Au chapitre des curiosités, je vous présente Mathurin Pinier. Il s'agit du frère
aîné de l'un de mes ancêtres côté paternel, à la dixième génération.
L'histoire commence à Thouarcé, sur les rives du Layon, au
sud de la Loire, le 31 décembre 1669. Ce jour-là, le petit Mathurin, qui
vient de voir le jour treize mois après le mariage de ses parents, est porté
sur les fonts baptismaux par son grand-père, Laurent Pinier. L'officiant porte
le joli nom de René Loyselleur.
Pour une raison qui m'échappe et à une date que j'ignore, la
famille Pinier a quitté la paroisse de Thouarcé pour s'installer à une dizaine
de lieues de là, de l'autre côté de la Loire, à Saint-Clément-de-la-Place.
C'est donc à Saint-Clément que Mathurin Pinier épouse Marie Ravary le 24 novembre 1692, alors qu'il n'a pas encore
vingt-trois ans.
Deux enfants naissent de ce premier mariage, Simon en
novembre 1694 et Marie en avril 1696. Leur mère n'a guère le temps de
les élever : elle est portée en terre le 6 juin suivant, à
vingt-quatre ans.
Carte établie sous la direction de César-François Cassini de Thury Extrait de la feuille n°98, Source Gallica |
Mathurin Pinier, qui est maintenant métayer à la
Chiffolière, attend le 28 novembre 1697 pour prendre une nouvelle épouse, Marie Brevet, originaire de la paroisse
voisine de Bescon (aujourd'hui Bécon-les-Granits). Celle-ci met au monde un
garçon en octobre suivant, puis une fille onze mois plus tard ; "baptisée à la maison et décédée en même
temps", elle n'a pas reçu de prénom. L'accouchement a dû être plus que
difficile, car la mère rend son dernier souffle quatre jours après ! Elle
devait avoir vingt-sept ans.
Mathurin Pinier n'a pas trente ans et il est déjà deux fois
veuf. Le 23 septembre 1700, il épouse en troisièmes noces Michèle Poyrier. Ils se connaissent
bien : Michèle Poyrier est servante à la Chiffolière et, le
18 janvier précédent, ils étaient tous deux parrain et marraine d'un neveu
de Mathurin. Ce qui nécessita une dispense de l'évêque d'Angers pour le
mariage, mais parvint-elle à temps ou fut-elle égarée ? la date du
précieux document est laissée en blanc dans le registre…
Vingt-huit semaines plus tard, un enfant pointe le bout de
son nez. "Baptisé à la maison et
décédé une demie heure après", il n'a pas eu le temps de recevoir un
prénom ; tout juste sait-on qu'il s'agissait d'un garçon. La mère le
rejoint dans les quinze jours qui suivent. Selon le curé, elle avait
vingt-trois ans. Le troisième mariage de Mathurin Pinier n'a pas duré sept
mois !
Il attend un peu plus d'un an pour épouser, en septembre
1701, une certaine Marie Fourrier.
Laquelle, très classiquement, met au monde un garçon en octobre 1702 et devinez
quoi ? elle décède quatre jours après. Elle avait à peu près trente-cinq
ans. Cette fois-ci, le mariage a duré treize mois.
Enfin, le 6 juillet 1703, Mathurin Pinier épouse Jeanne Lefrançois. Est-elle de
constitution plus robuste que les précédentes ? elle va donner le jour à
cinq enfants de mai 1704 à juillet 1712. Mais Mathurin ne connaîtra
jamais la petite Jacquine, car c'est lui qui a été porté en terre en mars 1712,
quatre mois auparavant ! Il avait quarante-deux ans.
Cinq mariages entre 1692 et 1703, onze rejetons entre 1694
et 1712, mais combien sont parvenus jusqu'à l'âge adulte ?
Je n'ai pas pu reconstituer le parcours de chacun, mais six
d'entre eux sont décédés avant d'avoir le temps de fonder une famille. Je ne
donne pas cher non plus du petit Simon, le premier de la liste, baptisé le
20 novembre 1694 après avoir été "ondoyé
par nécessité" la veille. J'ignore le sort de Laurent, né en octobre
1698. Trois enfants de Mathurin Pinier se sont mariés de façon certaine :
Marie à deux reprises, Jeanne et Mathurin, chacun une fois.
L'histoire des cinq mariages de Mathurin Pinier se déroula
sous le règne de Louis XIV, dans une paroisse que Célestin Port(1)
décrivait ainsi :
"Sise dans un
terrain bas, humide, de terres fortes et rudes vers le nord, parsemées vers le
sud dans les meilleurs champs de gros blocs erratiques où se brisait la
charrue, elle se divisait en nombreuses mais chétives métairies et comptait
cinquante pauvres ménages pour le moins. Le passage des faux saulniers et des
gabelous exposait d'ailleurs à toutes les misères."
Bref, la vie était rude pour nos ancêtres en ce temps-là…
(1) Célestin Port, Dictionnaire historique,
géographique et biographique de Maine-et-Loire, publié à Angers en 1880,
consultable en ligne sur le site des Archives départementales du Maine-et-Loire
Que les temps étaient durs en effet... Merci pour cet article, je dois avouer que c'est une sacré curiosité autant de mariages (et je n'ai pas osé compter les enterrements !).
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