J'évoquais ici même la semaine dernière les registres
paroissiaux du Louroux-Béconnais, dont les plus anciens parvenus jusqu'à nous
furent rédigés en 1500.
Mes plus lointains ancêtres identifiés étant originaires de
cette paroisse, j'ai cherché à en savoir davantage et j'ai commencé par la
notice du Dictionnaire historique,
géographique et biographique de Maine-et-Loire, de Célestin Port.
Dénominations successives, situation géographique, énumération des villages et
des hameaux qui forment le territoire de la commune, superficie, population,
description de divers monuments, longue liste des curés et des maires… bref,
une mine d'informations.
Je note au passage qu'une épidémie de peste fit des ravages
en 1638. Comment cela transparaît-il dans les registres paroissiaux ?
Source Photo Pin |
À cette époque, les baptêmes, les mariages et les sépultures
sont consignés dans des registres différents. Commençons par les sépultures.
Une quarantaine de décès pour les six premiers mois de l'année, rien qui
permette à première vue de penser à une épidémie.
Les premiers jours de juillet ne sont pas plus révélateurs,
puis soudain, à partir du 10 juillet, les événements semblent se
précipiter : quatre enterrements le même jour, le lendemain un seul acte
de sépulture pour deux personnes, Magdelon Besnyer et sa fille Marie, un seul
acte également pour Pierre Thierry et sa belle-sœur Julianne Françoys, le
13 juillet Jean Fourier et deux de ses enfants (sans plus de précision),
le 15 Jeanne Jallot et sa fille Renée Madiot, le 16 deux autres enfants de Jean
Fourier précédemment décédé… la liste n'en finit plus de s'allonger et les
ecclésiastiques semblent quelque peu débordés.
Ils ne sont d'ailleurs pas épargnés : inhumation du
vicaire Mathurin Mengeard le 9 août, du curé Estienne Baudard le
24 août, du chapelain Jean Richard le 26, d'un autre vicaire,
Estienne Leprestre, le 27, du sacristain Jullian Lair le 29. On
imagine aisément la confusion qui devait régner dans le bourg.
À partir du 31 juillet, un seul prêtre signe tous les
actes de sépulture : Jean Bourgeoys, qui devait être d'une constitution particulièrement
robuste, car on relève encore sa signature dans les registres, de façon plus
épisodique, jusqu'en 1641.
AD Maine-et-Loire, signature de Jean Bourgeoys, prêtre |
Pour le seul trimestre de juillet à septembre, soixante-quinze
ou soixante-seize décès. Bref, une hécatombe. Parmi les victimes, le fils du
notaire, le sergent royal et son épouse, un meunier, "un pauvre manant en voyage" et "Julliane Trillot veufve du defct. Gilles Martin laquelle m'a déclaré
estre de la paroisse du Pin pays de Bretaigne passant par le bourg est demeurée
mallade de maladye contagieuse et décédée", nous dit le prêtre qui a
rédigé l'acte.
Passons au registre des baptêmes. Les actes sont difficiles
à déchiffrer, mais rien de particulier à signaler jusqu'au 24 juillet
inclus, dernier baptême administré par le curé Estienne Baudard qui succombera
un mois plus tard.
Les actes suivants, rédigés par Jean Bourgeoys, sont de
simples enregistrements : les baptêmes ont eu lieu à Villemoisan, à La
Pouëze ou à Angrie, paroisses éloignées de quelques lieues de celle du
Louroux-Béconnais, "à cause de la
maladye contagieuse", ainsi est-il précisé. Les cérémonies ne reprendront
leur cours normal sur les fonts baptismaux de l'église Saint-Aubin, au
Louroux-Béconnais, que le 12 novembre 1638.
Quant au registre des mariages, c'est très simple : sur
la même page, on peut lire tout d'abord l'acte de mariage de Pierre Bodard et
de Renée Denion le 3 juin 1637, puis juste après celui de Maurice Grignon
et de Jacquine Bastonné… le 6 février 1639. Les paroissiens avaient
d'autres soucis durant l'année 1638.
Une remarque : pas une fois, dans les registres, je ne
relève le mot de peste. Tout juste parle-t-on de maladie contagieuse. Faisait-elle
peur au point que personne n'osait même en prononcer le nom ?
Pour le mot de la fin, je laisse la parole à Célestin Port,
l'auteur du Dictionnaire historique :
"Tout le bourg reste abandonné, et
les habitants qui n'émigrent pas y meurent, sauf un prêtre, Jean Bourgeois, qui
s'était voué à assister les malades." Et pourtant la vie reprendra son
cours, puisque mon ancêtre René Doison, couvreur d'ardoise, y épousera
Catherine Gasnier le 9 octobre 1640 et que douze enfants naîtront de cette
union.
Quelle intéressante fresque historique ! Grâce à des recherches minutieuses et à une lecture attentive des registres, tu fais revivre plusieurs paroisses atteintes par un fléau de l'époque : la peste (jamais nommée). C'est captivant. Bravo !
RépondreSupprimerPassionnante illustration d'une paroisse meurtrie
RépondreSupprimerOn se dit que ce fléau devait perturber de façon similaire
d'autres provinces et paroisses dont celles de mes ancêtres...
Nésida