lundi 6 octobre 2014

Généalogie façon puzzle

Dans son blog La chaîne des générations, mon amie Nicole comparait le travail généalogique à l'assemblage d'un puzzle, dont nous ne connaissons ni le modèle ni le nombre de pièces !

L'analogie m'a paru d'autant plus pertinente que j'ai ressorti récemment une boîte sans aucune image, contenant environ six cents pièces en bois, toutes de formes différentes, pour m'adonner à cette activité avec mes petits-enfants. Nous savions simplement qu'il s'agissait d'une salle du château d'Anjony. J'ai pu observer comment nous procédions pour reconstituer l'ensemble et je pourrais pousser plus loin l'analogie.

Comment assembler les pièces du puzzle ?

À l'ouverture de la boîte, comment faire ? nous avons commencé par les bordures. Je m'explique : nous avons d'abord cherché toutes les pièces qui avaient un bord rectiligne, de façon à reconstituer le cadre de l'image, cadre dans lequel tous les morceaux allaient s'insérer. De la même façon, en généalogie, j'ai commencé, comme beaucoup d'amateurs sans doute, par identifier mes ancêtres directs, grands-parents, arrière-grands-parents, et ainsi de suite de génération en génération, le plus loin possible, grâce aux actes de baptême et aux actes de mariage qui fournissaient des informations sur la filiation. De façon à définir le cadre de recherches plus approfondies.

Lorsque ce travail préliminaire fut bien avancé (je parle du puzzle), nous avons travaillé par zones. Autrement dit, nous avons cherché toutes les pièces qui avaient les mêmes couleurs ou les mêmes motifs, ou quelque indice qui permît de penser qu'elles faisaient partie d'un même groupe. De la même façon en généalogie, je complète les fratries, je note les témoins, parrains et marraines, je relève les porteurs d'un même patronyme dans les villages qui m'intéressent. Quitte à passer de temps en temps d'un département à un autre pour éviter la lassitude et la monotonie…

Le puzzle commençait à prendre forme. Bien sûr, il y avait des espaces vides, mais également ici et là de nombreuses pièces assemblées, qui permettaient déjà d'avoir une idée du résultat. La suite du jeu a consisté à trouver comment raccorder les différentes zones entre elles. C'est là, me direz-vous, la limite de la comparaison entre puzzle et généalogie : en premier lieu, un arbre généalogique n'est jamais réellement achevé, et ensuite il y a fort peu de chance que les différentes branches s'emboîtent les unes dans les autres… sauf en cas d'implexe !

Et là, bingo ! je viens d'avoir une bonne surprise.

Schéma faisant apparaître les liens de parenté
entre Jeanne Pauline Troussier et Emmanuel Marie Letourneau

Emmanuel Marie Letourneau et Jeanne Pauline Troussier se sont mariés à la mairie du 2e arrondissement d'Angers le 17 novembre 1873. Il est employé de commerce, elle est ouvrière en robes. Aucun des deux, je pense, n'imagine une seule seconde qu'ils ont des ancêtres communs.

Emmanuel Marie Letourneau est né vingt-huit ans plus tôt à Château-Gontier. Enfant naturel d'Elisabeth Marie Letourneau, il a été élevé par ses grands-parents et il est issu d'une lignée d'artisans, menuisiers, charpentiers, cordonniers, tisserands, installés à Château-Gontier depuis des lustres.

Jeanne Pauline Troussier a pour sa part dix-huit ans lorsqu'elle se marie. Elle est née à Angers, où ses parents, Jean-Baptiste Troussier et Jeanne Pinier, se sont mariés vingt ans auparavant, mais les générations précédentes cultivaient la terre. Tout au nord du département de la Mayenne du côté des Troussier, dans le Maine-et-Loire, vers Bécon-les-Granits, le Louroux-Béconnais ou Saint-Clément de la Place du côté des Pinier.

Il faut remonter deux cent soixante ans en arrière, au tout début du XVIIe siècle, pour retrouver le couple dont Emmanuel Marie et Jeanne Pauline sont tous deux de lointains descendants : Nicolas Guesné et Renée Delanoë, dont les fiançailles furent célébrées le 12 novembre 1612 dans la paroisse d'Aviré et les épousailles le 3 décembre suivant, dans la paroisse de Gené.

Une nombreuse progéniture suivra, avant que la mère ne meure en couches, à quarante-deux ans, en donnant le jour à un douzième enfant. Nombre d'entre eux n'ont vécu que quelques semaines ou quelques mois, mais plusieurs ont atteint l'âge adulte et ont à leur tour fondé une famille.

L'aînée, Jeanne Guesné, ancêtre de Jeanne Pauline Troussier à la neuvième génération, est baptisée le 2 novembre 1613 (alors que Louis XIII n'a encore que douze ans et que sa mère, Marie de Médicis, assure la régence du royaume de France). Elle se marie en 1632 dans sa paroisse d'origine, l'église Saint-Pierre de Gené, mais suit manifestement son époux Nicolas Joubert à Vern-d'Anjou. Leurs descendants ne s'éloigneront guère : on les retrouve à la Pouëze, au Louroux-Béconnais ou à Bécon-les-Granits, dans un rayon de quelques lieues à peine.

La migration vers la ville d'Angers ne se fera que vers le milieu du XIXe siècle et Jeanne Pauline Troussier sera la première de cette lignée à voir le jour dans la métropole angevine.

Pierre Guesné, ancêtre d'Emmanuel Marie Letourneau à la huitième génération, est quant à lui baptisé le 20 avril 1622 ; il a donc huit ans de moins que sa sœur aînée Jeanne. Il se marie en février 1647 avec Olive Oger. Il demeure dans le bourg de Gené, où il exerce le métier d'affranchisseur(1). Son fils René également, avant d'être qualifié de marchand. C'est sa petite-fille, Claude parfois appelée Claudine, qui épousera un marchand tissier de Château-Gontier en 1723 et fera souche sur les bords de la Mayenne.

J'avais étudié cette branche mayennaise de ma famille dans les premiers mois de mes recherches généalogiques et, en relisant les actes, en passant en revue les informations collectées, je m'aperçois aujourd'hui que j'ai négligé des éléments qui mériteraient d'être exploités pour en apprendre davantage : voilà, le puzzle prend forme, certes, mais il y a encore de nombreuses pièces éparpillées sur la table… quelques points obscurs à éclaircir, quelques énigmes à résoudre, quelques incertitudes à lever. J'y reviendrai.




(1) Sorte de hongreur pratiquant la castration des porcs ou stérilisant les truies en vue de l'engraissage, nous dit le Dictionnaire des métiers.

4 commentaires:

  1. Billet fort bien conduit
    Peut-être faudrait-il laisser des énigmes à résoudre aux petits-enfants !
    Nésida

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  2. Un peu débordée par tous les blogs à lire dans la généaveille de Sophie, je n'avais pas encore lu ton billet de cette semaine... Tu travailles toujours avec méthode et une grande précision que je n'ai pas encore acquise. Comme toi, j'ai négligé bien des éléments dans les premières années de mes recherches généalogiques. Je reprends les actes un par un pour les relire, et j'y trouve de nouvelles pistes. Le puzzle n'est jamais terminé. Ce que tu as démontré.

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  3. En lisant avec retard la généaveille, je tombe avec intérêt sur votre article. Hasard ou coincidences : j'ai un blog de généalogie dont le nom est Family Puzzle. J'avais commencé par l'article "Comme un puzzle" que je vous invite à lire... http://familypuzzle.fr/?page_id=2

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    1. Merci pour vos commentaires et pour le lien vers votre blog. Je vais finir par penser que tous les généalogistes sont également amateurs de puzzles !

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