Dans son blog La
chaîne des générations, mon amie Nicole comparait le travail généalogique à
l'assemblage d'un puzzle, dont nous ne connaissons ni le modèle ni le nombre de
pièces !
L'analogie m'a paru d'autant plus pertinente que j'ai
ressorti récemment une boîte sans aucune image, contenant environ six cents
pièces en bois, toutes de formes différentes, pour m'adonner à cette activité
avec mes petits-enfants. Nous savions simplement qu'il s'agissait d'une salle
du château d'Anjony. J'ai pu observer comment nous procédions pour reconstituer
l'ensemble et je pourrais pousser plus loin l'analogie.
Comment assembler les pièces du puzzle ? |
À l'ouverture de la boîte, comment faire ? nous avons commencé par les bordures. Je m'explique : nous avons d'abord cherché toutes les pièces qui avaient un bord rectiligne, de façon à reconstituer le cadre de l'image, cadre dans lequel tous les morceaux allaient s'insérer. De la même façon, en généalogie, j'ai commencé, comme beaucoup d'amateurs sans doute, par identifier mes ancêtres directs, grands-parents, arrière-grands-parents, et ainsi de suite de génération en génération, le plus loin possible, grâce aux actes de baptême et aux actes de mariage qui fournissaient des informations sur la filiation. De façon à définir le cadre de recherches plus approfondies.
Lorsque ce travail préliminaire fut bien avancé (je parle du
puzzle), nous avons travaillé par zones. Autrement dit, nous avons
cherché toutes les pièces qui avaient les mêmes couleurs ou les mêmes motifs, ou
quelque indice qui permît de penser qu'elles faisaient partie d'un même groupe.
De la même façon en généalogie, je complète les fratries, je note les témoins,
parrains et marraines, je relève les porteurs d'un même patronyme
dans les villages qui m'intéressent. Quitte à passer de temps en temps d'un
département à un autre pour éviter la lassitude et la monotonie…
Le puzzle commençait à prendre forme. Bien sûr, il y avait
des espaces vides, mais également ici et là de nombreuses pièces assemblées,
qui permettaient déjà d'avoir une idée du résultat. La suite du jeu a consisté
à trouver comment raccorder les différentes zones entre elles. C'est là,
me direz-vous, la limite de la comparaison entre puzzle et généalogie : en
premier lieu, un arbre généalogique n'est jamais réellement achevé, et ensuite
il y a fort peu de chance que les différentes branches s'emboîtent les unes
dans les autres… sauf en cas d'implexe !
Et là, bingo ! je viens d'avoir une bonne surprise.
Schéma faisant apparaître les liens de parenté entre Jeanne Pauline Troussier et Emmanuel Marie Letourneau |
Emmanuel Marie Letourneau et Jeanne Pauline Troussier se
sont mariés à la mairie du 2e arrondissement d'Angers le
17 novembre 1873. Il est employé de commerce, elle est ouvrière en robes.
Aucun des deux, je pense, n'imagine une seule seconde qu'ils ont des ancêtres
communs.
Emmanuel Marie Letourneau est né vingt-huit ans plus tôt à
Château-Gontier. Enfant naturel d'Elisabeth Marie Letourneau, il a été élevé
par ses grands-parents et il est issu d'une lignée d'artisans, menuisiers,
charpentiers, cordonniers, tisserands, installés à Château-Gontier depuis des
lustres.
Jeanne Pauline Troussier a pour sa part dix-huit ans
lorsqu'elle se marie. Elle est née à Angers, où ses parents, Jean-Baptiste
Troussier et Jeanne Pinier, se sont mariés vingt ans auparavant, mais les
générations précédentes cultivaient la terre. Tout au nord du département de la
Mayenne du côté des Troussier, dans le Maine-et-Loire, vers Bécon-les-Granits,
le Louroux-Béconnais ou Saint-Clément de la Place du côté des Pinier.
Il faut remonter deux cent soixante ans en arrière, au tout
début du XVIIe siècle, pour retrouver le couple dont Emmanuel Marie
et Jeanne Pauline sont tous deux de lointains descendants : Nicolas Guesné
et Renée Delanoë, dont les fiançailles furent célébrées le 12 novembre
1612 dans la paroisse d'Aviré et les épousailles le 3 décembre suivant, dans
la paroisse de Gené.
Une nombreuse progéniture suivra, avant que la mère ne meure
en couches, à quarante-deux ans, en donnant le jour à un douzième enfant.
Nombre d'entre eux n'ont vécu que quelques semaines ou quelques mois, mais
plusieurs ont atteint l'âge adulte et ont à leur tour fondé une famille.
L'aînée, Jeanne Guesné, ancêtre de Jeanne Pauline Troussier
à la neuvième génération, est baptisée le 2 novembre 1613 (alors que
Louis XIII n'a encore que douze ans et que sa mère, Marie de Médicis,
assure la régence du royaume de France). Elle se marie en 1632 dans sa paroisse
d'origine, l'église Saint-Pierre de Gené, mais suit manifestement son époux
Nicolas Joubert à Vern-d'Anjou. Leurs descendants ne s'éloigneront guère :
on les retrouve à la Pouëze, au Louroux-Béconnais ou à Bécon-les-Granits, dans
un rayon de quelques lieues à peine.
La migration vers la ville d'Angers ne se fera que vers le
milieu du XIXe siècle et Jeanne Pauline Troussier sera la première
de cette lignée à voir le jour dans la métropole angevine.
Pierre Guesné, ancêtre d'Emmanuel Marie Letourneau à la huitième
génération, est quant à lui baptisé le 20 avril 1622 ; il a donc huit
ans de moins que sa sœur aînée Jeanne. Il se marie en février 1647 avec Olive
Oger. Il demeure dans le bourg de Gené, où il exerce le métier d'affranchisseur(1). Son fils René également, avant d'être
qualifié de marchand. C'est sa petite-fille, Claude parfois appelée Claudine, qui
épousera un marchand tissier de Château-Gontier en 1723 et fera souche sur les
bords de la Mayenne.
J'avais étudié cette branche mayennaise de ma famille dans
les premiers mois de mes recherches généalogiques et, en relisant les actes, en
passant en revue les informations collectées, je m'aperçois aujourd'hui que
j'ai négligé des éléments qui mériteraient d'être exploités pour en apprendre
davantage : voilà, le puzzle prend forme, certes, mais il y a encore de
nombreuses pièces éparpillées sur la table… quelques points obscurs à
éclaircir, quelques énigmes à résoudre, quelques incertitudes à lever. J'y
reviendrai.
(1) Sorte de
hongreur pratiquant la castration des porcs ou stérilisant les truies en vue de
l'engraissage, nous dit le Dictionnaire des métiers.
Billet fort bien conduit
RépondreSupprimerPeut-être faudrait-il laisser des énigmes à résoudre aux petits-enfants !
Nésida
Un peu débordée par tous les blogs à lire dans la généaveille de Sophie, je n'avais pas encore lu ton billet de cette semaine... Tu travailles toujours avec méthode et une grande précision que je n'ai pas encore acquise. Comme toi, j'ai négligé bien des éléments dans les premières années de mes recherches généalogiques. Je reprends les actes un par un pour les relire, et j'y trouve de nouvelles pistes. Le puzzle n'est jamais terminé. Ce que tu as démontré.
RépondreSupprimerEn lisant avec retard la généaveille, je tombe avec intérêt sur votre article. Hasard ou coincidences : j'ai un blog de généalogie dont le nom est Family Puzzle. J'avais commencé par l'article "Comme un puzzle" que je vous invite à lire... http://familypuzzle.fr/?page_id=2
RépondreSupprimerMerci pour vos commentaires et pour le lien vers votre blog. Je vais finir par penser que tous les généalogistes sont également amateurs de puzzles !
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