mois plus tard.

Les actes suivants, rédigés par Jean Bourgeoys, sont de simples enregistrements : les baptêmes ont eu lieu à Villemoisan, à La Pouëze ou à Angrie, paroisses éloignées de quelques lieues de celle du Louroux-Béconnais, "à cause de la maladye contagieuse", ainsi est-il précisé. Les cérémonies ne reprendront leur cours normal sur les fonts baptismaux de l'église Saint-Aubin, au Louroux-Béconnais, que le 12 novembre 1638.

Quant au registre des mariages, c'est très simple : sur la même page, on peut lire tout d'abord l'acte de mariage de Pierre Bodard et de Renée Denion le 3 juin 1637, puis juste après celui de Maurice Grignon et de Jacquine Bastonné… le 6 février 1639. Les paroissiens avaient d'autres soucis durant l'année 1638.

Une remarque : pas une fois, dans les registres, je ne relève le mot de peste. Tout juste parle-t-on de maladie contagieuse. Faisait-elle peur au point que personne n'osait même en prononcer le nom ?

Pour le mot de la fin, je laisse la parole à Célestin Port, l'auteur du Dictionnaire historique : "Tout le bourg reste abandonné, et les habitants qui n'émigrent pas y meurent, sauf un prêtre, Jean Bourgeois, qui s'était voué à assister les malades." Et pourtant la vie reprendra son cours, puisque mon ancêtre René Doison, couvreur d'ardoise, y épousera Catherine Gasnier le 9 octobre 1640 et que douze enfants naîtront de cette union.

2 commentaires:

  1. Quelle intéressante fresque historique ! Grâce à des recherches minutieuses et à une lecture attentive des registres, tu fais revivre plusieurs paroisses atteintes par un fléau de l'époque : la peste (jamais nommée). C'est captivant. Bravo !

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  2. Passionnante illustration d'une paroisse meurtrie
    On se dit que ce fléau devait perturber de façon similaire
    d'autres provinces et paroisses dont celles de mes ancêtres...
    Nésida

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